Accord sur le nucléaire iranien - La touche russe

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Lorsque géographie et destinée coïncident

L’accord signé entre l’Iran et les poids lourds des affaires internationales a été qualifié d’historique. Parce qu’il a empoisonné les relations entre un certain nombre d’États, il est effectivement historique. Mais il est également fragile, car annonciateur de bouleversements dans tout le Moyen-Orient et au-delà.

En échange d’un certain assouplissement des sanctions imposées depuis des années, l’Iran devra observer les commandes inscrites à un cahier des charges par le groupe dit des 5 + 1, soit les membres du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne. Pour ce faire, au cours des six prochains mois, le royaume des Perses devra ouvrir grand les portes de son infrastructure nucléaire aux inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie nucléaire (AIEA). Au terme de ce délai, et si l’Iran a montré patte blanche, les représentants des pays évoqués amorceront les « vraies » négociations devant déboucher à terme sur le retour de l’Iran sur la scène internationale.

Cela étant rappelé, et pour dire les choses brutalement, le grand vainqueur de la manche qui vient de se dérouler à Genève s’appelle, outre l’Iran, la Russie. En effet, force est de souligner qu’en orfèvre du billard à trois bandes inhérent à tout exercice diplomatique de la catégorie « compliqué complexe », le très expérimenté Sergueï Lavrov (qui fut ambassadeur de la Russie à l’ONU de 1994 à 2004 avant d’être sacré ministre des Affaires étrangères) est parvenu à doubler, à maintenir et à diviser.

Doubler… Dans cette histoire on oublie trop souvent que le principal fournisseur d’armes à l’Iran est la Russie. Que le principal partenaire commercial de l’Iran est la Russie. Que le constructeur d’une énorme centrale nucléaire en territoire iranien est russe. Que, sur le flanc de la mer Caspienne, Moscou et Téhéran s’entendent comme larrons en foire pour doubler les autres pays présents afin de faire main basse sur les gisements d’hydrocarbures. On oublie surtout que, à la suite de l’implosion de l’Union soviétique, ressentie comme un affront aux multiples répercussions, Moscou avait décidé que son retour dans l’arène du « grand jeu » qui se poursuit en Orient, mais aussi en Asie centrale, passait par un rapprochement au plus près avec l’Iran. Avec ce pays ayant pour ennemis, dans ces environs, les très proches alliés des États-Unis, son principal adversaire, que sont Israël et l’Arabie saoudite. En jouant la carte de l’apaisement entre Washington et Téhéran, Lavrov est parvenu à maintenir, voire à renforcer, l’influence de la Russie sur les bords du Proche-Orient.

Car aujourd’hui, pour dire les choses non pas brutalement, mais telles qu’elles sont, il n’a jamais été aussi peu question de renvoyer Bachar al-Assad, de changer le régime syrien. Comme par hasard, dans les heures suivant l’entente sur le nucléaire, il a été annoncé qu’une conférence de paix sur la Syrie se tiendrait à Genève fin janvier. Comme par hasard, on a appris que Lakhdar Brahimi, émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe en Syrie, avait « profité », c’est le mot employé, des pourparlers de samedi sur le cas iranien pour discuter avec… Lavrov ! Comme par hasard, on a appris que la présence de représentants iraniens à cette conférence de paix était plus que jamais envisagée. Ce n’est vraiment pas un hasard si la Russie a canalisé un maximum d’énergie afin d’élargir son influence des confins de l’Iran au Liban en passant évidemment par la Syrie.

Doubler, maintenir et enfin diviser. Si fragile soit l’accord sur le nucléaire il a d’ores et déjà eu pour conséquence notable d’aiguiser la colère des dirigeants israéliens et saoudiens. C’est tout juste s’ils n’ont pas traité les États-Unis de traîtres. Au vu de cela et de ce qui précède, on retient que la Russie est toujours habitée par l’inclination impériale.

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François Brousseau92 articles

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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