6 janvier 2012

600ème anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc

(UN)HAPPY BIRTHDAY TO YOU, Miss Jeanne d’Arc !

Crise linguistique au Québec 2012





Il y a exactement 600 ans, dans un village nommé Domrémy que l’occupant anglais n’allait pas tarder à mettre à sac, naissait Jeanne Darc (sans particule), la jeune fille patriote qui symbolise universellement la fierté des peuples qui combattent l’occupation étrangère et qui s’insurgent contre l’esclavage national.
Depuis que cette héroïne populaire, - livrée aux flammes anglaises à l’âge de 19 ans par l’évêque « français » Cauchon - , est devenue une figure éminente du « roman national » français, elle a souvent été récupérée par l’extrême droite et la réaction monarchiste (alors que l’opposition entre républicains et royalistes n’avait aucun sens au 15ème siècle…) ; mais la libératrice d’Orléans n’en fut pas moins ardemment célébrée par des révolutionnaires en lutte contre le fascisme et l’impérialisme. Bête noire de Hitler, Dimitrov évoque ainsi la jeune patriote française dans un rapport fameux prononcé en 1937 à la tribune de l’Internationale communiste ; quant au Procès de Jeanne d’Arc de Brecht et d’Anna Seghers, il célèbre la signification profondément politique et populaire des « voix » qui ordonnaient à la cette fille de laboureur de faire sacrer un roi français pour mieux chasser l’occupant anglais ; et cette pièce de Brecht se conclut par cet appel qui vaut aujourd’hui pour tous les peuples qui, à notre époque, sont encore soumis à l’occupation d’une puissance étrangère : « Français, libérez votre terre, vous qui la cultivez ! ».
Il n’en est que plus consternant de constater qu’historiquement, politiquement, et surtout, linguistiquement, ce n’est pas la jeune patriote martyrisée qui triomphe aujourd’hui symboliquement sur notre sol, mais les glauques héritiers du traître Cauchon et de son commanditaire, le cruel Duc de Bedford. Non seulement en effet nos « élites » politico-économiques ne savent plus que faire pour aligner notre modèle social-républicain issu du CNR, de 1936, de 1905 et de 1789-94 sur les « modèles » antisociaux allemand ou anglo-saxon, non seulement ces « bons Français » cauchonnent nos conquêtes sociales, nos services publics, nos industries et notre production agricole, non seulement ils font table rase de notre souveraineté politique et budgétaire en rampant devant les Diktats d’Angela Merkel, non seulement ils mettent l’armée française au service des croisades néocoloniales de l’OTAN, non seulement ils défigurent le message universaliste de 1789 et du CNR en harcelant les immigrés et leurs descendants français, mais ils s’acharnent sur la langue française à laquelle ils rêvent de substituer le tout-anglais patronal porté par le capital euro-mondialisé. Et les « élites » de la Suisse romande, de la Belgique « francophone » et du Québec se comportent exactement de la même manière avec une seule obsession en tête : s’aligner sur tous les plans, social, politique et linguistique, sur les normes régressives de la mondialisation néolibérale et de l’Europe des financiers.
Ce n’est pas en effet un xénophobe conservateur mais un « Européen » convaincu, le philosophe Michel Serres qui observe qu’ « il y a plus de mots anglais désormais sur les murs de Paris qu’il n’y avait de mots allemands à l’époque de l’Occupation ». C’est le linguiste Claude Hagège qui classe le français, langue de la francophonie internationale parlée sur cinq continents, parmi les « langues menacées » du monde.
Ce pronostic n’a hélas rien d’alarmiste. Il ne s’agit plus seulement aujourd’hui des « modes » culturelles portées par l’industrie du spectacle au risque de marginaliser la chanson et le cinéma francophones. On n’en est plus aux seuls « emprunts » occasionnels à l’anglais, ni même au franglais naguère dénoncé par Etiemble ; désormais, c’est méthodiquement qu’une majorité de rédactions, de « communicateurs » bornés, d’hommes politiques « branchés », de pubards sans imagination et de grands patrons à la fois colonisés et colonisateurs, substituent en masse des tournures anglaises (souvent bien « improbables » !) à des expressions ancrées depuis toujours dans la langue de Molière. Ce linguicide, - s’il est permis de proposer ce néologisme douteux pour stigmatiser une entreprise exterminatrice sans précédent à cette échelle -, n’est pas seulement ignoré par l’U.E., - que ses traités obligent pourtant théoriquement à protéger l’ « identité » de ses Etats-membres - : clandestinement et dans le dos des peuples, l’UE institutionnalise l’anglais comme l’unique langue véhiculaire de l’Union. Et cet arrachement des langues nationales est ouvertement favorisé par certains « bons Franceuropéens » comme le Baron Seillières : l’ex-patron du MEDEF n’a-t-il pas inauguré ses fonctions à la tête de Businesseurope (le syndicat patronal européen) en déclarant : « je ne vous parlerai plus qu’en anglais, la langue de l’entreprise et des affaires » ? Quant à cet autre « bon Français » qu’est M. Trichet, n’a-t-il pas entamé son discours inaugural au parlement européen en s’exclamant : « I’m not a Frenchman ! »… Un antipatriotisme que Madame Parisot, qui dispute à A. Merkel le titre envié de Miss Mark, a porté à incandescence dans une récente tribune du Monde : la boss du MEDEF y somme les Français d’opter sans retard pour une « nouvelle patrie » (sic), c’est-à-dire d’abandonner cette République française si ringarde (et sa langue nationale porteuse d’histoire frondeuse ?) au seul profit de cette Europe du business que certes, aucun privilégié n’aura jamais la tentation de trahir !
