Amitié aveugle

Canada - Allié sioniste


Le gouvernement Harper n'a jamais caché son parti pris pour Israël. Il a affiché ses couleurs dès son arrivée au pouvoir et présenté cette politique comme une position de principe qui ne s'embarrasse d'«aucune ambiguïté morale» ou de «relativisme». Pour la justifier, les conservateurs ressassent toujours les mêmes arguments: Israël est la seule démocratie dans la région, ce pays a des valeurs similaires à celles du Canada, il est pluraliste et respecte les droits de la personne. Aucune nuance n'est permise.
Que le Canada soit un ami et allié d'Israël ne pose pas problème et n'est pas nouveau. Il en est ainsi depuis que cet État existe. Ce qui est problématique, c'est que le caractère inconditionnel que cette amitié a pris, comme l'a encore démontré le ministre Baird lors de son passage en Israël, la semaine dernière. (Accompagné du ministre des Finances, Jim Flaherty, John Baird en était — déjà — à sa quatrième visite en Israël. En fait, 11 ministres conservateurs ont visité Israël au cours des deux dernières années.)
Invité à faire un discours à une conférence à Tel-Aviv, M. Baird a déclaré que le Canada était le meilleur ami d'Israël. «Même meilleur que les États-Unis», aime-t-il à croire. C'est du moins ce qu'il a confié au Jerusalem Post. Le quotidien écrit d'ailleurs que le ministre canadien «aime — beaucoup — Israël» et que le Canada «a établi l'étalon or en matière d'appui à l'État juif. Il n'y a pas un gouvernement sur la planète aujourd'hui qui offre un meilleur soutien que le Canada de Harper. Et l'affection est réciproque».
Le journal Israel Hayom écrit de son côté que «Stephen Harper est considéré, parmi les leaders étrangers, comme un des amis les plus proches d'Israël». Et John Baird? «Quand il discute de l'enjeu palestinien, Baird sonne comme quelqu'un qui aurait pu voter lors des primaires du Likoud [le parti au pouvoir]», écrit le quotidien.
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Le gouvernement Harper dit privilégier, comme les gouvernements précédents, une solution négociée vers la création de deux États vivant en paix, côte à côte. Mais là où il diffère, c'est sur la façon d'atteindre cet objectif. Il ne cherche plus à mettre une pression égale sur les deux parties. Israël a tout le capital de sympathie, et tout le bénéfice du doute.
Le ministre Baird en a de nouveau fait la preuve cette semaine. Il a refusé, non seulement de critiquer Israël pour la poursuite de la colonisation en territoire palestinien, mais même d'évoquer l'utilité éventuelle d'un gel.
Au Jerusalem Post qui lui demande tout simplement «ce qu'il en est du gel de la construction» en territoire occupé, John Baird répond: «Je pense que toute action unilatérale, d'un côté comme de l'autre, n'est pas constructif. Je devrais revoir mes coupures de presse et voir s'ils [les Israéliens] ont eu droit à des félicitations quand ils l'ont fait au cours des 10 derniers mois, ou quand ils se sont retirés du sud du Liban ou de Gaza. La clé est de retourner à la table de négociations sans conditions préalables.»
En d'autres mots, à quoi bon s'arrêter, si cela n'entraîne pas de félicitations? Faut-il rappeler au ministre que les colonies en territoire palestinien contreviennent à des résolutions des Nations unies et compromettent le processus de paix et l'avenir d'un éventuel État palestinien? Cela ne devrait-il pas suffire à maintenir la pression?
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M. Baird fait pression, mais ailleurs, c'est-à-dire sur les leaders palestiniens, à qui il ne se gêne pas de faire des remontrances. Il leur reproche d'exiger l'arrêt de la colonisation pour reprendre les négociations de paix et d'avoir fait une demande d'admission aux Nations unies, qu'il présente comme un geste pavant la voie à l'unilatéralisme.
Lors de sa rencontre avec le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, il a déclaré: «En résistant aux tentations d'imposer des conditions préalables aux négociations et en évitant des mesures qui risqueraient de prédéterminer les résultats des discussions, le leadership palestinien pourrait immédiatement progresser en direction d'une transition plus stable et mesurée vers sa reconnaissance officielle en tant qu'État.»
Mais de quel genre d'État? La poursuite de la colonisation est une des principales raisons de l'impasse actuelle. Elle influence déjà l'issue de toute négociation et représente un geste, non seulement unilatéral, mais illégal en vertu des résolutions des Nations unies.
Alors qu'il exige des Palestiniens qu'ils reviennent sans condition à la table de négociations, M. Baird passe sous silence et cautionne la plus grande condition imposée par Israël, soit la reprise des négociations sans arrêt de la colonisation. En somme, il dit aux Palestiniens de négocier la création d'un futur État en laissant le morcellement de son éventuel territoire se poursuivre sous leurs yeux. Il leur demande d'envisager un État sans continuité territoriale, difficilement viable et gouvernable. Il leur demande finalement d'accepter une condition suicidaire.
La diplomatie doit receler une dose d'équilibre, ce qui manque cruellement à la position canadienne actuellement. Israël ne peut toujours avoir raison. En agissant comme ils le font, les conservateurs donnent l'impression de croire en son infaillibilité et à l'inutilité de lui porter conseil. Sous la gouverne de M. Harper, l'amitié semble s'être transformée en servilité.


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