Par un bel après-midi du mois d'août, il y a cinq ans, le premier ministre Charest annonçait en grande pompe la découverte à Québec des vestiges d'un des plus vieux établissements européens en Amérique du Nord, le fort Cartier-Roberval. Qu'est-il advenu de ce chantier archéologique?
Isabelle Porter Québec — Après trois ans de fouilles et la découverte de milliers d'artefacts, la pièce la plus parlante du site archéologique de Cartier-Roberval demeure celle qui a été découverte en premier: le morceau de faïence italienne.
Cette pièce orangée aux motifs bleus et jaunes était à l'époque réservée aux très riches, ce qui témoigne bien de l'opulence des nobles qui sont venus s'installer à Cap-Rouge en 1542. «On a là une espèce d'enclos aristocratique», explique l'historien Nicolas Giroux de la Commission de la capitale nationale. «La faïence, c'est des trucs qu'on faisait faire sur commande.»
L'historien Bernard Allaire, qui prépare un livre sur Roberval, croit que ça lui a appartenu. «Roberval avait travaillé comme ingénieur de fortifications à Turin. À mon avis, c'est peut-être durant cette période-là qu'il l'a ramenée. C'était la vaisselle à la mode à l'époque en Italie.»
Au-delà de sa valeur, le contexte de la découverte de cette faïence est en soi spectaculaire. Pendant 60 ans, des archéologues ont fouillé les environs à la recherche des restes du mystérieux fort. Sans succès. Jusqu'à ce que l'archéologue Yves Chrétien le retrouve en 2005 alors qu'il ne le cherchait pas du tout.
L'archéologue effectuait des fouilles de routine pour la Commission de la capitale nationale en vue de la construction de la promenade Samuel-De Champlain quand il a trouvé le morceau de faïence sur le promontoire de Cap-Rouge. Ses collègues archéologues étaient passés tout près, mais ne s'étaient pas assez approchés de la falaise. En plus, la Renaissance se trouvait à moins d'un pied du sol!
L'identification de la faïence et des datations au carbone 14 d'autres vestiges allaient vite confirmer la valeur du site et susciter la curiosité de bien des amateurs d'histoire sur le continent. Après tout, il s'agit du plus vieil établissement européen au nord du Mexique!
Avec les 8 millions investis alors par le gouvernement Charest, les archéologues ont passé le site au peigne fin pendant trois ans. Ils ont trouvé de petites clés, les restes de la première cotte de mailles trouvée en Amérique, les creusets qu'on utilisait pour ramasser les métaux qu'on croyait précieux, une bague, des poteries amérindiennes.
Aucune trace de sépultures
La présence de ces poteries et les récits laissent croire aux archéologues que les relations entre Roberval et les Iroquoiens étaient bonnes et qu'il y avait une sorte d'entraide, ce qui n'était pas le cas pour Cartier. «L'hiver a été dur pour les Français et les Indiens aussi en ont souffert. Et ils se sont entraidés», note Gilles Samson, qui a dirigé les fouilles avec Richard Fiset pour le ministère de la Culture. «On a retrouvé beaucoup de céramiques amérindiennes dans la couche d'incendie.»
L'incendie qui a détruit le fort a également permis de préserver les restes de nombreux produits alimentaires comme des dattes, des noyaux d'olives et des céréales très variées.
Les archéologues n'ont toutefois pas trouvé de sépultures ni les fondations du fort. «Sur le site, ce qu'on trouve est très fragmentaire», concède Nicolas Giroux. Une bonne partie de l'énergie a donc été vouée à le reconstituer à l'aide d'indices partiels tels les restes calcinés de la construction et les trous laissés par les pieux qui délimitaient vraisemblablement les tours.
«Avec ce qu'on a trouvé comme empreintes au sol et comme matériel, on peut penser qu'on a un bâtiment.» Les recherches historiques suggèrent que la plus grande tour abritait une grande salle pour recevoir. «Roberval était vice-roi. Ça prend un bâtiment où on peut traiter les affaires juridiques, se réunir.»
Gilles Samson pense que le fort était constitué de deux tours reliées par une sorte de passerelle avec toit. Les centaines de clous forgés et les milliers de morceaux d'argile calcinés trouvés sur le site fournissent aussi des renseignements sur les matériaux de construction. «On sait maintenant qu'ils ont construit à la normande avec du bois et de l'argile, précise Nicolas Giroux. Comme il y a eu un incendie, on a trouvé des milliers de morceaux d'argile cuite. La structure avait une ossature de bois. On plaquait de l'argile dessus et on montait des murs en terre.»
Mais aucun signe de fosse commune ou de ces précieux réservoirs d'informations que sont les latrines ou les âtres. Trouvant le fort trop petit pour abriter les 500 personnes qui auraient résidé sur place, les archéologues ont donc mené pas moins de 200 sondages tout autour, mais ils n'ont rien trouvé.
Mais Gilles Samson veut y retourner. Selon lui, on a seulement découvert de 30 à 35 % des artefacts.
L'historien Bernard Allaire est d'un autre avis. Selon lui, tout se trouve en bas de la falaise dans ce qu'on appelle le «fort d'en bas». Or, le secteur est habité et le sol a probablement été trop bouleversé pour qu'on y trouve des vestiges.
***
Avec la collaboration de Dave Noël
***
Demain: Et si Roberval était resté?
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé