Assurance-emploi - La révision obligatoire se fera à l’aveugle

Les plaignants n’auront accès à leur dossier qu’au moment de l’appel

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Les chômeurs qui voudront contester le refusde leur demande de prestations d’assurance-emploi devront entamer le processus à l’aveugle. Service Canada a en effet décidé de ne pas transmettre le dossier des plaignants à ceux-ci ou à leurs représentants pour l’étape de la révision obligatoire, a appris Le Devoir. Une nouvelle qui inquiète les avocats.
Le nouveau système d’appel pour l’assurance-emploi (entré en vigueur le 1er avril) prévoit que toute décision contestée doit d’abord faire l’objet d’une «révision obligatoire». La Commission de l’assurance-emploi reprend alors le dossier qu’elle vient de refuser, et voit s’il y a lieu de modifier la décision prise.
À cette étape, il est possible pour le chômeur de fournir de nouveaux renseignements qui seront considérés par la commission. Si la décision négative est maintenue, le chômeur peut alors déposer un appel officiel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (TSS). Plusieurs étapes sont possibles par la suite.
Service Canada a donc confirmé au Devoir que « ce n’est qu’au moment d’un appel [et pas pour la révision] que la Commission de l’assurance-emploi assemble les documents sur lesquels sa décision est fondée et les fournit au TSS, qui transmettra le dossier d’appel aux parties intéressées ». Selon Ottawa, le processus était le même dans l’ancien système, les dossiers étant transmis quand une demande d’appel était déposée.
Sauf qu’à l’époque, le processus de révision était aléatoire. Certains dossiers portés en appel étaient révisés par la Commission de l’assurance-emploi, d’autres pas. « Dans les faits, nous obtenions toujours les éléments du dossier avant de monter le dossier d’appel - et avant la révision informelle », indique Pierre Céré, porte-parole du Conseil national des chômeurs (CNC).
M. Céré résume : « On appelait les agents de liaison [avec qui les représentants des chômeurs n’ont désormais plus de contacts, comme le révélait Le Devoir le 22 mai], ils nous transmettaient le dossier, on l’étudiait et on déposait l’appel si nécessaire. Et parfois le dossier était révisé et réglé avant de passer devant le conseil arbitral. »
À Ottawa, on explique qu’à « titre de mesure supplémentaire pour accroître davantage les gains d’efficience, simplifier et moderniser le processus d’appel, le ministère officialise et améliore l’ancien processus informel de réexamen des décisions visant l’assurance-emploi ».
Avocat au Mouvement action-chômage de Montréal, Hans Marotte estime qu’il y a « problème éthique » et pratique avec la nouvelle formule. « Comme avocat, quand je fais une démarche, je dois m’assurer que j’ai tous les éléments importants et pertinents au dossier, dit-il. Je réserve toujours mes arguments juridiques tant que je n’ai pas les documents. »
Ce qui veut dire qu’il ne fournira aucune information supplémentaire à la commission lors de la demande de révision, de manière à ne pas incriminer le chômeur qu’il représente, dit-il. Mais ce faisant, la commission a toutes les chances de conclure que sa décision initiale était la bonne. Les chômeurs pourront contester ces deux décisions, mais ils auront perdu une trentaine de jours dans le processus, fait remarquer Pierre Céré.
Responsable du dossier de l’assurance-emploi à la FTQ (Fédération des travailleurs du Québec), Marc Bellemare fait valoir qu’on étire inutilement les délais en privant les chômeurs et leurs représentants d’une information importante.
« On a 30 jours pour demander une révision, et on ne parle à personne pendant ce temps-là, dit-il. Si on veut faire valoir des faits nouveaux et inciter la commission à changer d’opinion, encore faudrait-il savoir de quoi on parle et ce qu’on reproche précisément à l’employé. Moi, je ne dirai rien sans avoir en main l’enquête et la déclaration de l’employeur. Et si on ne fournit pas d’informations nouvelles à la commission, sa décision va rester la même et on aura perdu un mois. »
Avocat spécialisé en assurance-emploi, Jean-Guy Ouellet estime aussi « fondamental » d’obtenir le dossier des gens qu’il représente avant d’entreprendre toute action. « Si on ne l’a pas, on ne peut pas faire notre preuve et contester une décision dont on ne connaît pas les bases », dit-il.
Quand un prestataire reçoit une réponse négative de la Commission de l’assurance-emploi, la lettre indique généralement la raison du refus : pas assez d’heures travaillées, départ volontaire, départ à la suite d’une inconduite, etc. Mais les détails expliquant la décision ne sont pas fournis.
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Le processus d’appel en résumé
1- Réexamen formel obligatoire par la Commission de l’assurance-emploi de la décision initiale de la commission.
2- Si le refus de la demande de prestations est maintenu, le chômeur peut déposer un appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (TSS).
3- La division générale peut rejeter sommairement le dossier s’il n’a « aucune chance de réussir ». Dans ce cas, le chômeur peut s’adresser à la Division d’appel du TSS, qui a le pouvoir de forcer la division générale à étudier le dossier. Mais elle peut aussi confirmer le refus.
4- Si l’appel est retenu par la division générale, une audience (par écrit, téléphone, vidéo ou plus rarement en personne) peut être organisée. La division peut aussi rendre un jugement sur la foi du dossier.
5- Les décisions de la division générale peuvent généralement être contestées devant la division d’appel, qui rend alors une décision définitive.


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