Après l’hésitation, l’engagement «formel»

Québec fait volte-face et promet de limiter la hausse des droits de scolarité

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Valse-hésitation inquiétante

Après s’y être refusé durant la journée, Yves Bolduc s’est engagé mercredi après-midi — avec le feu vert du bureau du premier ministre — à limiter la hausse des droits de scolarité à la croissance du revenu disponible des ménages d’ici au prochain rendez-vous électoral.

« À partir de maintenant, c’est un engagement formel », a déclaré le ministre de l’Enseignement supérieur, Yves Bolduc, à la sortie de la Commission de la culture et de l’éducation. « Avant, c’était plus ou moins clair à cause de la révision permanente des programmes [lancée par le premier ministre Philippe Couillard] », a-t-il précisé.

M. Bolduc refusait jusque-là de s’engager à limiter l’augmentation des droits de scolarité et des frais institutionnels obligatoires au taux de croissance du revenu disponible des ménages par habitant, comme l’avait promis le Parti libéral du Québec en campagne électorale. Il disait jouer la prudence. « Personne ne peut prédire l’avenir dans deux, trois ou quatre ans », avait-il affirmé mercredi avant-midi lors de l’étude des crédits du ministère de l’Enseignement supérieur. « Ça ne veut pas dire qu’on veut le faire, mais il faut se garder de la marge de manoeuvre », avait-il ajouté.

En point de presse, M. Bolduc avait même invité les associations étudiantes — « des partenaires » — à « rester calmes » malgré une possible hausse de la facture étudiante. « Un moment donné, on est dans une société où on doit prendre des décisions responsables. On fera des discussions en temps et lieu, mais il faut être mature », avait-il déclaré, tout en reprochant aux élus de l’opposition de « créer un certain doute » en le pressant de questions sur les droits de scolarité.

Volte-face

Mais, en fin de journée, le ministre a rectifié le tir : le PLQ n’a pas fait une promesse en l’air, la hausse des droits de scolarité n’excédera pas le taux de croissance du revenu disponible des ménages. « Il y a eu des discussions au niveau du cabinet du premier ministre. Les gens ont dit : “ On est à l’aise avec ça. On va rassurer les gens. On va leur dire que ça va être comme ça pour les quatre prochaines années et demie ” », a-t-il expliqué au Devoir. « Dans quatre ans et demi, il y aura une autre discussion. »

L’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) est demeurée insatisfaite. « On s’oppose à toute hausse des frais de scolarité. Peu importe le montant, les frais de scolarité vont toujours être une barrière à l’accessibilité aux études », a affirmé la porte-parole Camille Godbout, pressant l’équipe Couillard d’étudier les « alternatives fiscales » comme la révision des paliers d’imposition ou la réintroduction la taxe sur le capital afin de mettre la main sur de nouveaux revenus. « Tant et aussi longtemps qu’il y aura des attaques contre le système de l’éducation, on va être mobilisés et on va être dans la rue pour les dénoncer. On est en faveur de la gratuité scolaire coûte que coûte. »

La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) « ne mettra de côté aucun moyen [de pression] » advenant un « changement de direction » de la part du gouvernement du Québec, a averti de son côté le président, Jonathan Bouchard. « On s’attend à ce qu’ils respectent leur parole. »« S’il y a une nouvelle direction qui est prise, on est prêts à retourner à nos associations afin de consulter les étudiants », a-t-il dit.

Plus tôt, la porte-parole de l’opposition officielle en matière d’enseignement supérieur, Véronique Hivon, s’est dite « très étonnée, voire inquiète » de voir le ministre Bolduc se distancier des promesses faites par le précédent gouvernement au Sommet de l’enseignement supérieur, en février 2013, soit quelques mois après la fin de la grève étudiante du printemps 2012. « J’imagine qu’il va en être de même pour les associations étudiantes », a-t-elle fait remarquer.

« Ça n’a pas de bon sens ! » a ajouté la porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, rappelant « tout le chemin parcouru » par les étudiants opposés à la hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement Charest en 2012. « La recette libérale est la même qu’en 2012 : faire payer davantage la population pour l’éducation. Ce qui est différent en 2014, c’est la méthode pour y parvenir : au lieu de “ bulldozer ” comme l’a fait Jean Charest, le gouvernement Couillard invente deux commissions [la Commission sur la révision permanente des programmes et la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise] qui devront entériner et convaincre que la recette libérale est la bonne », a soutenu la députée de Gouin.

100 millions

M. Bolduc évalue à l’heure actuelle le sous-financement du réseau universitaire à quelque 100 millions de dollars. Mais le ministère de l’Enseignement supérieur n’entend pas pour autant réviser le programme de prêts et de bourses, qui « convient […] pour le moment » afin de garantir l’accessibilité aux études supérieures au Québec, pour y faire des économies.

Le gouvernement n’a « pas l’intention » de resserrer davantage les dépenses gouvernementales « sur le dos des étudiants » afin de retrouver l’équilibre budgétaire en 2015-2016, a-t-il répété mercredi à l’Assemblée nationale. « On n’a pas l’intention de rejouer dans le même film [celui du printemps 2012]. »

D’autre part, M. Bolduc s’est engagé à donner suite à la proposition du Sommet de février 2013 consistant à mettre sur pied un Conseil national des universités (CNU) afin de favoriser un développement ordonné du réseau universitaire. « [Un tel organisme consultatif assurerait] la plus grande contribution possible des universités au progrès culturel, social, économique et scientifique de la société québécoise », selon l’auteur du « Rapport du chantier sur un Conseil national des universités », Claude Corbo.


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