Pour continuer à exister dans ce coin du monde.

Appel aux gens de bonne volonté

Cessons de nous battre avec des chaines aux pieds.

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Tribune libre

Je m’adresse ici aux lecteurs de Vigile, à tous les militants et à tous nos compatriotes. Nous sommes tous fiers d’être Québécois et nous tenons à le demeurer. Pour moi et pour la majorité d’entre nous, il faut tout faire pour que le Québec devienne un pays.


Je suis né en 1965 aux Escoumins, à l’entrée de la Côte-Nord, pas loin du fjord du Saguenay qu’on distingue sur la photo. J’ai fait mes études post-secondaires à Jonquière puis à Québec. J’ai grandi dans l’effervescence de la Révolution tranquille puis l’époque trouble des années 80 et 90, comme les jeunes d’aujourd’hui grandissent avec internet et les médias sociaux. Je suis Québécois dans l’âme, c’est ainsi que je suis tricoté.


Depuis quelques temps on parle des Canadiens français, il faudrait redevenir la nation canadienne-française que nous étions il y a 50 ans. Personnellement j’ai toujours considéré qu’il s’agit là d’une époque révolue.


Sans la rejeter, et appréciant même certaines caractéristiques que nous n’avons plus aujourd’hui, comme l’aptitude à débattre (les assemblées de cuisine), j’y ai toujours associé le bon vieux temps de mes parents et grands-parents, avec mes 17 oncles et tantes et les centaines de cousins et cousines. Et les générations d’avant que je n’ai pas connues mais dont on m’a raconté la vie. Avec l’histoire de notre peuple qu’on apprenait à l’école à l’époque, pour moi, les Canadiens-français, c’est cette image.


Pour les 4 ou 5 générations qui nous ont précédé ce fut une belle époque avec de grandes fêtes, de grandes célébrations, une vie où la famille était au centre, mais aussi une vie de contraintes où il fallait travailler plus fort que les autres pour faire sa place, une vie où, pour beaucoup d’hommes et de femmes, il fallait parfois piler sur son orgueil et abandonner ses rêves pour courageusement faire vivre les familles nombreuses.


Depuis la Révolution tranquille les Canadiens français ont mauvaise presse, c’était l’époque de la grande noirceur, l’époque des religieux qui régissaient la vie quotidienne, avec des ouvriers exploités par les anglais et des habitants sachant à peine lire et écrire, un peuple refermé sur lui-même, des gens nés pour un petit pain.


Une autre époque. À présent, nous les Québécois, nous sommes rendus ailleurs. Nous avons évolué, nous existons maintenant dans le monde, nous observons la planète, nous nous prononçons sur des enjeux qui dépassent nos villages et nos villes.


Pourquoi donc, avec cette idée de Canadiens français, vouloir revenir à cette époque de misère ? Pourquoi s’auto-diminuer ainsi ?


Aujourd’hui nous avons l’impression d’être sorti de la condition de citoyen de seconde classe que nous étions au Canada, nous avons l’impression de mieux contrôler nos affaires, nous avons l’impression très forte d’être pratiquement émancipés, nous vivons comme si, comme si notre Etat Québécois était bienveillant à notre égard, nous les Québécois, c’est-à-dire les Québécois francophones, les Canadiens français.


Les 15 dernières années montrent le contraire. Presque sans interruption le Québec a été gouverné, objectivement, par les anglais, par le parti des anglais, le PLQ. Nous avons connu un rapide déclin sur tous les plans (politique, économique, démographique, …) L’ère multiculturaliste s’est installée solidement dans la tête de bien des gens, surtout dans les médias, la communauté artistique tissée serrée et les diverses personnalités publiques. Et au PQ bien sûr. Tous ces gens transpirent le multiculturalisme à longueur de journée. Mais cette intoxication n’a pas encore atteint la majorité des Québécois francophones, les Canadiens français.


