Attaques en règle contre Harper

La criminalité et le leadership provoquent les meilleurs débats

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Élections fédérales du 14 octobre 2008

Ottawa -- Le premier débat des chefs hier a donné lieu à l'attaque groupée à laquelle plusieurs s'attendaient: les quatre chefs des partis d'opposition s'en sont pris systématiquement à Stephen Harper, qui s'est retrouvé souvent sur la défensive dans une formule qui ne l'avantageait pas. Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, s'est démarqué par son aisance, tandis que le chef libéral, Stéphane Dion, paraissait crispé. Jack Layton et Elizabeth May s'en sont bien tirés, avec un français correct leur ayant permis de faire passer leurs idées.
Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a ouvert le bal par une attaque en règle contre Stephen Harper au sujet de l'économie, thème le plus important de la joute oratoire. «Il y a deux visions dans cette élection, celle de Harper et celle du Québec. M. Harper a la même politique de laisser-aller que George W. Bush et on voit le résultat», a-t-il lâché.
Le chef libéral, Stéphane Dion, a tenté de poursuivre dans la même veine, malgré une nervosité évidente. Il a démarré son premier débat des chefs en proposant aux Canadiens de s'assurer, dès son élection, que la crise financière américaine ne se propage pas au Canada, en proposant un plan en quatre points. Notamment, il s'engage dans les trente premiers jours de son mandat à convoquer les dirigeants des principales agences économiques du pays pour obtenir leurs suggestions sur les meilleures façons de protéger l'épargne et les REER des Canadiens. Il veut aussi convoquer une rencontre avec les premiers ministres des provinces.
M. Dion avait besoin de se distinguer sur le plan économique, lui qui avait tout placé ses oeufs électoraux dans le panier de son Tournant vert. Le chef libéral a soutenu que M. Harper avait hérité en 2006 «de la plus forte économie qu'un premier ministre n'a jamais eue». «C'est grâce à la gestion libérale. Le risque économique, c'est vous», a lancé Stéphane Dion à son homologue conservateur.
Stephen Harper a tenté de se positionner comme le seul candidat crédible pour diriger l'économie en période difficile. Il a défendu le bilan de son gouvernement, même s'il s'est dit inquiet de la situation au sud de la frontière. «Aux États-Unis, ils perdent des emplois, des maisons, des banques. Ici, c'est différent. [...] Les bases de l'économie sont solides. Notre économie continue de créer des emplois. Il y a des défis à relever, mais on est sur la bonne voie. Il faut continuer de baisser les taxes et garder notre surplus», a-t-il dit.
À sa gauche, le chef du NPD, Jack Layton, a décoché toutes ses flèches en direction de M. Harper. «Une baisse d'impôt pour les pétrolières et les banques, ce n'est pas la bonne direction», a-t-il lancé.
Stephen Harper a attaqué Stéphane Dion à plusieurs reprises sur sa taxe sur le carbone. «Une taxe va détruire l'économie du pays», a-t-il dit. Le chef libéral a répliqué que les pays qui avaient pris un virage vert ont tous de meilleurs rendements économiques que les pays qui ont encore des économies centrées sur les énergies fossiles. La chef des verts, Elizabeth May, a dit qu'en tant que femme et mère de famille monoparentale, elle savait que la classe moyenne avait de la difficulté «à boucler les fins de mois».
Les compliments à l'honneur
Le moment le plus rigolo du débat d'hier a certainement été l'obligation faite à chaque chef de dire de bons mots de l'adversaire placé à sa gauche immédiate. Ainsi, M. Duceppe a reconnu à Elizabeth May qu'elle se préoccupait vraiment de l'environnement. M. Layton a concédé que M. Dion était capable de travailler en collégialité avec ses adversaires. M. Harper a remercié Jack Layton de l'avoir appuyé pour reconnaître la nation québécoise et s'excuser auprès des autochtones. M. Dion a reconnu la sincérité de Gilles Duceppe et salué son sens de l'État. Mme May a fermé la marche en disant de Stephen Harper qu'il était un bon père de famille qui basait son action politique sur ses principes.
