UN PEUPLE QUI NE CESSE DE RIRE, MÊME SI DE N'EST PAS TOUJOURS DRÔLE!

Au nom de l'humour: Bye Bye le «Bye Bye»

Beaucoup d'«humoristes» et un humour évanescent

Tribune libre

C'est une tradition, au Québec, de critiquer sévèrement les ««Bye Bye» qui marquent la fin d'une ancienne année et le début d'une nouvelle année. Cette année, de nombreux commentateurs et citoyens ont été spécialement ravis et comblés alors qu'une foultitude de personnes, comme Pierre Cloutier (jʼai bien lu son texte critique), ont été désenchantées et frustrées, tout comme moi-meme.
En fait, le problème du Bye Bye n'est pas ponctuel. Il est lié au fait que, depuis quelques décennies, l'industrie de lʼhumour occupe un espace démentiel, pour ne pas dire intolérable, au sein de la société québécoise. On peut proposer des centaines de définitions de l'humour. Ce qui me semble clairement établi, cʼest que le rire est très souvent (pas toujours) suscité et catalysé par l'irruption, parfois brillante et «géniale», de l'insolite, de l'imprévu, de l'absurde.
On peut développer une foultitude de thèses sur la question. Il n'en reste pas moins que le sens de l'humour, cʼest la capacité de rire de soi-même, ce qui a l'avantage de dédramatiser l'existence.
Ce merveilleux sens de lʼhumour, c'est aussi de savoir rire des «autres», parfois avec de nombreux autres. Cʼest là que réside la «marque de commerce» de Woody Allen. Dans ses films et dans ses nombreux «mots dʼesprit». Woody Allen sait rire profusément de lui-même, ce qui ne lʼa jamais empêché de satiriser de nombreux «autres» et de parfois «les faire passer au cash», pour notre plus grand plaisir.
Certains analystes disent que Joseph Staline et Margaret Thatcher, pour ne prendre que ces deux exemples, étaient tous les deux «agélastes». Dans ce mot presquement oublié (ce qui est chagrinant et navrant) le « a » est un préfixe privatif et « gelos » signifie « rire». Le mot «agélaste», inventé par Francois Rabelais, désigne une personne qui ne rit à peu près jamais et qui a un sens de lʼhumour plutôt évanescent, ce qui est bien triste car rire – ou même sourire – fait du bien et « dilate la rate », pour reprendre un vieux
cliché. Rabelais détestait les êtres humains dépourvus dʼhumour et ceux qui souffraient de lʼincapacité de se désopiler la rate et de se gondoler.
Aussi, il est clair que l'humour, comme d'autres l'ont mieux dit avant moi, c'est souvent d'inférioriser des individus ou des catégories sociales, dans le but de faire rire ou sourire. Lorsque l'on fait de l'humour à la troisième personne du singulier, on commence souvent en disant: «Connais-tu l'histoire du gars, du fou, du newfie, de la blonde, du Belge, du Français (eh oui!), du Québécois (pourquoi pas ?), du Juif ou de tout autre personnage «typé» et «profilé»?»
On peut, ce faisant, sombrer parfois, comme le fait Dieudonné en France, dans le racisme ou dans un antisémitisme débridé, simplet et dégueulasse.
Tout cela pour dire qu'à mon humble et pas très original avis, l'humour québécois manque de bons humoristes, talentueux et éventuellement décapants.
Bien triste est notre société avec son Festival de l'humour, son Musée de l'humour (Bye Bye lʼinsignifiant musée) et son École de l'humour. Malgré ces «grandes institutions», au moins 90% des blagues et «jokes» considérées comme étant drôles et désopilantes sont «débiloïdes», sans grandeur et sans hauteur.
Heureusement qu'il y a eu, entre autres, les Cyniques (cela est historiquement loin), Sol, RBO et Yvon Deschamps. Heureusement il y a eu aussi les Zapartistes, Guy Nantel, et d'autres que malheureuseument j'oublie, ce qui me déplaît.
N'oublions pas qu'il y a un humour qui libère alors qu'on peut aussi être confronté à un humour qui «enferme», qui est marqué au sceau de la médiocrité et de la régression sociale, culturelle et intellectuelle .
Je me dois de dire que je raffole de lʼhumour, du rire et du sourire. Jʼai été lié de très proche du Parti Rhinocéros (de 1966 à 1988) lorsque lʼâme du parti était encore plus «ferronienne» que gourde, «chatouilleuse» et «clownesque».
Jʼai été candidat, à quelques reprises, pour ce parti qui, souventes fois, se montrait hilarant et passablement critique, corrosif, original et décapant. Il importait de «dire» et, ce faisant, de faire «rire».