**********


La nature humaine fait en sorte qu’il est rare qu’un observateur ou un commentateur du politique change d’avis et admette que le point de vue d’un autre est meilleur que le sien. On ne voit pratiquement jamais cela, ni chez les journalistes connus, ni chez les militants qui font des textes et commentent ceux des autres.


Il y aurait comme une espèce de honte à admettre s’être trompé, un orgueil mal placé, comme un aveu de faiblesse, alors que c’est plutôt une manifestation de sagesse. Ceci dit je ne prétends pas détenir la vérité, bien évidemment, je suis comme tout le monde, parfois je me trompe et souvent j’ai une tête de cochon.


Nous les indépendantistes, nous sommes pas mal d’accord sur tout, sauf sur le diagnostic à faire pour appréhender le problème que nous avons. Comme c’est fondamental ça nous empêche d’avancer.


Récemment j’en suis venu à changer d’avis à propos de ce qui nous arrive. Quelqu’un est venu me dire que nous devrions nous remettre à penser la nation canadienne-française. Que le concept de « nation Québécoise » est artificiel, fabriqué, et qu’il nous tue.


Pardon ? C’est déstabilisant. Mon premier réflexe fut un refus, pas question de revenir en arrière. Qu’est-ce qui lui prend ?


Comme celui qui me disait cela est un ami et que j’ai confiance en son jugement, j’ai accepté de considérer son point de vue et j’ai examiné ses écrits. Ça m’a pris du temps à comprendre où il voulait en venir mais les constats qu’il faisait étaient les mêmes que moi.


Depuis longtemps je détestais cette habitude de mélanger les Québécois francophones et l’ensemble des habitants du Québec, tous étant nommés « Québécois » sans les différencier, pourtant je n’avais pas allumé sur toutes les conséquences qui en ont découlé, à quel point cette confusion nous a neutralisés et achève de nous anéantir.


Sans prétention je demande : qu’est-ce qui nous motive ? Gagner dans un débat, ne pas perdre ses repères ou faire ce qu’il faut pour ne pas mourir ? Il y a urgence, nous ne voulons pas mourir, c’est pourquoi je lance un appel aux gens de bonne volonté.


Aujourd’hui le PQ est mort. L’avènement de la CAQ montre que les Québécois francophones, les Canadiens français, sont nationalistes, contre le multiculturalisme et contre l’immigration massive, tout en étant quand même un des peuples les plus accueillants.


Le 1er octobre 2018 les Canadiens français ont parlé, comme en 1995 (environ 65% ont dit Oui au référendum), mais leurs meilleurs alliés, nous qui nous battons pour avoir un pays, nous le les voyons pas, nous les ignorons, certains parmi nous refusent même l’évidence de leur existence.


Penser comme ça c’est laisser agir le blocage systématique de près de 25% des habitants du Québec qui refusent d’être des nôtres et sont plutôt canadian. En insistant sur un combat pour l’ensemble des habitants du Québec on dit, objectivement, que nous devons nous battre avec des chaines aux pieds.


Nous avions gagné en 1995 mais notre cécité nous a fait croire à la défaite. Si nous avions su lire la réalité, si le PQ n’avait pas abdiqué aussi vite, le pays du Québec serait peut-être aujourd’hui un fait accompli.


Pour avoir un Québec pays indépendant, oui il faut être maitres de l’État, c’est par lui que nous existerons dans le monde. Construisons l’État à l’aide de l’État. On est d’accord. Mais en amalgamant les Québécois francophones et les autres Québécois en un seul peuple ?? ou en tout cas une seule nation dite québécoise, en faisant cela, nous bâclons la première étape et tout ce qui s’ensuit.


Nous voulons bâtir une maison mais, dans notre empressement, nous négligeons la nature du terrain, nous ne nous occupons pas du ruisseau qui mine le sol, ce qui fait que nos fondations sont toujours instables et que la maison elle-même n’est toujours pas en chantier. Pour qu’enfin la maison s’élève il nous faut bâtir sur le réel : il y a 2 nations au Québec, et pas seulement une, 2 nations dont l’une domine l’autre sans jamais être inquiétée.


