2016, année noire pour les médias mainstream

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C'est «la» nouvelle de 2016 !


L’année écoulée s’est montrée difficile pour les médias de masse occidentaux. Entre prévisions erronées, crédibilité entachée et manque de confiance de la part de la population, certains ont même appelé à se remettre en question.

«Les médias d’information ont largement manqué ce qui se passait autour d’eux. C’est une histoire qui se répète. Les estimations n’ont pas seulement été un mauvaise guide durant cette nuit électorale, elles ont été à l’inverse de ce qui se jouait réellement.» Cette analyse de Jim Rutenberg, médiateur du très célèbre New York Times, au lendemain de l’élection de Donald Trump, est à l’image de l’année médiatique de bon nombre de titres de presse occidentaux.

Que ce soit à propos du Brexit, de l’élection présidentielle américaine ou des chances de François Hollande de faire un second mandat, 2016 s’est montrée cruelle pour les médias mainstream. La réalité a balayé la plupart de leurs prévisions au sujet de ces grands événements qui ont marqué l’année. Mais plus que ces analyses ratées, c’est au niveau même de la couverture de certains sujets comme la bataille d’Alep qu’ils sont critiqués. Le niveau de défiance de la population occidentale envers ses médias atteint désormais des sommets.

Le Brexit met la médiasphère mainstream KO

Le 23 juin 2016, 51,89% des citoyens du Royaume-Uni votent en faveur de la sortie de l’Union européenne. Durant les semaines qui ont précédé le vote, une terrible bataille médiatique s’est menée entre les pro et les anti-Brexit. Si de l’autre côté de la Manche de nombreux journaux poussaient en faveur du «leave», ailleurs en Occident, la majorité des médias prédisaient la catastrophe en cas de Brexit et anticipaient une victoire du «remain». Il faut dire qu’à l’époque, les sondages leurs donnaient raison. A la veille du vote, l’institut Ipsos Mori publiait un dernier sondage faisant état d’une défaite du Brexit à 48%, contre 52% de partisans du maintien (marge d'erreur de 2,46%). Soit grosso modo l’inverse du résultat final.

Une déroute des souverainistes, des xénophobes et des racistes

Le philosophe Bernard Henri-Lévy, invité régulier des médias hexagonaux, démarrait quant à lui une série de prédictions ratées qui allait continuer jusqu'à la fin de l'année. A de nombreuses reprises, il avait anticipé une défaite du Brexit et «une déroute des souverainistes, des xénophobes et des racistes».

Mais plus qu’une mauvaise prévision, c’est bien le catastrophisme dont ont fait preuve nombre d’observateurs qui s’est avéré encore plus faux. En France, les journalistes Jean Quatremer de Libération et Arnaud Leparmentier du Monde, en européistes convaincus, ont joué les fers de lance du camp des opposants au Brexit. Quelques jours avant le référendum, alors qu’il était invité d’Euronews, Jean Quatremer n’hésitait pas à décrire le Royaume-Uni sans l’UE comme «le Zimbabwe, un pays tiers sans aucun accord». Arnaud Leparmentier avait lui signé un article de fiction qui imaginait le Royaume-Uni post-Brexit frappé par «une bonne tempête financière».

Le 9 juin, quelques semaines avant le vote, une journaliste de Public Sénat lançait au sénateur Front national David Rachline que «l'autarcie aura des conséquences, au Royaume-Uni on parle de cinq points de PIB». Le chiffre était validé par «un consensus d'experts du commerce». Eh bien, pour le moment, ils ont eu tout faux. Pas d’apocalypse financière au lendemain du vote.

Même le très pro-européen journal Le Monde devait se rendre à l’évidence. Dans un article publié le 27 octobre, le site du quotidien vespéral reconnaissait qu’«en dépit des craintes suscitées par le Brexit, depuis le référendum qui a vu les Britanniques opter pour une sortie de l’Union européenne, la croissance de l’économie du Royaume-Uni a résisté et atteint 0,5% au troisième trimestre».

Vous reprendrez bien une dernière prévision manquée ? Elle est encore du fait d’Arnaud Leparmentier. Visiblement déçu, le journaliste publiait le 25 juin un article intitulé «Le "Brexit" n’aura pas lieu». Au grand dam du pro-européen, le Premier ministre britannique Theresa May semble bien décidé à mener jusqu'au bout le processus de sortie. Le 7 décembre, elle a même dévoilé un calendrier.

Trump, cet ouragan que la presse n’a pas vu venir

L’événement médiatique le plus marquant de l’année restera sans doute l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Le fantasque milliardaire, pas pris au sérieux par les médias au début de la campagne, a déjoué tous les pronostics. Malgré le soutien de 194 médias américains sur 200, Hillary Clinton a perdu l’élection du 8 novembre. Dans le monde occidental, l’immense majorité de la presse la soutenait et n’envisageait pas une seule seconde que Donald Trump puisse gagner le scrutin avec 304 grands électeurs contre 227 à son adversaire.

