(Québec) «Qu'ils s'en aillent donc chez eux s'ils ne sont pas contents!» Ça vous rappelle quelque chose? Pendant de longues semaines, des milliers de personnes sont restées accrochées devant leur petit écran, à écouter les doléances des Québécois à la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables. La phrase qui concluait le plus souvent les discussions se résumait ainsi : «Si les immigrants ne sont pas contents, qu'ils retournent chez eux.»
Le Québec politiquement correct n'aime pas être associé à ce genre de discours. C'est donc avec une certaine surprise que ce débat, que l'on croyait clos, a repris cette semaine à l'Assemblée nationale. En deux temps, trois mouvements, la controverse avait atteint les tribunes téléphoniques, les blogues et les courriels du chroniqueur... «Je suis souvent assez d'accord avec ce que vous dites. Mais là, s'cusez, vous êtes dans le champ et pas à peu près!» m'a écrit un lecteur offensé par ma chronique de jeudi, dans laquelle je déplorais que l'opposition alimente cette controverse au lieu de débattre des problèmes quotidiens de la population. «Tout le monde autour de moi est outré, scandalisé par ces histoires de fanatiques religieux qui abusent scandaleusement du système», ajoutait le lecteur.
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Question : si vous allez à la clinique sans rendez-vous et demandez de voir un médecin homme parce que vous êtes un homme, est-ce que vous portez atteinte à l'égalité des sexes?
«Ben non! me direz-vous. C'est normal d'être plus à l'aise au toucher rectal effectué par un homme, ou à l'examen
gynécologique par une femme.»
Ah bon! Et si une femme musulmane fait la même demande «pour des raisons religieuses», ce serait discriminatoire?
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À moins de tout interdire, il est impossible de tout prévoir lorsqu'on parle de préciser ce qui est raisonnable ou pas dans l'exercice des droits. Il y a plein de situations où ces droits n'entrent pas en conflit et ne dérangent personne. Mais il y a plein d'autres cas où l'accommodement serait déraisonnable.
Mercredi, Pauline Marois a demandé si l'attitude du gouvernement dans ce dossier signifiait qu'une personne pourrait dorénavant demander d'être jugée par un homme ou une femme. «Est-ce qu'on va accepter ça?» La chef du PQ sait bien qu'une telle demande serait rejetée sur-le-champ. De la même manière, la famille d'un accidenté conduit d'urgence à l'hôpital qui poserait une exigence sur le sexe de l'urgentologue se heurterait à un refus catégorique. J'imagine également que si la Société d'assurance automobile accusait un retard dans les examens de conduite à cause des exigences religieuses, elle fermerait la porte à l'accommodement demandé.
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C'est vrai que le gouvernement Charest se dérobe à son devoir de guider les ministères et les agences sur ce terrain miné. Jean Charest se dit probablement qu'un débat sur cette question soulèverait autant de passions que nos vieilles controverses des années 70 sur la langue. Mais on rêve en couleurs si on pense qu'une «charte de la laïcité» donnerait des réponses claires à toutes les situations. Et une telle charte ne peut être conçue qu'en dehors d'un débat partisan.
Quand Mario Dumont a lancé le débat sur les accommodements raisonnables, André Boisclair n'a pas suivi tout de suite, par crainte de tomber dans la démagogie. Les péquistes ont tenté ensuite de reprendre le ballon, en constatant que Dumont marquait des points. Cette année, Pauline Marois a pris les devants sous prétexte de préserver les droits des femmes. A-t-on pensé au fait que ceux qui jettent de l'huile sur le feu dans ce débat sont parfois les mêmes qui se scandalisaient lorsque les femmes demandaient l'équité salariale ou réclamaient leur juste place dans certaines fonctions occupées par les hommes? Je ne doute pas des motifs de Pauline Marois ou de Sylvie Roy, mais je doute que la défense des femmes soit la préoccupation de tout le monde dans ce débat.
À la défense des femmes! Vraiment?
Je ne doute pas des motifs de Pauline Marois ou de Sylvie Roy, mais je doute que la défense des femmes soit la préoccupation de tout le monde dans ce débat.
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