Sans avoir la prétention de développer une théorie originale et subversive du rire et de lʼhumour, je dirai, comme je lʼai déjà prétendu plus haut, que le charme de lʼhumour provient régulièrement du fait quʼil est souvent lié à lʼirruption de lʼinsolite, de lʼabsurde, de lʼinattendu et de lʼimprévu. Et quand cʼest brillamment exécuté, cela fait du bien et peut même provoquer un rire proche des larmes. Il est des moments privilégiés où «Jean qui pleure» et «Jean qui rit» se donnent fraternellement la main, ce qui fait du bien dans une société qui se veut hilarante en permanence, tout en étant incapable de prendre acte de la tragédie humaine, laquelle tragédie nʼinterdit pas la gaudriole. Bien au contraire!
Lʼhumour consiste souvent à rire ou sourire des bévues, erreurs ou faiblesses des autres (ou de soi-même).
Parfois, lʼhumour est mordant, vitriolique, décapant et dénonciateur. Toutefois, lorsquʼil mʼarrive dʼentendre (et parfois dʼécouter) de nombreux «humoristes» québécois, je trouve que ces petits rigolos , souvent détenteurs de «diplômes humoristiques» (émis par une certaine école dite de lʼhumour, école dans laquelle on présente des formes plutôt conformistes de cette merveille appelée LʼHUMOUR), sʼamusent à « «inférioriser » et à ridiculiser les plus démunis, les plus mal pris et ceux qui sont le moins capables de se défendre.
Je prétends, quant à moi, quʼune des fonctions de lʼhumour, pas à la sauce Louise Richer, ce serait dʼattaquer, autant que faire se peut, les puissants, les exploiteurs, les escrocs de tout acabit, les «détenteurs» de milliers de préjugés et de clichés insignifiants.
Je pense, quant à moi, qu'il faut aussi descendre en flammes et traîner dans la boue les ««vrais racistes» et tous les xénophobes, profiteurs ou salopards.
Je partage le point de vue de Jean Yanne lorsquʼil affirme : «Lʼhumoriste est là pour désacraliser les choses en faisant des pirouettes autour de lʼordre établi.»
Et Raymond Queneau nʼa pas tort, lui non plus, lorsquʼil prétend que «lʼhumour» est une tentative pour décaper les grands sentiments de leur connerie».
Je prétends aussi quʼen ce qui concerne lʼexpression « artistique » dans toutes ses manifestations, le rire, la comédie et lʼhumour sont essentiels.
Mais pleurer à lʼoccasion, ou être profondément ému, touché ou bouleversé par une œuvre dramatique ou tragique, cela peut aussi être éminemment tonique.
Actuellement, on dirait que «Jean qui pleure» a été totalement estropié, mutilé, voire éliminé par «Jean qui rit», par Jean qui ne cesse de rire comme un véritable demeuré.
En fait, lʼindustrie de lʼhumour minable occupe beaucoup de place au sein de la société québécoise. Et certains humoristes devraient, à lʼinstar de Woody Allen, faire de lʼhumour à la première personne du singulier. Quʼune partie de soi-même infériorise une autre partie de soi-même, cela ne peut quʼêtre salutaire. Le sens de lʼhumour, cʼest aussi – sinon surtout – de savoir rire de soi-même.
En somme, je souhaite le retour occasionnel et plus fréquent de Jean qui pleure pour concurrencer ce vieil imbécile potentiel quʼon appelle Jean qui rit.
Jʼaimerais bien terminer sur une petite note. Lorsque jʼenseignais la sociologie (cʼest ce que jʼai fait avec un grand plaisir pendant 37 ans), je demandais toujours à mes étudiants du cours CULTURE ET MÉDIAS de commenter cette «affirmation» de Coluche :
***«Le racisme, cʼest comme les nègres. Ça ne devrait pas exister.»***
Certains y voyaient un terrible et dangereux racisme alors que dʼautres y voyaient une critique «musclée» du racisme sous toutes ses formes.
Qui a raison? Qui a tort? Je pense le savoir parce que je connais assez bien lʼhumour caustique et «baveux» du grand Coluche.
Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias et écrivain public
P.S. Autre blague soumise à mes merveilleux étudiants : **«Deux Blancs sont «perdus» dans le désert du Texas. Ils ne cessent de se demander sʼils vont sʼen tirer. Tout à coup ils voient au loin un gibet et il y a là deux Noirs qui sont pendus. Alors, il y en a un qui dit à lʼautre : «Enfin, nous avons retrouvé LA CIVILISATION.»**
JSB


