Pour Jean Charest, les élections sont comme un verre de lait: une, c'est bien, mais deux, c'est mieux! Le premier ministre doit avoir une confiance inébranlable en lui-même et en son parti pour oser imposer aux Québécois deux élections de suite.
De la confiance et de l'audace, Jean Charest en a à revendre. Mais s'il déclenche pour le 8 décembre, oubliez le refrain sur la nécessité d'avoir un "mandat fort" pour affronter la tempête économique. Justement pour éviter l'élection, l'ADQ et le PQ sont en mode d'hypercollaboration avec le gouvernement. Même Monique Jérôme-Forget promet qu'il n'y aura aucun déficit, ni cette année ni l'an prochain! Ce que Jean Charest cherche, c'est donc surtout de reconquérir sa majorité perdue en 2007. S'il réussit, ce serait pour lui un troisième mandat consécutif - une première depuis Maurice Duplessis! Mais comme la politique n'est pas une science exacte, son calcul est un pari comportant aussi sa part de risque. Demandez-le à Stephen Harper...
TIRER SUR L'AMBULANCE
Cela étant dit, minoritaire ou majoritaire, Jean Charest vise à faire d'une pierre, deux coups en renvoyant aussi l'ADQ au statut de troisième parti. N'en doutez point: pour le PLQ, l'heure du règlement de comptes avec Mario Dumont a sonné. Pour Jean Charest, conserver le pouvoir ET jeter l'ADQ au plancher serait comme gagner la 6/49 avec l'extra! C'est ce qu'on appelle joindre l'utile à l'agréable.
Dire que le Parti libéral n'a JAMAIS pardonné à Dumont d'avoir quitté ses rangs pour fonder l'ADQ est un euphémisme. Mais vous pouvez aussi parier vos cadeaux de Noël que Jean Charest se lève la nuit pour lui en vouloir encore plus de l'avoir privé de sa majorité à la dernière élection! Lorsqu'il a présenté ses deux transfuges adéquistes - une tactique de déstabilisation particulièrement cruelle à la veille du conseil général de l'ADQ -, Charest en était aussi radieux qu'une femme enceinte! Mais en s'acharnant sur un parti déjà aussi faiblard, il donnait plutôt l'impression de tirer sur une ambulance...
Oscillant entre 14 % et 16 % d'appuis, il est vrai que l'ADQ est en danger de mort clinique. Tout peut arriver dans une campagne, mais la tendance est lourde. Malgré le cadeau du ciel que fut l'obtention de l'opposition officielle en 2007, ni Dumont ni son parti n'ont réussi à convaincre qu'ils sont prêts, ou aptes, à gouverner. Contrairement à la dernière élection, M. Dumont ne pourra pas compter non plus sur les accommodements raisonnables, l'impopularité passée de Charest ou même André Boisclair.
La politique est faite de raison, mais elle est aussi faite d'émotions. Si on ne comprend pas la profondeur de la rancœur et de la hargne que ressentent les libéraux et M. Charest vis-à-vis Mario Dumont, on ne comprendra pas pourquoi ils préfèrent même voir le PQ retourner à l'opposition officielle! Et ça, c'est le meilleur des scénarios pour le PLQ qui, selon Léger Marketing, serait nez à nez avec le PQ chez les francophones. Ce qui, pour le moment, ne peut exclure une victoire péquiste, même minoritaire.
ROBERT BOURASSA, NE SORTEZ PAS DE CE CORPS!
La confiance de Charest en sa capacité de conserver le pouvoir est telle que le retour à une lutte à deux avec le PQ ne semble pas l'inquiéter. Cette fois-ci, à tort ou à raison, il se sent PRÊT. Pour vrai. Il faut dire que sa métamorphose en Robert Bourassa est terminée et réussie. En moins d'un an, l'ancien chef conservateur est devenu un vrai libéral, monté confortablement sur ses deux chevaux de bataille traditionnels: la défense des intérêts du Québec et l'économie. Les plus vieux se souviendront sûrement du succès de cette équation: économie + nationalisme = 4 mandats pour Robert Bourassa! Avouez que la recette a fait ses preuves.
La conjoncture le sert aussi fort bien à cette enseigne. Face à Harper, d'avoir la fibre nouvellement nationaliste est un must pour M. Charest. Avec la "crise" économique ouvrant chacun des bulletins de nouvelles, sa métamorphose bourassienne lui donne une longueur d'avance sur ce front.
Eh oui! L'économie sera l'ENJEU de cette élection. Ce qui renvoie à Pauline Marois. La souveraineté n'étant pas un enjeu par les temps qui courent, ni au fédéral ni au Québec, il reste à voir si le PQ, devenu au fil des ans tout aussi centriste que le PLQ, saura surprendre et proposer une approche différente de celle des libéraux sur l'économie, mais aussi sur l'éducation, la santé, la lutte à la pauvreté, etc.. Cette question, loin d'être anodine, pourrait avoir une incidence majeure sur le résultat de l'élection.
UN BRIN SUPERSTITIEUX?
Quant au choix d'envoyer les Québécois aux urnes en plein magasinage de Noël, c'est à se demander si Jean Charest ne serait pas un tantinet superstitieux? En 1985, l'élection avait eu lieu un 2 décembre. Résultat: le PLQ raflait 56 % des voix alors que le même Robert Bourassa devenait premier ministre... pour la troisième fois.
Sur une note plus sérieuse, il reste que deux élections de suite, c'est beaucoup. Surtout en ces temps où le taux de participation ne cesse de chuter. Mais qui s'en soucie à Québec pendant que les trois partis sont déjà occupés à préparer leurs autobus de campagne?
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