Le débat sur le troisième lien, au fil des ans, s’est surchargé idéologiquement, comme si on ne parlait plus d’un pont, ou d’un tunnel, mais d’un projet de société.
À droite, il devient le symbole du droit des automobilistes à circuler librement.
À gauche, on y voit plutôt un projet nuisible, dans une époque qui devrait se convertir aux transports en commun.
Il est pourtant nécessaire d’aborder ce projet sous un angle supplémentaire, rarement mentionné, mais souvent chuchoté.Québec
C’est ce que j’appellerais la théorie de la deuxième métropole. On la résumera ainsi. Montréal est une ville perdue pour le Québec, et plus particulièrement, pour le Québec francophone.
Démographie oblige, elle est appelée à s’en séparer. D’ailleurs, Montréal rejette de plus en plus le reste du Québec, comme en témoignent les résultats électoraux. Des esprits qui se veulent lucides jugent cette situation irréparable. Il faudrait acter la partition.
Il importerait alors de donner à Québec les moyens d’une vraie capitale nationale, devenant aussi au fil des décennies la métropole du Québec français. Ce qui implique de grands travaux, pour que Québec dispose des infrastructures nécessaires à sa prochaine vocation. Le troisième lien devient alors le symbole de ce redéploiement collectif.
Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.
En quelques décennies, le peuple québécois opérerait un repli vers sa ville fondatrice, en cessant d’entretenir l’illusion d’un Montréal français.
Mais à travers cela, à l’échelle de l’histoire, notre peuple poursuit sa régression territoriale.
L’Amérique du Nord fut d’abord largement française, grâce à l’esprit d’aventure des grands explorateurs.
Après la Conquête anglaise, notre territoire fut réduit considérablement. Nous avons eu, un temps, l’espoir de nous projeter à la grandeur du Canada. Terrible illusion. Partout, notre peuple y fut anglicisé.
Et nous nous sommes finalement reconstruits sur le territoire du Québec, où nous formons une majorité démographique.
Mais le XXIe siècle annonce un prochain recul, avec la perte de Montréal, conquise par le Canada multiculturaliste, avec les moyens qui sont ceux de notre époque.
On notera le parallèle entre notre territoire et l’évolution de notre nom comme peuple à travers les siècles.
Nous avons d’abord été Français, avant de devenir Canadiens, puis Canadiens-français, quand les anglophones s’approprièrent la référence au Canada.
Nous sommes alors devenus Québécois, pour devenir maîtres chez nous.
Territoire
Mais aujourd’hui, on cherche à nouveau à nous déposséder de notre nom, en fabriquant le mythe d’un Québec bilingue, où le français ne serait qu’une langue sur deux, et multiculturel, où la majorité historique francophone ne serait qu’une communauté parmi d’autres. Nous avons donc de plus en plus tendance à nous définir comme «Québécois francophones» ou simplement comme «francophones». Jusqu’à la prochaine mutilation symbolique. Un jour, nous n’aurons plus de nom.
J’en reviens au troisième lien. Sur le plan technique, ce projet est probablement nécessaire. Mais derrière ce geste de puissance se cache un renoncement fondamental.
Nous mobilisons nos énergies collectives non plus pour reconquérir notre métropole, mais pour nous construire une base de repli honorable.
Que nous restera-t-il, à la fin?
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