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10 commentaires

  • Jean-Serge Baribeau Répondre

    15 janvier 2013

    J'aimerais vous dire,SERGE JEAN, que ma compagne et moi,nous avons été amusés par votre histoire de boîtes et de carrés. Nous pensions que votre texte devait être interprété comme étant métaphorique et ludique, un peu comme dans la tradition pataphysique.
    Cela nous a amenés à chercher le sens caché de votre commentaire.
    AU PLAISIR!
    JSB

  • Serge Jean Répondre

    14 janvier 2013

    Monsieur Baribeau.
    Je viens tout juste de mettre mon navigateur à jour, et je ne vois plus apparaître les petits carrés orthographiques que je voyais dans votre texte; je comprend maintenant que vous deviez bien vous demander de quoi est-ce que je parlais.
    Je suis désolé c'est de ma faute bien involontaire ce qui est arrivé et je vous demande de m'excuser.
    P.S. J'ai réparé les rideaux ce matin. :)
    Serge Jean

  • Serge Jean Répondre

    12 janvier 2013

    À monsieur Jean-Serge Baribeau.
    Rassurez-vous monsieur Baribeau, votre dernière démonstration, démontre que vous êtes assurément un grand chevalier du coeur.
    Il nous arrive à tous, de s'enfarger et ça fait partie de notre vie. Je n'aurais jamais osé exiger des excuses de votre part, mais je salue certainement votre savoir vivre de le faire.
    Serge Jean

  • Jean-Serge Baribeau Répondre

    12 janvier 2013

    Je suis confus et piteux puisque j'ai mal interprété les propos de SERGE JEAN. J'espère que ce dernier ne va pas me vouer une haine éternelle. J'ai été «mis en boîte» par un texte astucieux et inventif. Mais la querelle et la haine ne mènent nulle part sinon dans une impasse Alors, mes plus sincères excuses et sans rancune ou rancœur.
    En ce qui concerne DIEUDONNÉ, il y a actuellement un débat en ce qui concerne son «jeu». Lorsque débat il y a, cela signifie que plusieurs points de vue sont émis et qu'il va y avoir des désaccords qui, dans un monde civilisé, ne doivent pas déboucher sur l'insulte ou la haine.
    Cela étant dit je me dois de dire que je suis toujours ravi lorsque des personnes aux perspectives diverses me font l'honneur de commenter mes propos, assurément discutables.
    JSB

  • Archives de Vigile Répondre

    12 janvier 2013

    L'humour au Québec semble une façon d'oublier la triste réalité que nous vivons depuis les 30 dernières années: baisse constante du niveau de vie, fermetures d'usines, écart grandissant entre riches et pauvres, impuissance citoyenne à y changer quoi que ce soit.
    Finalement, on rit pour ne pas pleurer.

