400e: on fête quoi?

Ce qui était bizarre, c'était d'abord le degré d'intensité et de passion de ce débat, pourtant assez mineur. Mais aussi la rigidité et le simplisme des réactions dans une réflexion qui exigeait pourtant un sens de la nuance.

Triomphalisme canadian

On a assisté, ces derniers jours, à un débat tout à fait hallucinant autour des fêtes du 400e. Michaëlle Jean a-t-elle éclipsé le Québec aux célébrations de La Rochelle? Jean Charest aurait-il dû être là? Quel est le sens de cette fête, la fondation du Canada, celle du Québec?


Ce qui était bizarre, c'était d'abord le degré d'intensité et de passion de ce débat, pourtant assez mineur. Mais aussi la rigidité et le simplisme des réactions dans une réflexion qui exigeait pourtant un sens de la nuance.
Le quotidien Le Devoir, par exemple, a accusé le premier ministre Charest d'avoir réécrit l'histoire. Mais en fait, l'histoire est sans cesse écrite et réécrite. Chaque génération refaçonne le récit historique pour expliquer son présent. Il faut donc accepter qu'il n'y a pas une seule histoire, une seule vérité historique gravée à tout jamais dans la pierre. C'est encore plus vrai au Québec, une société au statut flou dont les citoyens ont souvent des identités multiples.
On le voit quand on essaie de répondre à la question: Qui a déclenché tout ce débat? Qu'est ce qu'on célèbre avec les fêtes du 400e anniversaire de la fondation de Québec? J'ai trouvé cinq réponses, toutes différentes, toutes valides, qui interagissent et se complètent.
Premièrement, on peut être littéral. On fête la fondation d'une ville, Québec: «Bonne fête, Québec». Mais encore là, est-ce qu'on fête l'arrivée de Samuel de Champlain, ou plutôt ses quatre siècles d'histoire, la fondation, le régime français, la bataille des plaines d'Abraham, le régime anglais, l'essor de la capitale, la diversification récente?
Deuxièmement, on peut se mettre dans la peau de l'autre. Pour les autochtones, le 400e marque, car le mot fêter serait inapproprié, l'arrivée des Européens blancs dans le nord-est du continent.
On pourrait aussi dire, c'est une troisième façon de voir les choses, que la fondation de Québec marque la naissance du fait français en Amérique. Cela dépasse largement la ville ou le Québec. Le fait français, c'est la fondation de la Nouvelle-France, déjà nommé Canada, mais aussi l'essaimage de ces Français sur tout le continent, qu'ils ont exploré vers l'ouest et jusqu'au golfe du Mexique.
Quatrièmement, on pourra dire que c'est la naissance d'un peuple dont nous sommes les héritiers. En sachant toutefois qu'il y a une foule de façons de décrire et de nommer ce peuple. Ce peut être l'histoire des Canadiens, ensuite les Canadiens français, qui se sont établis partout au Canada. Ce peut être celle de ceux qui sont restés sur ce territoire, le Bas-Canada, et ensuite le Québec, qui se définit maintenant comme une nation. Mais quelle nation? Celle des héritiers des colons français? Ou tous ceux qui ont peuplé le Québec, qui l'ont bâti, qui vivent sur ce territoire, peu importe leurs origines et leur langue?
Cinquièmement, cela en a fait tiquer plusieurs, on peut y voir la naissance du Canada, en ce sens que cette colonie française a donné naissance à l'un des deux peuples fondateurs. C'est la plus vieille composante de ce qui deviendra le Canada que l'on connaît. On se souvient que le premier ministre Harper avait déclaré en Australie que le Canada était né en français, ce qui est une autre façon de dire la même chose.
Qui a alors raison? Tout le monde. Dans ces multiples interprétations, chacun de nous pigera et intégrera à sa façon les éléments qui correspondent à ses origines et à sa vision. Certains se définissent uniquement comme Québécois, mais la plupart d'entre nous ont une double identité, sinon une triple, et se sentent aussi canadiens à des degrés divers. Certains se voient encore comme des Français d'Amérique. D'autres, et c'est mon cas, croient que nous sommes devenus des Nord-Américains de langue française.
Tout cela décrit le fait que nous sommes une société hybride, métissée, aux origines françaises, colorée par le contact avec les autochtones, façonnée par des siècles sur ce continent, transformée par la présence anglaise, modifiée par l'immigration. Nous sommes devenus quelque chose d'autre, de différent et d'unique.
La ville de Québec reflète cette complexité. Une ville dont l'héritage français est très présent. Mais qui a longtemps été anglaise, et dont l'héritage architectural le plus visible est britannique, les remparts, les plaines d'Abraham, le Château Frontenac. Et dont le développement récent est purement nord-américain, avec ses banlieues, ses autoroutes et ses centres commerciaux.
Les célébrations du 400e, en toute logique, devraient être capables de fêter tout cela, d'intégrer toutes les facettes de cette complexité, sans chicanes mesquines et sans que les uns essaient d'imposer aux autres leur propre vision de l'histoire.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mai 2008

    M. Ray. Des a raison. La Nouvelle-France c'était le Canada, l'Acadie, la Louisiane, les Illinois, les Pays-d'en-Haut.
    Le Canada est devenu Province of Québec en 1763. L'a-t-on oublié ?
    Oui, l'histoire se réécrit constamment M. Dubuc c'est pourquoi on va la simplifier pour cesser de faire dans les mesquineries comme vous dites : on va réécrire l'HIstoire DU Québec et ses 400 ans.
    Celle-ci pourra enterrer l'histoire commanditée d'Ottawa (les récentes MInutes du Patrimoine) du même coup.
    Sébastien Harvey
    sebastien_harvey1@hotmail.com

  • Pierre Desaulniers Répondre

    11 mai 2008

    “Le fait français, c'est la fondation de la Nouvelle-France, déjà nommé Canada,” (sic) (Alain Dubuc)
    Faux, M. Dubuc, car la Nouvelle-France, c’était tous les territoires “françois” d’Amérique :
    La Nouvelle-France s’étendait dans le golfe St-Laurent jusqu’au-delà du Lac Supérieur, et de la Baie d’Hudson jusqu’au golfe du Mexique. Mais vous n’êtes pas le seul commentateur à ignorer notre histoire…
    “le Québec, qui se définit maintenant comme une nation. Mais quelle nation? Celle des héritiers des colons français? Ou tous ceux qui ont peuplé le Québec, qui l'ont bâti, qui vivent sur ce territoire, peu importe leurs origines et leur langue?” (A.Dubuc)
    M. Dubuc, vous terminez votre texte en parlant de “chicanes mesquines”. Vous-même êtes mesquin avec ces questions-là, car vous ne pouvez pas ignorer que les leaders nationalistes ont une définition très inclusive du peuple québécois, de la nation québécoise... R.D.