Oubliez le terme Canadiens français si vous voulez mais de grâce, ne vous bouchez pas les yeux. Il y a 2 nations en compétition au Québec et rien n’arrivera jamais en nous faisant accroire que l’ennemi n’est pas dans nos murs.


Lorsque nous donnons notre avis, faisons des observations ou élaborons des approches de solution, si nous négligeons cette nuance fondamentale des 2 nations ennemies au Québec en parlant toujours des Québécois indifféremment, nous nous bouchons les yeux et nous alimentons la confusion. Mathieu Bock-Côté parle des Québécois comme d’une norme, une référence à imposer, mais ça reste un vœu pieux tant que nous ne serons pas citoyens d’un pays indépendant.


Avec des accroires de la sorte l’ennemi n’est jamais montré du doigt, on fait comme si il était d’accord avec nos projets d’émancipation. C’est bizarre de vouloir régler un problème en ignorant sa principale source, en faisant comme si c’était déjà réglé.


**********


La position éditoriale de Vigile, que nous connaissons à travers les textes et vidéos d’Alexandre Cormier-Denis et Jean-Claude Pomerleau, est que l’objectif fondamental est la création de l’État indépendant du Québec. Tout passe par l’État et, comme l’ensemble des habitants du territoire sont Québécois, telle est la nation Québécoise.


Dans moins de 20 ans nous serons moins de 50% de la population au Québec. Nous ne serons plus assez nombreux pour faire l’indépendance, nous serons disqualifiés. Ces considérations démographiques qui montrent que nous disparaissons à vue d’œil semblent secondaires pour Vigile et n’infléchissent pas sa position.


J’apprécie Vigile parce qu’il nous permet à tous de nous exprimer, même s’il s’agit de critiques envers le médium. La publication de ce texte montre que Vigile est capable d’en prendre, il accepte la critique.


Cette critique que je fais est qu’on appréhende mal la situation, on pose un diagnostic incomplet. Vigile semble insensible au fait que la minorité de blocage grossit inexorablement tandis que les Québécois francophones disparaissent de plus en plus. Ce blocage systématique provenant de l’intérieur de la nation québécoise sera bientôt mathématiquement insurmontable. C’est une donnée fondamentale de notre problème.


Au lieu d’en prendre acte, on continue comme avant, on veut très très fort, plus fort que la population et ses élites. Par exemple M. Pomerleau dit que les Québécois ont congédié le référendisme lors des dernières élections, c’est pour lui un changement de paradigme. Je pense plutôt que les Canadiens français ont congédié le multiculturalisme du PQ et du PLQ.


Oui au pouvoir de l’État, oui à sa construction d’abord, avec un référendum de ratification venant à la fin, oui, j’ai beaucoup écrit là-dessus. On est tous d’accord. Le problème est en amont.


Je crois sincèrement, comme nous tous, que la solution à nos problèmes est l’indépendance du Québec. Si le pays du Québec avait de bonnes chances de se concrétiser bientôt, je ne chipoterais pas sur le réel des 2 nations ennemies et l’artificiel d’une seule nation québécoise, il serait toujours temps d’en reparler plus tard.


Mais aujourd’hui, ce qui a de bonnes chances de se concrétiser bientôt, c’est notre disparition pure et simple. C’est pour ça que, à mes yeux, ceux qui rejettent du revers de la main les propositions nouvelles qui déstabilisent sans les examiner pour ce qu’elles valent, ceux-là n’aident personne. Leur comportement favorise le statu quo, donc notre disparition prochaine, même s’ils se battent pour le contraire.


