Alerte au décrochage scolaire chez les jeunes francophones

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Il faut changer ce mépris de l'éducation chez les Québécois

Le décrochage des élèves du secondaire dans le réseau public reste alarmant, surtout chez les francophones nés au Québec. Jusqu’à un garçon sur deux et une fille sur trois n’ont toujours pas de diplôme sept ans après le début de leurs études secondaires.


Selon les plus récentes données obtenues par Le Devoir, le taux de décrochage demeure préoccupant dans certaines régions à forte majorité francophone. La diplomation progresse encore — 80,1 % des élèves québécois ont un diplôme ou une qualification sept ans après leur arrivée au secondaire —, mais le décrochage continue de sévir davantage notamment chez les élèves francophones.


Les immigrants de deuxième génération (nés au Québec de parents étrangers) sont plus persévérants dans leurs études que les petits Québécois dits « de souche », révèlent les plus récentes statistiques du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES).


« Les élèves francophones nés au Québec réussissent nettement moins bien que les immigrants qui ne parlaient même pas français en arrivant ici. C’est fascinant », observe Égide Royer, professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation à l’Université Laval.


Les trois quarts (76 %) des élèves non immigrants du réseau public ont obtenu un diplôme ou une qualification sept ans après le début de leurs études secondaires, contre 82 % des élèves immigrants de deuxième génération. Il s’agit de statistiques décrivant la cohorte d’élèves ayant commencé ses études secondaires en 2009.


L’écart est encore plus important chez les garçons : à peine 71 % des Québécois de souche ont un diplôme, tandis que 79 % des immigrants de deuxième génération l’ont obtenu (toujours après sept années d’études secondaires dans le réseau public).



 


 




Ces chiffres confirment une triste réalité, selon Gérald Boutin, professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) : l’éducation n’est tout simplement pas une priorité pour certains parents — surtout francophones. « C’est une question culturelle. Le ministre [de l’Éducation] Sébastien Proulx en parle dans son récent livre : l’école n’est pas valorisée dans certains milieux. Les gens considèrent qu’on peut faire sa vie sans diplôme. »


Mobilisation générale


Le décrochage devient tellement préoccupant que des communautés se mobilisent pour garder leurs enfants sur les bancs d’école. La région de Lanaudière, une de celles ayant le plus fort taux d’abandon scolaire au Québec, a décidé de prendre le taureau par les cornes.


« On a un niveau de sous-scolarisation qui est inquiétant. On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose », dit Jean Pilotte, directeur général du Carrefour jeunesse emploi de Montcalm, dans Lanaudière, dans la couronne nord de Montréal.


C’est une région décrite comme « fortement défavorisée ». Les jeunes éprouvent de plus en plus de problèmes de santé mentale, comme l’anxiété ou la dépression. Le décrochage est si important — et le taux de chômage si faible — que les entreprises parviennent difficilement à recruter des employés qualifiés.


Près d’un garçon sur deux de la Commission scolaire des Samares, dans Lanaudière, n’a toujours pas de diplôme sept années après le début de ses études secondaires. Chez les filles, c’est une sur trois qui n’a pas de diplôme.


Pour renverser la tendance, le Carrefour jeunesse emploi a réussi à rallier toute la région (écoles, municipalités, ministères, entreprises, députés, etc.) pour accompagner les jeunes de leur naissance jusqu’à 35 ans. Tous ces acteurs locaux sont regroupés dans une « grappe éducative » inspirée de la Silicon Valley.


Le but : s’assurer que les nouveau-nés partent du bon pied, inciter les enfants à rester à l’école au moins jusqu’à 18 ans et aider les jeunes adultes à trouver un emploi.


« L’accompagnement commence avant même la naissance des enfants : on s’assure qu’une infirmière rencontre toutes les femmes enceintes », explique Jean Pilotte.


De la naissance jusqu’à l’âge de deux ans, les poupons et leur mère seront examinés tous les mois par une infirmière du CLSC. Il s’agit de repérer très tôt tout trouble de langage, de développement ou de comportement. Et de le corriger. La même rigueur est de mise durant tout le parcours scolaire des enfants.


La municipalité de Saint-Lin ouvre même les portes de l’hôtel de ville trois soirs par semaine pour accueillir les élèves de l’école secondaire locale qui ont besoin de tutorat. Un enseignant est sur place. Un autobus jaune emmène gratuitement les enfants à l’hôtel de ville.


La recette gagnante


« Il faut agir contre le décrochage, sinon on va se heurter à un mur pour recruter des employés qualifiés. On commence à avoir des difficultés à embaucher », dit Martin Perreault, vice-président chez Meubles JC Perreault, établi à Saint-Roch-de-l’Achigan.


Le professeur Égide Royer a été embauché comme consultant pour conseiller la « grappe éducative » sur les meilleures mesures à mettre en place pour contrer le décrochage. La recette est simple, selon lui : étendre la maternelle 4 ans à l’ensemble des jeunes — pour détecter tôt dans la vie de l’enfant les troubles de langage ou de développement — et rendre l’école obligatoire jusqu’à 18 ans.


« Ça devient extrêmement gênant et même un problème d’éthique de ne pas élargir la maternelle 4 ans à tous les enfants du Québec. Il est prouvé que la maternelle 4 ans peut changer l’avenir d’un enfant », dit Égide Royer.


Le ministre Sébastien Proulx affirme dans son livre, publié la semaine dernière, qu’il veut faire de l’éducation une véritable priorité nationale. Il doit passer de la parole aux actes et mener une campagne incessante auprès du premier ministre pour obtenir des fonds pour les écoles, estime Gérald Boutin, de l’UQAM.


> La suite sur Le Devoir.



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