Les choses en sont désormais au point que l’actuel gouvernement, si soucieux de défendre l’ « identité nationale » menacée comme on sait par le terrassier sénégalais ou par la serveuse « musulmane » francophone (sic), n’a ni yeux, ni langue ni oreilles pour faire respecter la loi et la constitution françaises. Et nos supermarchés peuvent impunément se rebaptiser Simply Market, Carrefour City, Carrefour Planet, nos « services publics » peuvent illégalement promouvoir leurs « produits » Speed, TGV Family, TGV Night, Rail Team (SNCF), leurs Flying Blue, leur AirFrance by Regional, leur everywhere ajustable (France Telecom, sans trait d’union ni accents s’il vous plaît !) sans que leurs ministères de tutelle respectifs rappellent jamais ces contrebandiers de l’Oncle Sam au respect de la loi Toubon votée en 1994 par le parlement unanime ! Mais comment compter pour cela sur Lady Lagarde, qui pilotait notoirement son ministère des finances en anglais, sur Borloo, qui veut faire de l’anglais une langue maternelle bis en France, sur Luc Chatel qui veut soumettre step by step, selon sa forte expression, les enfants de maternelle à un « bain linguistique » permanent en anglais, alors qu’à cet âge-là la langue maternelle française est loin d’être acquise ? Un Chatel qui étend illégalement l’enseignement en anglais dans le secondaire (« le français est la langue de l’enseignement », stipule la loi Toubon)… Evoquons à peine l’Université et les Grandes Ecoles où la constitution est allègrement piétinée, notamment par Sciences Po (dont tous les enseignements se délivrent en anglais dans la nouvelle antenne de Reims, sans doute pour rapprocher les futurs élus de la « France d’en bas »…). Le comble de l’odieux est atteint par J.-F. Copé : mariant comme personne l’islamophobie et l’autophobie nationale, le patron de l’UMP exige que la télévision publique projette chaque soir des films américains sous-titrés de manière à forcer nos compatriotes à ingurgiter, non pas la langue de Joyce et de London, mais l’idiome mutilant et mutilé de Rambo et de l’American Way of Life ; en guise de piètre compensation pour les francophones attardés, Sir Copé voulait même initialement substituer le français à l’arabe liturgique dans… les mosquées ! Faut-il citer aussi Gérard Longuet, qui ne voit aucun inconvénient à ce que des prises d’armes de l’armée française s’effectuent en anglais, ou Valérie Pécresse, dont la politique universitaire conduit à privilégier la publication d’articles dans les revues anglophones comme critère majeur pour la promotion des chercheurs ?
Et le ministre de la culture n’est pas en reste : ses services subventionnent sans états d’âme les mal-nommées « Francofolies » (sic) qui, de manière provocatrice, ont jugé plaisant de ne programmer que des chanteurs anglophones le… 14 juillet 2011 ! Avant même que n’aient lieu tous ces débordements honteux, l’ancien ministre socialiste H. Védrine s’était publiquement interrogé à propos de cette déferlante américano-maniaque : « le français survivra-t-il à un tel traitement. Peut-être… » !
La question se pose alors à tout citoyen conscient : que devient l’Etat de droit tant vanté quand des ministres « français » et de prétendus services publics s’assoient à ce point sur la Constitution qui stipule que la langue de la République est le français ? Où en est la démocratie quand cette politique d’arrachage linguistique est cachée au peuple, quand elle est soustraite au débat public, quand les résistants au tout-anglais sont exclus des médias audiovisuels, quand les milliers de citoyens manifestant à Paris contre le tout-anglais le 18 juin 2011 sont censurés1 par les chaînes nationales qui leur préfèrent, en prime time, un rassemblement de motards en courroux ? Et à quel rôle indigne d’accompagnement l’opposition parlementaire s’abaisse-t-elle quand Mme Aubry remporte haut la main le Prix de la Carpette anglaise 2010 pour son effort acharné visant à substituer le bien-pensant Care anglo-saxon aux notions révolutionnaires de droits sociaux et de fraternité républicaine ?