Il y a 2 choses à faire de toute urgence : prendre le pouvoir et maitriser notre Etat, et contrecarrer le multiculturalisme qui nous efface peu à peu. Cette nécessité sera toujours présente même si le Québec devenait indépendant.


Avec le PQ nous avons cru pouvoir obtenir l’indépendance en jouant le jeu du multiculturalisme. Je pense qu’aujourd’hui tout le monde est d’accord pour combattre ce multiculturalisme, nous n’acceptons plus cette noyade de notre peuple. Il est là le changement de paradigme.


Puisque nous sommes en danger de mort je lance un appel aux gens de bonne volonté. Parlons-nous sans nous rejeter d’emblée. Allons au-delà de la première impression. Gardons la tête froide ; si nous avons tort, montrez-le sans émotivité. Si ce que nous disons a du sens, aidons-nous à rapprocher nos points de vue pour le bénéfice de notre peuple.


Parlant des Canadiens français, pour voir concrètement de quoi il s’agit, les derniers textes d’Éric F. Bouchard, Canadiens-Français, pourquoi donc et pourquoi faire? et de Gilles Verrier, Franco-Ontariens au combat ; Québécois francophones paralysés, résument les constats de la situation.



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5 commentaires

  • Normand Paiement Répondre

    19 décembre 2018

    Monsieur Bouchard,


    Votre "Appel aux gens de bonne volonté" a quelque chose de pathétique en cette fin d'année 2018. Moins touchante que navrante, votre requête s'appuie sur le constat suivant: nos compatriotes ne cessent de se disputer entre eux plutôt que d'unir leurs efforts pour faire du Québec un pays indépendant.


    Je partage tout à fait votre avis à ce sujet et je ne peux que déplorer amèrement que nous en soyons encore là plus de 250 ans après la conquête de la Nouvelle-France par les Anglais. Mais la situation pour le moins inconfortable dans laquelle nous, francophones du Québec, nous trouvons depuis cette époque peut s'expliquer par le fait que nous sommes comme des rats (ou devrais-je dire homards!?) en cage qui seraient soumis à un stress permanent[1].


    En d'autres termes, indépendantistes et souverainistes, séparatistes et fédéralistes, francophones et anglophones (ajoutons à cette liste non exhaustive ces catégories qui sont autant de signes d'une société profondément divisée contre elle-même: libéraux et péquistes, intégrationnistes et multiculturalistes, nationalistes et antifascistes, conservateurs et gauchistes, socio-démocrates et libertariens, traditionnalistes et progressistes, laïcistes et islamistes...) s'y dressent à tout bout de champ les uns contre les autres à la suite de conditions qui leur ont été imposées de l'extérieur et à cause des pressions internes et externes qu'ils subissent sans répit. Ce comportement leur permet certes d'évacuer les tensions qu'il ressentent tous consciemment ou non, mais, dans les faits, cela ne change hélas! rien à leur situation, qui, elle, ne cesse de perdurer tout en se détériorant...


    Alors oui, je veux bien, comme vous, que nous cessions de "nous battre avec des chaînes aux pieds", mais encore faudrait-il que TOUS les belligérants – à commencer par ceux qui s'expriment sur le site de Vigile! – prennent rapidement conscience du fait qu'ils gaspillent leur temps et leurs énergies à continuer de discuter du sexe des anges – comme je l'ai fait remarquer récemment à M. Bouchard (https://vigile.quebec/articles/canadiens-francais-pourquoi-donc-et-pourquoi-faire) – au lieu de chercher par tous les moyens possibles à se défaire des chaînes qui les maintiennent encore prisonniers dans leur cage. Car pendant que nous tergiversons, pendant que nous argumentons inutilement, l'ennemi que vous ne craignez pas de nommer est à nos portes!


    Connaissez-vous quelqu'un qui sache enfin nous indiquer le chemin vers la sortie avant qu'il soit trop tard?...