L'animateur a toutefois posé une question qui semblait directement destinée à attaquer le chef conservateur. Stéphan Bureau a demandé aux chefs si «tous les coups sont permis» en campagne électorale. L'occasion était trop belle: les quatre chefs s'en sont pris avec virulence à Stephen Harper. Stéphane Dion lui a reproché son «ton» et sa propension à noircir ses adversaires. M. Dion a rappelé que, lorsque son parti a plaidé en faveur d'Omar Khadr, emprisonné à Guantánamo, ou encore parlé d'économie, «vous nous avez traités de talibans, [...] vous nous avez accusés de prier pour avoir une récession. C'est ce genre de choses qu'on ne veut plus. Assez, c'est assez.» M. Duceppe a enchaîné en rappelant la campagne de publicités contre le Bloc québécois disant qu'en 18 ans, les députés de ce parti avaient gaspillé 350 millions de dollars. «C'est honteux! C'est un mépris de la démocratie.» M. Harper a répliqué maladroitement: «On n'a pas fait ça!», ce qui a suscité la consternation autour de la table.
Nation et culture
Stephen Harper et Gilles Duceppe ont croisé le fer à plusieurs reprises sur les thèmes de la nation québécoise et des compressions dans la culture. Le chef bloquiste a eu du mal à se défendre quand Harper l'a accusé d'avoir pris 48 heures avant de se rendre compte que la reconnaissance de la nation québécoise était un gain pour la province. «Notre gouvernement agit, le Bloc réagit», a lancé le chef conservateur. Gilles Duceppe l'a alors accusé de «n'avoir pas passé de la parole aux actes» puisque le gouvernement conservateur a refusé d'appliquer la loi 101 dans les institutions fédérales au Québec et que la province n'a pas un siège à l'UNESCO, contrairement aux prétentions du Parti conservateur. «Il faut être un pays pour ça.» Il a alors abordé la question de la culture: «La culture, c'est l'âme de la nation. On ne peut pas la reconnaître et couper dans les budgets», a dit Gilles Duceppe.
À ce sujet, Stephen Harper a répété -- pour la première fois en français -- que les gens n'allaient pas avoir de sympathie pour des artistes allant dans un gala financé par de l'argent public. Il a toutefois convenu que les artistes ne sont pas des enfants gâtés pour autant. Les quatre chefs ont attaqué Harper, soulignant l'apport économique de l'industrie culturelle. «Il faut choisir dans quel pays on veut vivre», a dit Stéphane Dion, qui a promis de doubler le budget du Conseil des arts. Jack Layton a regardé directement Stephen Harper et pris un ton solennel: «La réalité, c'est que les artistes vivent dans la pauvreté.»
Criminalité
Le chef conservateur a retrouvé ses repères lorsqu'il a été question de criminalité. Il a défendu sa promesse de resserrer la vis aux jeunes contrevenants de façon très convaincante. «Les peines plus sévères sont pour des actes exceptionnels, pour des récidivistes. On ne parle pas de petites bagarres de cour d'école!» Rappelant le cas d'un jeune homme qui avait été enlevé, torturé, puis tué, alors que les auteurs du crime odieux avaient retrouvé leur liberté après quelques mois, il a demandé: «Comment on peut expliquer cela aux familles?» Gilles Duceppe a répliqué que mettre des «enfants» de 14 ans en prison -- 16 ans au Québec -- n'avait pas de sens et qu'il serait préférable d'empêcher les criminels de sortir de prison automatiquement au sixième de leur peine.
En matière environnementale, une fois de plus, le chef conservateur a vu son plan de réduction des gaz à effet de serre descendu en flammes. Mme May n'a pas mâché ses mots, affirmant que le plan conservateur était un «mensonge» et constituait une «fraude». Quand M. Harper a répliqué que les cibles canadiennes avaient été saluées sur la scène internationale, elle s'est exclamée: «Franchement, c'est ridicule!»
Le dernier thème abordé était le Canada dans le monde, où il a évidemment été question de l'Afghanistan. Stéphane Dion a parlé avec passion de la responsabilité du Canada face à ses alliés de l'OTAN et aux Afghans. Il a décoché une flèche à Jack Layton, qui demande le retrait immédiat des troupes canadiennes de ce pays. «Moi, je ne voulais pas qu'on parte en fous et qu'on risque des vies là-bas protégées par nos soldats. Vous, vous le faites peut-être parce que vous n'avez pas le sens des responsabilités.» Stephen Harper, visiblement à l'aise sur ce terrain, a rappelé que la mission était approuvée par l'ONU et «les principaux pays du monde».


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