***
Résumons-nous : l’extermination en cours du français et des autres langues nationales n’a rien d’une « mode » anodine : il s’agit d’une guerre d’extermination culturelle portée par l’oligarchie des affaires et relayée par une partie de la fausse gauche : en France, en Europe, à l’échelle du monde, il s’agit d’établir, officieusement d’abord, officiellement ensuite, le monopole du business globish. Et la fonction insidieusement totalitaire de cette langue unique est de consolider la pensée unique, le marché unique, la monnaie unique, l’économie unique, la politique unique et la sous-culture unique dont rêve le « monde des affaires ».
Les effets de cet arrachage linguistique, - que d’aucuns osent présenter comme une « ouverture à la diversité » alors même que les bacheliers britanniques sont dispensés d’étudier une langue étrangère ! – sont prévisibles : effacement programmé des nations comme espaces publics d’une possible souveraineté populaire, alignement des droits sociaux sur les « standards » régressifs des pays anglo-saxons, arasement de la diversité culturelle mondiale2, promotion d’une élite euro-mondialisée de locuteurs mother tongue english régnant sur les milliards d’individus non anglophones, semi-anglophones (et omni-« jargophones » !) qui hanteront les bas-fonds de la planète ? Confrontés à ces cadres english mother tongue que recrutent déjà illégalement de très grandes entreprises, que deviendront les ouvriers, employés, paysans, artisans, enseignants, cadres moyens, ingénieurs et enseignants de France, sinon des étrangers sur leur propre sol ? Cette discrimination linguistique frappera en priorité les immigrés issus de l’espace africain francophone (dont nos lycées n’enseignent toujours pas les langues d’origine…). Ces travailleurs subiront la double peine linguistique ; eux dont le français n’était déjà pas toujours la langue maternelle, devront apprendre à remiser au second plan la langue de Césaire et de Fanon s’ils veulent travailler en « France », cet étrange pays chaque jour plus semblable au fameux « couteau sans manche dont on a perdu la lame »… Bref, on ne combattra pas l’indigne « préférence nationale » prônée par l’extrême droite, en instaurant en douce la préférence nationale à l’envers au profit du « natif » anglophone, que promeuvent nombre de firmes « françaises » dans le silence des autorités chargées de combattre les discriminations : les deux indignités, - la xénophobe et l’ « autophobe » - , finiront par s’additionner pour exclure les classes populaires en favorisant l’ « élite » euro- et américano-formatée…
Quant aux objections qu’il est habituel d’opposer aux résistants linguistiques au tout-anglais, elles font figure de contrefeux douteux.
Que le français, comme l’anglais, l’espagnol, le portugais, etc. aient longtemps été utilisés par les dominants de l’hémisphère nord pour refouler les langues des peuples colonisés ou, en France même, pour marginaliser les « patois » (sic), nul n’en disconvient, et encore moins les initiateurs de ce texte, dont certains sont férus de langue régionale et dont d’autres ont combattu Hitler dans les rangs des FTPF et des FTP de la Main-d’œuvre Immigrée. Mais pas plus qu’il n’était décent en 1940 d’alléguer les massacres de la Grande Guerre pour refuser de résister à Hitler, il n’est loyal aujourd’hui d’invoquer les oppressions linguistiques d’hier pour collaborer au néocolonialisme linguistique d’aujourd’hui.
Refusons que le français, ce premier service public de France grâce auquel l’Occitan et l’Alsacienne peuvent faire république avec le fils d’immigrés, le Flamand et la Bretonne, soit pris en tenaille entre, d’une part, le business Globish, et d’autre part l’ultra-régionalisme des nantis qui s’arment de prétextes linguistiques pour lorgner vers Barcelone, Anvers, Milan, et surtout, vers Bruxelles et Francfort. Car les langues régionales, patrimoine de toute la nation, ne sont qu’un prétexte pour casser la république une et indivisible ; le vrai but des ayatollahs de l’euro-régionalisation à prétexte linguistique est d’« ethniciser » le monde du travail pour mieux « re-féodaliser » le territoire national. Du reste, si le français, langue de la francophonie mondiale, était finalement marginalisé sur son sol d’origine, quelle autre langue de France ou du monde n’y « passerait »-elle pas encore plus rapidement ?
Au lieu donc d’aider le Ramina-Globish exterminateur, les amoureux des langues de France et d’ailleurs doivent aider l’ex- « belette » francophone et les ex-« petits lapins » basque, breton, catalan, corse, sans oublier les langues honteusement déniées de l’immigration ouvrière, à fédérer leurs contre-attaques ; car il en va des langues comme des luttes sociales : elles sont condamnées à résister ensemble ou à être arrachées séparément.
C’est pourquoi, que l’on se reconnaisse ou pas dans le souvenir injustement dénigré ou récupéré d’une patriote de 19 ans torturée à mort pour ses idées, il est urgent que tous les résistants à l’ogre néolibéral cessent de regarder de haut le combat linguistique.