    Cordialement,


    Normand Paiement




    Références




    1. ^ L'expérience de laboratoire décrite par le professeur Henri Laborit dans son essai Éloge de la fuite et dans cet extrait du film Mon oncle d'Amérique est très révélatrice à cet égard: https://www.youtube.com/watch?v=EZgs8GbM2y0.



    • Pierre Bouchard Répondre

      19 décembre 2018

      Bonjour M. Paiement,
      Vous demandez que nous prenions tous conscience du fait que nous gaspillons notre temps et nos énergies … au lieu de chercher à se défaire de nos chaines. Et pourtant, aussitôt que quelque chose de nouveau est soumis (ex. : le dernier texte d’Éric F. Bouchard), quelque chose qui s’attaque directement à ça, vous le ridiculisez et le condamnez sans y réfléchir sérieusement.
      Vous déplorez que nous ne parvenions pas à nous entendre mais vous continuez à rejeter ce qui ne vous plait pas, vous restez à la superficie des choses. Pourquoi ? Pourquoi ne cherchez-vous pas à comprendre ce qui se passe ? Pourquoi ne vous intéressez-vous pas aux idées de ceux qui y réfléchissent sérieusement ?
      J’ai écrit ce texte précisément pour que ce genre de comportement cesse. Je ne dis pas que j’ai raison et que vous avez tort, je dis que votre attitude n’aide personne. Si vous croyez qu’il n’y a pas de nation canadienne française, au moins expliquez-le, c’est un minimum.
      Dans votre commentaire au dernier texte d’Éric F. Bouchard vous dites « Le PQ aurait remporté l'élection en question (ou aurait, au pis aller, formé l'opposition officielle) que cette question n'aurait, selon toute vraisemblance, pas lieu d'être. ». Faites-vous semblant de ne pas comprendre ou quoi ? Le PQ est une grande imposture qui nous a entrainé là où nous sommes aujourd’hui. Si nous continuons à faire ce que nous faisons depuis trop longtemps, nous finirons par disparaître dans un grand éclat de rire de nos adversaires.
      Comme je le demande : qu’est-ce qui vous motive M. Paiement ?
      Je ne sais pas quoi penser. Je ne voudrais pas vous insulter mais pour moi, soit vous êtes un indépendantiste qui se contente des apparences, pour qui le PQ = indépendance et ça vous suffit, sans attacher d’importance à ce qui se passe en réalité, sans tirer les leçons des 50 dernières années, soit vous êtes un throll, c’est-à-dire quelqu’un dont le but est de nuire et neutraliser les débats et les idées. En ce cas vous feriez partie de ceux que vous dénoncez.

