Gilles Duceppe en France

Alain Juppé veut revenir au «ni-ni»

Duceppe - hérault de l'indépendance (tournée 2010)



Paris — L'ancien premier ministre français Alain Juppé souhaite un retour à la politique traditionnelle de la France à l'égard du Québec, celle de la «non-ingérence et non-indifférence». Sortant d'un entretien avec le chef du Bloc québécois actuellement en tournée en Europe, il a dit préférer cette formule à la nouvelle défendue par Nicolas Sarkozy, qui se contente d'affirmer que le Québec et la France sont «des frères».
«Moi je pense que dans la vie, il faut parfois des éléments de continuité, a déclaré Alain Juppé. Je pense que la formule "ni ingérence ni indifférence" disait bien ce qu'est notre relation tout à fait particulière avec le Québec. [...] Moi, je ne l'ai jamais abandonnée.» Alain Juppé, qui pourrait bientôt réintégrer le gouvernement dans un ministère prestigieux, a déclaré avoir eu un entretien cordial avec Gilles Duceppe qu'il connaît de longue date. L'ancien premier ministre de Jacques Chirac est souvent venu au Québec, où il a même enseigné pendant un an.
Ces propos ne pouvaient que réjouir le chef du Bloc au terme d'une visite de trois jours en France. Gilles Duceppe relie cette déclaration à la résolution adoptée il y a un mois par la convention socialiste et qui préconisait aussi un retour à la position traditionnelle de la France. Lorsque les Québécois «auront opté pour la liberté politique, nous souhaitons que la France accompagne le Québec dans ses choix», a-t-il déclaré.
Plus tôt cette semaine, Duceppe avait affirmé que la position de Nicolas Sarkozy n'était pas largement partagée par la classe politique française. «Je ne sais pas si Sarkozy est isolé, mais il dit s'inspirer de De Gaulle. Or, de Gaulle n'était pas indifférent [au Québec]», nous a-t-il déclaré. Mardi, à Colombey-les-deux-Églises, Nicolas Sarkozy s'était dépeint en héritier du gaullisme à l'occasion de la commémoration des 40 ans de la mort du général.
Le climat serait-il en voie de réchauffement entre le parti de la majorité et les souverainistes depuis qu'en février 2009, prenant fait et cause pour l'unité canadienne, Nicolas Sarkozy avait accusé les souverainistes de pratiquer la «détestation» de l'autre? «Les ponts se rétablissent», reconnaît Gilles Duceppe. Hier, le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, a proposé au Bloc d'établir des relations formelles entre les deux partis. On sait que Louise Beaudoin, responsable des relations internationales au Parti québécois, a fait depuis un an plusieurs rencontres avec des personnalités de l'UMP, dont le ministre de l'Immigration Éric Besson.
Le chef du Bloc dit avoir parlé de souveraineté avec tous ses interlocuteurs comme il avait fait à Washington le mois dernier. «Je leur ai dit que la question du Québec n'est pas réglée et qu'au Canada, il n'y a plus de troisième voie entre le statu quo et la souveraineté [...]. Ils ne peuvent pas réfuter ces constats.»
Inquiet du libre-échange
Gilles Duceppe a aussi discuté des négociations de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Il dit avoir l'assurance qu'au sein de l'Union européenne, la France ne s'opposera pas à l'inclusion d'une clause d'exception culturelle, comme celle que contient l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Pressée par certains pays plus libéraux, l'Union européenne envisagerait de réclamer une clause d'exception culturelle plus limitée.
Gilles Duceppe s'inquiète aussi de ce qu'il adviendra de la gestion de l'offre de certains produits agricoles. «On surveille cela étroitement», dit-il. Il était mardi à Strasbourg, où il a rencontré le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Mateo Sorinas.
Son voyage en Europe se poursuit aujourd'hui à Barcelone, où il rencontrera l'ancien président catalan, le nationaliste Jordi Pujol. Il se rendra ensuite en Écosse, où il sera reçu lundi par le premier ministre indépendantiste écossais. Alex Salmond souhaite lui aussi tenir un référendum sur l'indépendance de l'Écosse, un projet qui n'a pas encore abouti puisque son gouvernement est minoritaire.
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Correspondant du Devoir à Paris


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