Car si demain les revendications populaires elles-mêmes devaient s’ânonner dans la novlangue mondiale des maîtres, ceux-ci auraient atteint leur but final : forcer les peuples à clamer leur résistance dans la langue indigne, dérisoire et soumise, de la new collaboration !

SIGNATAIRES : Georges Hage, député honoraire du nord, co-président d’honneur du COURRIEL ; Léon Landini, co-président d’honneur du COURRIEL, a. officier FTP-MOI, Médaille de la Résistance ; Georges Gastaud, président du COURRIEL, philosophe ; Matthieu Varnier, chercheur en robotique, secrétaire général du COURRIEL ; Gilles Bachelier, animateur du Comité Républicain des Gaullistes de Gauche ; Claude Beaulieu, animateur du Comité Valmy ; Danielle Bleitrach, sociologue, militante communiste ; Michèle Chopard, artiste en photomontage, Belgique ; Aurélien Djament, chercheur en mathématiques ; Olivier Denhez, agrégé d’histoire ; Barbara Y. Flamand, écrivain, Belgique ; Vincent Flament, professeur de français ; Cyrille Ferro-Steyaert, fonctionnaire ; Jean-Pierre Hemmen, fils de Fusillé de la Résistance, vice-président du Pôle de Renaissance Communiste en France ; Patrick Kaplanian, ethnologue ; Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine ; Maurice Le Lous, vice-président du Cercle Littéraire des Ecrivains Cheminots ; Pierre Lévy, journaliste, directeur de Bastille-République-Nations ; Elisabeth Loubet-Gauthier, professeur de philosophie retraitée ; Laurent Nardi, professeur de lettres (74) ; Jacques Nikonoff, universitaire, président du M’PEP ; Pierre Pranchère, a. maquisard FTPF, a. député de Corrèze ;Lakis Proguidis, écrivain ; Jean-Luc Pujo, président des Clubs Penser la France ;


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