      • Normand Paiement Répondre

        20 décembre 2018

        Monsieur Bouchard, Peut-être me suis-je mal exprimé, mais je pense en toute franchise que vous vous méprenez totalement sur mes intentions! J'admets sans peine que le PQ a échoué lamentablement à faire du Québec un pays, comme Pierre Cloutier nous l'a si judicieusement rappelé à l'occasion du décès de Bernard Landry (https://vigile.quebec/articles/comment-et-pourquoi-le-pq-a-fuckaille-avec-le-puck-avant-d-aller-s-ecraser-l). Mais la question que je me pose en ce moment - et à laquelle je n'ai pas encore de réponse - est celle-ci: Faut-il jeter le bébé (le projet d'indépendance) avec l'eau du bain (le PQ)? L'ingénieur Jean-Jacques Nantel est d'avis que les indépendantistes doivent reprendre le contrôle du PQ plutôt que de songer à fonder un nouveau parti (https://www.youtube.com/watch?v=3T5qQlDTqFM). C'est une option que je n'exclus pas d'emblée. Et vous?... Quant à savoir si nous devons continuer de nous appeler "Québécois" ou revenir à l'appellation "Canadiens-français", je persiste et signe en disant qu'il s'agit pour moi d'une question purement motivée par les circonstances actuelles (élection de la CAQ et défaite cuisante du PQ). Je ne vois donc pas l'intérêt d'en débattre plus longuement dans la mesure où, selon moi, ce type d'interrogation trahit un profond malaise identitaire, lequel trouble (de nature psychologique) ne pourra disparaître que le jour où le Québec sera devenu un pays indépendant. C'est pourquoi il importe tant à mes yeux de cesser de nous quereller inutilement entre nous et de reprendre dès que possible, tous ensemble, la lutte en faveur de l'indépendance. Cela fait-il de moi un troll pour autant?... Cordialement, Normand Paiement PS - Si ce n'est déjà fait, prenez la peine d'écouter ou de réécouter les explications du professeur Henri Laborit (https://www.youtube.com/watch?v=EZgs8GbM2y0) et répondez honnêtement à cette question: Voyez-vous qu'il y a un parallèle à faire entre l'expérience sur les rats qu'il décrit et la situation dans laquelle nos compatriotes se trouvent depuis plus de 250 ans? PPS - Peut-être aurez-vous remarqué que j'ai modifié la première phrase du troisième paragraphe de mon premier commentaire. Elle se lit maintenant comme suit: "En d'autres termes, indépendantistes et souverainistes, séparatistes et fédéralistes, francophones et anglophones (ajoutons à cette liste non exhaustive ces catégories qui sont autant de signes d'une société profondément divisée contre elle-même: libéraux et péquistes, intégrationnistes et multiculturalistes, nationalistes et antifascistes, conservateurs et gauchistes, socio-démocrates et libertariens, traditionnalistes et progressistes, laïcistes et islamistes...) s'y dressent à tout bout de champ les uns contre les autres à la suite de conditions qui leur ont été imposées de l'extérieur et à cause des pressions internes et externes qu'ils subissent sans répit." Cette modification n'est pas innocente. En effet, il m'apparaît désormais comme une évidence que le processus de multiplication des oppositions entre adversaires qui s'invectivent à qui mieux mieux et se respectent de moins en moins ne peut qu'aller en s'amplifiant. Cette segmentation de la population québécoise en groupes irrémédiablement antagonistes est le fruit d'une société de plus en plus dysfonctionnelle, en quête de son identité véritable. (Ce qui, vous en conviendrez, contribue à faire le jeu des adversaires de l'émancipation du Québec.) Or, cette tendance lourde se reflète malheureusement jusque dans certains textes et commentaires publiés sur Vigile. (Si je dénonce cet état des choses, c'est parce que je le déplore et que j'espère susciter de la sorte de salutaires prises de conscience chez des personnes qui devraient être les premières à comprendre la gravité de la situation!) Car, ne vous en déplaise, il en sera ainsi tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas trouvé la voie vers la sortie... Mon objectif est donc moins de chercher à mettre un terme à des débats que je considère comme stériles que de tenter d'orienter les débats en question dans une direction plus productive. C'est peut-être prétentieux de ma part de croire que mes interventions pourraient faire avancer les discussions, mais suis-je le seul à désirer que nos échanges d'idées aboutissent à des résultats concrets? N'est-ce pas ce que nous souhaitons tous, au fond?...


