Attention à Denis Coderre

Tribune libre

Répondre à la déclaration de Denis Coderre sur le statut des villes avec des arguments juridiques, comme le font certains Vigiliens, me semble un jeu dangereux, tout comme le fait de le prendre pour un abruti. Rappelons les faits. Il est vrai qu’il a dit ce que M. Bonhomme lui reproche dans son papier (L’État, ce n’est pas le Québec, c’est M. Coderre). Tout comme l’aspect juridique auquel il réfère. Là n’est pas ma préoccupation. Elle est de nature politique.
Les villes sont des entités démocratiques, et les maires ont une importance politique indéniable. Au fil des ans, nous avons vu le fédéral envahir le champ des infrastructures municipales, y allant de programmes généreux d’entretien de ces infrastructures. Il n’y a là-dedans rien qui soit de juridiction fédérale, même de loin. Mais le fédéral a du fric, il peut se permettre ces largesses. Et je n’ai pas vu grand monde réclamer sérieusement les pouvoirs de taxation du fédéral pour permettre aux villes de s’occuper elles-mêmes de l’entretien de leurs infrastructures. De plus, avec les révélations faites à la Commission Charbonneau, il ne serait guère surprenant que des cordes pour favoriser les amis du parti au pouvoir à Ottawa aient été attachées aux subventions. Après tout, un service en attire un autre. Et dans l’enchevêtrement des juridictions que nous voyons au Canada depuis des lunes, cet empiètement n’est pas pire que les autres.
La décision de remplacer des facteurs par des boîtes groupées va voir se multiplier ces boîtes. C’est ça qui a provoqué la réaction de Denis Coderre. Dans certains quartiers de Montréal, leur trouver un emplacement va être bien difficile. Elles vont défigurer le paysage urbain; n’allez pas me dire que les bacs de toutes sortes qu’on voit un peu partout l’ont déjà fait, on n’excuse pas ses péchés avec ceux des autres. Et quand j’entends le président de l’agence des postes nous dire que ça va faire du bien aux vieux d’aller chercher leur courrier à pied, je lui montre dans quel état sont nos trottoirs depuis bientôt une semaine, et je lui demande s’il laisserait sortir sa vieille mère aller chercher son courrier sur ces patinoires. Il va plutôt l’envoyer chercher ses comptes avec son chauffeur et sa limousine. Il y a des citoyens préoccupés par cette décision, ce n’est pas une chimère de M. Coderre.
Cela étant, M. Coderre s’est bien gardé de réclamer quelque pouvoir au gouvernement provincial. Mais il réside au Québec, dans une ville qui va bientôt voir ses facteurs remplacer par des boîtes groupées, et il flaire la bonne affaire. Aucun ministre du gouvernement provincial ne semble avoir vu passer cette trouvaille du patron de l’Agence des postes. Le Ministre des affaires municipales en a plein les bras avec les maires véreux, la Commission Charbonneau et je ne sais plus combien de dossiers au Ministère des transports. Bernard Drainville est en vacances, tout comme Mme Marois. Jean-François Lisée plane en train de préparer sa prochaine intervention; voyez-vous, il parle, il parle beaucoup, il parle énormément, mais sa production est inversement proportionnelle à ce qu’il dit. Après tout, Coderre, c’est sa responsabilité. Je n’ai rien contre les vacances des individus; même si je ne suis pas d’accord avec lui, Bernard Drainville y a droit et s’il y en a un qui en mérite, c’est lui. Tout comme Mme Marois. Mais si à la limite un parti politique peut se permettre des vacances, à ses risques et périls, un gouvernement n’en a pas le droit, c’est un service essentiel. J’ai vu Martine Ouellet répondre aux bonzes oints à l’huile d’Anticosti deux fois plutôt qu’une cette semaine. Quand quelqu’un va-t-il s’occuper de Coderre ?
Car il va le créer son regroupement de maires. Ils vont contester la décision d’Ottawa. Et s’il n’est pas toujours très subtil, Son honneur le Maire de Montréal a la réputation d’être efficace. S’il réussit à faire reculer le gouvernement fédéral, tout le mérite va lui revenir, Pratte va le féliciter en page éditoriale de sa feuille de chou, et Lisée pourra toujours nous expliquer l’importance du commerce entre le Québec et le Burkina-Faso. Et s’il échoue, il va dire qu’il n’a pas eu d’appui du côté de Québec.
Il gagne donc à tout coup. Est-ce que notre gouvernement national pourrait sortir de sa torpeur? Qu’est-ce qui l’empêche de prendre la tête d’une coalition composée des maires, des associations de l’âge d’or, des groupes préoccupés d’urbanisme, bref de tous les citoyens intéressés par ces questions et de leurs représentants. Car c’est exactement ce que va faire Coderre. Et ce faisant, démontrer que le Gouvernement québécois vit sur une autre planète, loin de ses citoyens, et aussi que les villes peuvent très bien se débrouiller sans lui. Nous ne sommes pas en présence d’une affaire juridique, mais politique. Et c’est aux politiciens de s’occuper de ça. Je souhaite simplement que Denis Coderre ne reste pas longtemps à s’occuper tout seul de ce dossier. L’inertie du gouvernement risque de coûter cher au PQ aux prochaines élections. Denis Coderre n’est certes pas un allié.