Avant l’élection, le Huffington Post prévoyait une victoire de la candidate Démocrate avec 323 grands électeurs et un Sénat qui bascule dans son camp. Le 5 novembre, le très pro-Clinton New York Times affirmait qu’Hillary Clinton avait «une avance solide dans le collège électoral». Le 1er novembre CNN relayait la prédiction d’un modèle analytique de l’agence de notation Moody’s qui avait «correctement prédit le vainqueur de chaque élection présidentielle américaine depuis Ronald Reagan en 1980». Il voyait «une grande victoire pour Hillary Clinton» avec «332 grands électeurs» contre «206» pour Donald Trump. Et les exemples sont légion.

L'élection présidentielle américaine est déjà jouée, et c'est Hillary Clinton qui a gagné

En France également, de nombreux «spécialistes» des médias voyaient déjà Hillary Clinton dans le fauteuil du Bureau Ovale. Le 7 septembre, i-Télé diffusait l’analyse du journaliste Olivier Ravanello : «Notre journaliste spécialiste de l'International Olivier Ravanello l'assure : l'élection présidentielle américaine est déjà jouée, et c'est Hillary Clinton qui a gagné.» Eh bien non. Pour Bernard Henri-Lévy, c’était à nouveau un four. Au cours de l’été, le philosophe avait publié une tribune intitulée «Pourquoi Trump va perdre» dans le magazine Le Point...

Ce tremblement de terre a conduit plusieurs médias à se remettre en question dont le célèbre New York Times. Le 14 novembre, Arthur Sulzberger, directeur de la publication du quotidien, a promis que son titre «réfléchirait» à sa couverture de l'élection de cette année en se «consacrant de nouveau» à informer sur l'Amérique et le monde «honnêtement».

Comme pour le Brexit, les Unes catastrophes de la presse occidentale n’ont pas été suivies d’effets. Au lendemain de la victoire de Donald Trump, Libération titrait «Trumpocalyspe». Le Daily Telegraph osait un «W.T.F.» [What the f**k]. Le quotidien new-yorkais The Daily News faisait carrément dans l’épouvante et rebaptisait la Maison Blanche, «la Maison de l'horreur». Le Monde s’inquiétait que la victoire de Trump ne fasse plonger les marchés financiers «dans l’inconnu». France Info publiait l’interview de l’économiste Philippe Waetcher qui déclarait alors : «Nous allons avoir un choc sur le commerce mondial.»

Si Donald Trump ne rentrera en fonction que le 20 janvier, force est de constater que les marchés financiers se portent bien et que le commerce mondial est toujours debout. Le 10 novembre, l’indice new-yorkais du Dow Jones a même battu un record en augmentant de 1,18% à la grande surprise du journal Le Monde. «Cela arrive pourtant au lendemain de l’élection inattendue de Donald Trump à la présidence», pouvait-on lire sur le site web du quotidien.

François Hollande abandonne et désavoue une partie de la presse

Le 1er décembre, François Hollande mettait fin au suspense depuis l’Elysée. Le président de la République annonçait qu’il renonçait à se présenter à sa propre succession. C’est Manuel Valls qui aura la charge de défendre son bilan lors de la primaire de la gauche. Pourtant, à y regarder de plus près, plusieurs médias et observateurs misaient sur une candidature du locataire de l’Elysée ou du moins, n’avaient pas anticipé son renoncement. Déjà, il y a deux ans, le proche de Jean-Pierre Chevènement Elie Arié publiait un article sur le site de Marianne intitulé : «Pourquoi Hollande peut très bien être réélu en 2017». Quand à Eric Brunet, journaliste officiant sur BFMTV et RMC, il n’hésitait pas à affirmer le 12 décembre 2015 : «François Hollande est bien parti pour gagner 2017.»

Le 12 septembre dernier, c’est Challenges qui s’interrogeait : «Présidentielle 2017 : Hollande peut-il vraiment gagner ?» Le jour-même de l’annonce de François Hollande, Le Huffington Post publiait un article au titre éloquent : «Présidentielle 2017 : 5 bonnes raisons pour que François Hollande se présente quand même à la primaire».

Il y en a un qui devait être bien déçu du renoncement du président : Bernard Henri-Lévy. Interrogé le 11 novembre sur France Info, BHL avait martelé que Hollande avait été «un bon président» et ce, bien qu’une large majorité de Français jugent sévèrement le bilan de son quinquennat. Il aurait même voté pour lui tant le chef de l’Etat a été «tout à fait formidable sur le plan international». Malheureusement, il n’en aura pas l’occasion.

Alep, tombeau du mainstream ?