  • Serge Jean Répondre

    11 janvier 2013

    Monsieur Baribeau
    Votre article, qui est aussi à mon sens une réflexion que je partage eh bien, je l'avais aimé; et c'est pourquoi j'ai écris ce que vous avez lu, en croyant sincèrement avoir enchaîné avec une blague.
    Je vois effectivement sur mon écran, des petits carreaux orthographiques devant plusieurs mots, tout le long du parcours de votre texte, qui par ailleurs remarquez bien, ne me dérangent pas du tout; j'ai simplement laissé aller
    mon imagination en utilisant ces petits carreaux pour y fabriquer quelque chose justement dépourvu d'hermétisme, et aussi de boîtes dans la boîte, le plus simplement et naturellement.
    J'ai vérifié dans le système d'opération de mon ordinateur si par hasard certains paramètres régionaux ne seraient pas ajustés correctement, mais il semble que tout soit normal; peut-être est-ce le navigateur que j'utilise qui est trop vieux, je ne le sais pas encore pour l'instant.
    Cependant, je suis étonné de votre réaction; au lieu de prendre mes mots comme ils étaient placés, vous êtes grimpés dans les rideaux y arrachant les pôles et m'accusant ensuite d'imposteur; et vous êtes repartis en claquant la porte.
    Quant à l'hermétisme dont vous me taxez eh bien, j'écris comme mon inspiration me l'enseigne et de bonne foi; même s'il m'arrive parfois, d'être très polisson dans mes opinions.
    Mon nom c'est le même que votre prénom, Jean-Serge; vous me permettrez quand même de ne pas inclure aussi mon numéro d'assurance sociale, permis de conduire et empreintes digitales quand même.
    Si je me laissais aller à réagir comme vous l'avez fait, je pourrais supposer que j'ai pénétré sur un terrain miné d'avance.
    Serge Jean

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2013

    Monsieur Baribeau,
    Votre texte est intéressant. Je vous remercie. Cependant, je le dis respectueusement, votre jugement simpliste de Dieudonné vous rend prétentieusement arrogant.
    Sans analyse et sans réfléchir à l'essentiel, vous répétez machinalement les mots du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) . Il s'agit d'un lynchage. En effet, Dieudonné ne dénonce que le racisme institutionnalisé par le sionisme en général et plus particulièrement le régime d'apartheid pratiqué par l'Entité sioniste contre les Palestiniens.
    Dieudonné dénonce le racisme. Je le remercie.

  • Jean-Serge Baribeau Répondre

    11 janvier 2013

    Jean (ou qui que vous soyez), sachez que les meilleures analyses et les meilleurs blagues sont dans des boîtes, emboîtées les unes dans les autres.
    Mais je ne me laisse pas mettre en boîte lorsque je parcours et lis des textes hermétiques écrits par des personnes qui n'ont pas le courage de s'identifier.
    AU PLAISIR!
    JSB

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2013

    L'humour soulève la réelle noiceur des gens...
    À leur insu...
    Mais qui dit noirceur... ne dit pas nécessairement mauvais...
    Certains sont ... aussi... mauvais.
    Les deux ensembles, sans dignité...
    Valent peu.
    Et il faut distinguer cheminant et ayant cheminé.
    Bref...
    Il y aura résonnance...
    Je ne suis qu'un marteau de plus sur la cloche de cet écrit.

  • Serge Jean Répondre

    11 janvier 2013

    Pourquoi vous roulez cette mystérieuse boîte tout le long de votre texte?
    Jean