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9 commentaires

  • Louis Champagne Répondre

    13 janvier 2014

    Au correspondant anonyme, je ne dis pas que Coderre va gagner pour les boîtes aux lettres, encore moins pour le péage sur le pont Champlain. Je fais des mises en garde, ces dossiers sont près des citoyens, et laisser le champ libre à Coderre n'est pas une bonne idée, pas plus qu'aborder la question avec un œil uniquement juridique. Nous nous reparlerons des dossiers plus graves aux élections, en campagne électorale. Il arrive aux électeurs de se souvenir de ceux qui les défendent, et de ceux qui ne l'ont pas fait quand c'était le temps.
    M. Jean, je sais bien que Drainville a d'autres chats à fouetter, mais il est ministre des institutions et pourrait avoir à rappeler son rôle à un maire porté à l'oublier, que ce soit celui de Montréal ou d'un village. Je signale simplement que quelqu'un d'important, le maire de Montréal, est en train de prendre le leadership de la contestation des décisions du fédéral, qu'il sait comment ça marche une coalition, et que nonobstant sa nouvelle croisade, il n'est pas du nombre des amis de l'indépendance.
    Et votre argument sur le partage des pouvoirs me laisse sceptique. Si les Québécois y étaient quelque peu sensibles, nous serions indépendants depuis longtemps. Nous aurons l'air fin aux prochaines élections si c'est ainsi que nous expliquons notre inertie dans ces dossiers. Il ne s'agit pas de se faire voir dans les journaux, il s'agit plutôt d'exercer un leadership dans des dossiers qui préoccupent les citoyens.
    Je n'aime pas me citer moi-même, mais je vais vous renvoyer à un article que j'écrivais sur Vigile le 6 août 2010 intitulé "La fermeture de la raffinerie Shell, suite et fin". Je reprochais au Bloc d'avoir dormi au gaz dans ce dossier pendant que Denis Coderre et un député du Nouveau-Brunswick se démenaient pour sauver la raffinerie, qui allait fermer. Je disais : "Son incapacité (au Bloc) à formuler une critique cohérente des décisions de cette multinationale risque de venir le hanter lors des prochaines élections. Les électeurs ont la mémoire longue quand il s’agit de la défense de leurs intérêts, et les Québécois se souviendront longtemps de ceux qui les ont défendus quand c’était le temps, même s’il s’agit d’un libéral fédéral." Il y a des cas où j'aimerais avoir tort, mais au moins, j'aurai prévenu.
    Louis Champagne

  • Archives de Vigile Répondre

    12 janvier 2014

    Pour conclure au sujet de Bernard Drainville. Je suis de ceux qui pensent qu'il a mené très habilement le dossier de la charte, jusqu'à date. J'ai, d'ailleurs, lu plusieurs commentaires en ce sens dans les médias.
    Si un ministre ou un(e) premier(e) ministre ne fait pas la manchette, ça ne veut pas dire qu'il(elle) est en vacances!
    Drainville se fait discret et c'est ce qu'il doit faire. "Le ton est aussi important que le fond", a-t-il dit au départ. Et il a commencé par appliquer cela à lui-même.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 janvier 2014

    Quant à Lisée, c'est le meilleur ministre représentant la Ville de Montréal qu'on ait eu. Il est présent partout!