        • Pierre Bouchard Répondre

          21 décembre 2018

          M. Paiement, j’ai été un peu rude, j’avais lu vos autres commentaires récents à d’autres textes sur le même thème et, c’est ça. J’apprécie que vous ayiez pris le temps de m’aider à comprendre votre discours et vos motivations.
          Pour ce qui est du conditionnement que nous subissons je le dénonce depuis que je m’intéresse à l’actualité, c’est une des premières choses qui m’a frappé dans ce qui nous arrive, j’ai publié plusieurs textes. Je connais ce travail d’Henri Laborit, merci pour le vidéo, je le mettrai sur ma page FaceBook.
          Vous parlez du processus de multiplication des oppositions entre adversaires, la segmentation en groupes antagonistes … C’est la propagande multiculturaliste qui s’accentue et qu’il faut combattre de front. Si on reconnaît que notre peuple se noie dans ce multiculturalisme omnipotent, on reconnaît que nous existons, que nous ne sommes pas qu’une composante francophone des Québécois. Le multiculturalisme détruit les peuples et ici au Canada, il détruit au premier chef les Canadiens-français.
          Vous avez raison il y a un profond malaise identitaire, il faut le constater. Vous parlez d’une société de plus en plus dysfonctionnelle en quête de son identité véritable, nous observons la même chose. M. Verrier, M. Bouchard et d’autres aussi nous expliquent ce malaise identitaire, ils ne s’arrêtent pas au constat. Je partage leurs observations. Nous sommes dysfonctionnels, nous croyons que jamais le Québec ne deviendra indépendant si nous ne nous guérissons pas de ce problème identitaire.
          Vous avez raison aussi, n’excluons pas d’emblée le véhicule du PQ. Parce que fonder un parti à neuf prend des années avant de devenir un joueur majeur. Cependant je me suis déjà exprimé et comme d’autres je crois qu’il faudrait transformer ce parti radicalement, comme un gant qu’on retourne sur lui-même, avec de nouvelles autorités clairvoyantes et agissantes.
          Je critique formellement le PQ depuis l’arrivée de Pauline Marois comme chef, en 2007, mais son vice remonte à ses origines. Le PQ a toujours systématiquement ignoré les rares occasions qui se sont présentées pour faire un pas en avant, mettre le Québec en meilleure position pour s’émanciper. Le PQ a toujours manigancé, dans les faits, pour ne pas offusquer les maitres, pour continuer à être dans la gang.
          Il s’est toujours appliqué à ne pas dépasser les limites permises, les limites fixées par nos maitres et relayées quotidiennement par les médias, ces acteurs de premier plan de notre conditionnement.
          Il y a plusieurs choses à savoir : par exemple l’amateurisme et la négligence des péquistes au moment du rapatriement de la Constitution canadienne en 1982, ou son absence du débat sur les accommodements raisonnables à l’époque où l’ADQ a acquis ses lettres de noblesses chez les Canadiens-français. Le PQ ne s’adresse plus à nous depuis 2 décennies, tout occupé qu’il est à tenter d’amadouer ceux qui refusent d’être des nôtres. Et de plaire aux anglais qui maintiennent leur emprise sur le Québec. Il y a plusieurs choses à dénoncer pour illustrer cette emprise, j’ai hâte que quelqu’un nous dresse la liste de leurs privilèges illégitimes (2 hôpitaux universitaires au lieu d’un seul, le surfinancement des universités anglophones par rapport aux autres, etc.).
          Il vaut la peine de lire le texte de Gilles Verrier que je propose à la fin de mon texte. Là et aussi dans ses récents écrits on comprend toute la lâcheté et l’hypocrisie de ce parti qui n’a jamais voulu se battre réellement, faire la révolution, il a même toujours nié que son adversaire est en son sein.
          Depuis 36 ans, depuis le rapatriement de la Constitution en 1982 nous sommes exclus du Canada et de leur belle unité canadienne, ils ne nous aiment pas et ne veulent rien savoir de nous. Nous sommes une communauté ethnique comme les autres. Bien qu'ils promeuvent le contraire c'est ça le multiculturalisme. C'est positif uniquement pour le dominant, les autres n'ont que le choix de s'assimiler ou de se ghetto-iser .
          Et nous les colonisés, nous faisons comme si notre exclusion n’était pas réelle, comme si nous avions signé cette Constitution. Personne n’a songé à en contester la légitimité. Même chose en 1995. Nous sommes dociles comme des chiens battus.
          Le PQ, ou tout autre parti indépendantiste, ne devrait pas contrôler l’agenda du mouvement indépendantiste, il devrait plutôt l’accompagner, comme l’a suggéré une députée du PQ peu après la défaite en octobre. Le mouvement indépendantiste ne devrait plus être à la merci des différents gouvernements de la province, il ne faut plus revivre une telle soumission comme on l’a vécu depuis 15 ans avec le PLQ.
          Le mouvement indépendantiste devrait se distancier de la doctrine multiculturaliste du PQ et se concentrer sur l’urgence : notre survie à nous les Québécois francophones, pas tout le monde incluant les anglais, eux qui se foutent de nous. Se concentrer sur les seuls pour qui l’indépendance est vitale et désirée, nous les Canadiens-français.
          Le mouvement indépendantiste origine des Canadiens-français et, malgré les remarquables et appréciés sympatisants qui veulent vivre avec nous (et pas contre nous), aujourd’hui ça n’a pas changé, rien ne permet de dire que l’ensemble des Québécois seraient sympatiques à notre cause, ça reste une affaire de « francophone de souche enraciné parlant français ». Les Canadiens-français. Les Québécois qui sont Canadiens-français.
          Si nous nous reconnaissions nous-mêmes comme une nation sans déléguer ça au gouvernement de la province, si nous avions un leader de la nation des Québécois francophones (les Canadiens-français), nous serions toujours dans l’actualité, nous pourrions toujours intervenir dans ce qui se passe indépendamment du parti politique au pouvoir.
          Il serait plus facile pour le mouvement indépendantiste de s’appuyer sur une telle nation organisée et pérenne que d’être à la merci des changements de gouvernements de la province. Et puis, en étant formellement une nation reconnue comme tel, comme le sont les Amérindiens, même si notre population passe sous le seuil des 50% au Québec, une nation est une nation. Personne ne nie l’existence des nations Amérindiennes même si le nombre des Amérindiens est infime. Quand on accepte ça on comprend à quel point la « nation québécoise » est le concept au cœur du problème identitaire que nous vivons. Inventer la nation québécoise en niant que le cinquième de la population y est diamétralement opposé, et nous y avons travaillé fort, comme les souris de Laborit, c’est catastrophique.
          Nous semblons nous rapprocher je crois, en tout cas merci d’avoir persévéré avec moi.

