À ce jour, seuls les dieux n'ont pas été impliqués dans notre fastidieuse démarche visant à accommoder notre prochain. C'est dommage. Car, justement, les dieux ne se montrent pas très tolérants. Peut-être appartient-il maintenant à leurs proches, c'est-à-dire aux fondamentalistes de toutes obédiences, d'intercéder auprès d'eux afin qu'à leur tour, ils se fassent plus accommodants...
C'est en tout cas ce que suggère le dernier épisode de la saga des accommodements raisonnables, celui du kirpan interdit d'entrée à l'Assemblée nationale. S'est alors manifesté un dieu intransigeant et provocateur à qui il importe apparemment de savoir jusqu'où nous consentirons à sacrifier à ses volontés.
Il n'est pas la seule divinité à nous avoir imposé un tel test: tout le panthéon a déjà réussi à démontrer qu'il n'y a rien comme le dogmatisme pour alimenter les conflits.
* * *
Le kirpan présente un problème de sécurité qui le distingue des autres parures à connotation religieuse. Dans sa forme rituelle et quel que soit le nom qu'on lui donne, il s'agit bel et bien d'un poignard qui a déjà été - et pourra être à nouveau - utilisé comme arme. C'est sur cette base que les responsables de la sécurité de l'Assemblée nationale ont refusé que des hommes le portent dans l'édifice.
Voilà l'événement brut. Celui au sujet duquel on peut noter que le kirpan est pourtant accepté ici ou là, à Washington ou à Ottawa... mais pas dans les avions. Et au sujet duquel on peut statuer, comme on l'a fait ici et là, que le Québec est encore en «conflit avec l'égalité» (Globe and Mail).
Mais l'événement réel n'est pas celui-là.
Et le décoder n'est pas difficile pour une nation qui a vécu le code de vie d'Hérouxville et la commission Bouchard-Taylor; la renaissance (brève) d'un catholicisme revendicateur et les tergiversations du gouvernement Charest; un projet de loi 94 minimaliste et la commission parlementaire ad hoc... qui a d'ailleurs pris fin de cette façon, entre foulard et poignard!
Ainsi, trois réalités sont récurrentes... et bien faites pour hérisser le commun des mortels.
Un, il y a un «système» observable dans tout ce branle-bas: choix du lieu et du moment par les protagonistes et grande habileté dans la médiatisation, par exemple. Deux, l'accommodement recherché peut prendre l'allure, non pas d'un accès à l'égalité, mais de l'octroi d'un privilège: qui d'autre réclame d'entrer armé à l'Assemblée nationale? Trois, ce sont toujours les adeptes des formes les plus extrêmes de pratique religieuse - souvent coupée de politique - qui manufacturent ces incidents.
Enfin, on ne saurait ignorer une dernière chose: l'Occident tout entier, et le Québec avec lui, entretient dorénavant des doutes profonds sur les principes moteurs et les conséquences du multiculturalisme dans sa forme courante, notamment au Canada.
Comme bien d'autres, cette vache sacrée n'est plus en très bonne forme. Et elle demande d'urgence un examen.
À couteaux tirés
il n'y a rien comme le dogmatisme pour alimenter les conflits.
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