Accommodements raisonnables - Premières balises

Laïcité — débat québécois


Le gouvernement Charest a fait son lit et opté pour l'expression par l'État québécois d'une laïcité ouverte. Dans l'espace public des institutions gouvernementales et paragouvernementales, le port de signes religieux ostentatoires sera permis, sauf le niqab et la burqa. Ce faisant, il relance le débat sur les accommodements raisonnables, qui est devenu «le» débat de société au Québec.
Bien plus que la question de la souveraineté ou de l'état des finances publiques, cette question des accommodements raisonnables est ce qui préoccupe le plus les Québécois. Depuis trois ans, elle ne cesse d'être à la une, non sans raison, car à travers elle se posent de nombreuses interrogations sur l'avenir de la société québécoise en regard de la nécessaire immigration pour maintenir son équilibre démographique et de l'intégration des communautés culturelles. Des interrogations qui ont conduit à une laïcisation graduelle de l'espace public.
Le dépôt mercredi du projet de loi numéro 94 établissant des balises pour encadrer les demandes d'accommodement conduira à faire un choix quant au degré de neutralité de l'État à l'égard des valeurs religieuses. Le projet n'en traite pas directement, mais en choisissant de ne pas interdire le port de signes religieux ostentatoires, sauf la burqa et le niqab, le gouvernement se trouve à faire le choix d'une laïcisation ouverte. Un choix qu'on justifie par la volonté et la nécessité d'intégrer à la société québécoise de nouveaux arrivants dans le respect à la fois de leur identité et des valeurs de la société québécoise que sont la primauté du français et l'égalité entre les hommes et les femmes.
Personne ne contestera cette nécessité d'assurer l'intégration des communautés culturelles, mais la question ici est de déterminer l'espace que la société est disposée à laisser aux identités et aux valeurs culturelles des nouveaux arrivants. Ou, posé autrement: quels compromis sommes-nous prêts à faire entre leurs valeurs et les nôtres, notamment au sujet de l'égalité hommes-femmes?
Le gouvernement Charest fait certainement le bon choix lorsqu'il détermine que dans l'espace public étatique et apparenté à l'État, il faudra avoir le visage découvert pour dispenser ou obtenir des services. Il invoque le principe de l'égalité hommes-femmes puisque le port de la burqa et du niqab est jugé comme un signe de soumission de la femme. Par contre, il a tort de ne pas voir comme tel le port du hidjab, qui est aussi un asservissement de la femme.
Ce projet de loi est un pas dans la bonne direction, mais le gouvernement doit aller plus loin dans l'affirmation de la neutralité de l'État. Ainsi, tous ses mandants, qu'ils soient fonctionnaires, enseignants ou membres du personnel médical des hôpitaux, ne doivent pas être autorisés à porter des signes religieux ostentatoires, qu'il s'agisse du hidjab, du turban, de la kippa. L'État, lorsqu'il s'affiche, doit le faire de façon neutre, ce qui voudrait dire que l'on retire le crucifix de l'Assemblée nationale et des hôtels de ville. On ne peut être neutre à demi. Par ailleurs, il ne faut pas tomber dans le piège de la logique selon laquelle tout devient réglementé et mesuré. Il doit y avoir place à une modulation des règles. Par exemple, interdire à un fonctionnaire de porter un turban ou un hidjab n'est pas nécessaire s'il n'est pas en contact avec le public. De même pour la personne qui se présente à un comptoir de service.
Ces questions sont fort complexes, surtout qu'inévitablement elles seront mises en relation avec le droit. Il faut prendre le temps nécessaire pour faire un choix éclairé. La décision du gouvernement Charest de soumettre son projet de loi à des consultations publiques élargies le permettra. Reste à voir s'il sera ouvert aux changements que nous souhaitons.


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