          • Normand Paiement Répondre

            23 décembre 2018

            Monsieur Bouchard,
            Confidence pour confidence, je ne me suis senti ni vexé, ni fâché par vos propos: après tout, je l'avais bien cherché!
            Cela dit, il me fait plaisir de constater à mon tour que vous et moi sommes sensiblement sur la même longueur d'onde, au fond. Je ne peux donc que vous encourager à continuer de nous faire part de vos réflexions, tout en vous invitant par la même occasion à (re)lire le texte, fort éclairant, de l'allocution prononcée par Simon-Pierre Savard-Tremblay dans le cadre du colloque commémorant le centième anniversaire de la naissance de l'historien Maurice Séguin (https://vigile.quebec/articles/comprendre-le-1er-octobre-dernier-avec-maurice-seguin).
            J'en retiens personnellement que nous devons impérativement nous atteler à ce que je qualifierais de "mission impossible", à savoir "faire tomber le mur psychologique" qui constitue depuis toujours le principal obstacle à la réussite du projet d'indépendance. Du moins si nous voulons mettre définitivement un terme à notre "survivance dans la médiocrité".
            Faute de quoi ce n'est pas tant la disparition que la folklorisation puis la louisianisation du Québec  et de la nation canadienne-française qui nous guettent avant longtemps. Aurons-nous le courage d'agir individuellement et collectivement pour éviter un tel drame?
            L'avenir nous le dira, mais c'est maintenant qu'il nous appartient de préparer cet avenir en tirant profit du passé!
            Sur ce, cher Monsieur, recevez mes meilleurs voeux à l'occasion de Noël et du Nouvel An! Plein de bonnes choses en 2019... et l'indépendance avant la fin de nos jours!
            Normand Paiement