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2014

    Le service postal est un domaine de juridiction FÉDÉRALE.Point! Quant à moi, je trouve très logique la décision du fédéral: la Société des Postes a de moins en moins de courrier à livrer et va devenir un trou pas de fonds...c'est le cas de le dire: ça va être de moins en moins rentable. Qu'il faille trouver des "accommodents raisonnables", dans certains secteurs, j'en suis. Mais, en toute logique, il fallait en arriver là. S'il y a des représentations à faire,c'est auprès députés et ministre fédéraux.
    Quant aux vacances, vous pensez que Bernard Drainville était en vacances à la veille de commencer ses 3 mois de commission parlementaire sur la charte? Voyons donc!

  • Marcel Haché Répondre

    11 janvier 2014

    Le vacuum politique résultant de la pitoyable performance de Couillard et des libéraux permettent à tous ceux et celles (car Denis Coderre n’est pas tout seul à bien jauger la conjoncture libérale…), cette conjoncture permet à tous les libéraux qui ont de l’appétit et les dents longues de promouvoir leur illustre personne, de se grappiller un peu d’espace. Denis Coderre est suffisamment bon sportif pour être capable de saisir toutes les balles au bond.
    Vienne un gouvernement majoritaire à Québec, on pourrait voir alors en défense un redoutable receveur pour Montréal, un très bon même, cependant qu’à l’attaque, un frappeur assez moyen… Ses appuis les plus sûrs, les plus irréductibles… pourraient être précisément grappillés par les bleus d’Ottawa, qui n’ont jamais-jamais cessé de s’y activer par ailleurs. Fa que… le West Island n’est plus ce qu’il a déjà été.
    Le gouvernement péquiste est-il en vacance ? Prend-t-il simplement une pause ? S’il prend simplement la pose et reste immobile, comptez sur Coderre pour claquer un retentissant circuit dans le champ droit… délaissé inutilement
    Vivement des élections, à la seule condition de les gagner évidemment, autrement, aussi bien gagner du temps… et concéder le premier but à Coderre.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2014

    A Vigile
    Le 3è commentaire (qui est intéressant) n'est pas signé. Et ce n'est pas la première fois que cela arrive.
    "Tout texte doit être signé par son auteur pour être publié." C'est la règle établie par Vigile. Cela s'applique aussi aux commentaires.
    Merci de votre attention.
    RBG, 11 janvier 2014

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2014

    C'est bien mal connaître le gouvernement Harper pour penser que Coderre va le faire reculer, coalition municipale ou pas.
    Par exemple je suis convaincu que le gouvernement Harper ne reculera pas sur les modifications pour l'assurance chomage, un sujet bien plus délicat, la FTQ et la CSN peuvent toujours défiler à Ottawa ce sera sans résultats.
    Pret à faire le même pari pour le péage sur le futur pont Champlain.
    Les boîtes a lettres ?
    Allons donc.
    C'est un gouvernement CONSERVATEUR.
    Le gouvernement du Québec a des sujets bien plus graves a traiter.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2014

    Enfin!... un bon article, percutant. M. Champagne sort de l'ombre de M. Barberis-Gervais qui s'est permis, lui aussi, un excellent dernier texte,
    "Les coups de gueule d’Yves Michaud"

    Effectivement, si Québec ne prend pas sa place au niveau municipal, Denis. Coderre, lui, va la prendre, et deux fois plutôt qu'une. N'oublions pas qui l'a élu, chez qui il a été solliciter des votes. Sans ce "groupe" ultra puissant, il ne serait pas là où il est. Il va devoir leur renvoyer l'ascenseur. Québec a le gros bout du bâton....pour l'instant. Il peut le perdre par négligence ou manque de courage.
    Ivan Parent

  • Stéphane Sauvé Répondre

    11 janvier 2014

    "Est-ce que notre gouvernement national pourrait sortir de sa torpeur ?"
    Impossible. Le coeur et la vision n'y sont pas.