La libération de la seconde ville de Syrie par l’armée de Bachar el-Assad et ses alliés a été l’un des événements les plus marquants de cette fin d’année. Avant que Damas annonce le 22 décembre avoir repris le contrôle de la totalité de la ville, de nombreux médias occidentaux ont accusé l’armée arabe syrienne d’avoir commis des exactions sur les civils d’Alep-Est. La ville aurait été «en flammes», noyée sous les bombardements des avions syriens et russes et la majorité de la presse occidentale plaignait le sort des «rebelles modérés» en passe de perdre la bataille.

La machine médiatique en marche a cependant été freinée à plusieurs reprises par des voix discordantes de plus en plus nombreuses. Notamment celle de l’humanitaire français Pierre Le Corf, qui a pris l’habitude de raconter ce qu’il voyait à Alep sur les réseaux sociaux. «Beaucoup de médias ont diffusé des scènes de massacres, […] des gens brûlés vivants», a-t-il déclaré à Sputnik le 14 décembre, ajoutant qu'«en étant ici je n'ai jamais entendu parler de ça. J'ai entendu parler de ça dans les médias. […] Ça me semble difficile à vérifier.» Visiblement agacé par les publications de l’humanitaire montrant des gens heureux de la libération de la ville, plusieurs médias ont attaqué sa crédibilité, l’accusant d’être à la solde du «régime syrien».

Pierre Le Corf est loin d’être un cas isolé. La journaliste indépendante canadienne Eva Bartlett a beaucoup fait réagir après son intervention lors d’une conférence de presse organisée par la mission syrienne auprès de l’ONU. Répondant à la question d’un journaliste norvégien, elle avait fait voler en éclat la rhétorique des médias mainstream sur la Syrie.

Auteur: RT France

Elle avait notamment évoqué le manque de crédibilité des sources des journalistes occidentaux comme l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) ou les fameux Casques blancs et avait nié les accusations d’une partie de la presse qui voulait que l’armée de Bachar el-Assad ait commis des crimes sur des civils.

Devenue virale, la vidéo de son intervention a fait réagir une partie de la presse mainstream française. Les Inrocks l’ont qualifié de «complotiste», récoltant une volée de commentaires négatifs ; preuve de la défiance qui règne envers les médias classiques chez une partie de la population.

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Vanessa Beeley, journaliste indépendante britannique, a également fait parler d’elle en démontant le mythe des Casques blancs. Présentés par une partie de la presse comme une ONG humanitaire, ils ont même étaient pressentis pour obtenir le prix Nobel de la paix. Pourtant, selon la journaliste, «il y a d’innombrables preuves vidéo et photo provenant de l’intérieur de la Syrie, que les Casques blancs dirigent un groupe de soutien terroriste».

Dans le paysage audiovisuel français aussi, certaines voix bravent la doxa sur la Syrie. Le 21 décembre, Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) était l’invité d’Yves Calvi sur LCI. Dénonçant «une falsification de l'information qui est énorme» concernant Alep, il a tenu à livrer quelques éclaircissements : «Il y a un tiers des quartiers d'Alep, seulement un tiers, qui sont victimes des bombardements, et – j'insiste – c'est un tiers de la ville où des djihadistes dangereux sont présents et ce sont ces djihadistes qui depuis des années tirent sur les quartiers chrétiens et sur le reste de la ville ce dont on ne parle jamais.»

«On se fait rouler dans la farine avec Alep ?», s’était même interrogé Yves Calvi, visiblement décontenancé.

Avant lui et sur la même chaîne, Frédéric Pons, spécialiste des questions de défense, ancien casque bleu désormais journaliste, considérait qu’il y a «un peu de vrai et beaucoup d'intoxication et de désinformation» dans le traitement médiatique mainstream de la situation à Alep. Il avait affirmé qu’un certain nombre d’images présentées comme venant d’Alep avaient été «manipulées».

p>C’est sur le plateau de France Info que le célèbre journaliste André Bercoff s’est ému de la «désinformation hallucinante» à propos d’Alep. Il est notamment revenu sur le manque de crédibilité de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, source d’un nombre important de médias occidentaux qui se résume à une seule personne vivant dans la région de Birmingham au Royaume-Uni.

Même le directeur-adjoint de l'information de France 2, Etienne Leenhardt, y est allé de son commentaire à contre-courant. Sur le plateau du 20 heures présenté par David Pujadas, il a précisé qu’un grand nombre de «rebelles» avaient été supplantés par «des combattants islamistes de plus en plus radicaux».

Le dernier coup dur à la version dominante sur Alep est venu d’une actrice et réalisatrice bolivienne de retour d’un séjour de huit mois en Syrie pour tourner un documentaire. Carla Ortiz a notamment écrit sur sa page Facebook : «Beaucoup de gens m’ont demandé de fournir des preuves montrant qu’on ne tirait pas sur les gens dans la rue, ni sur les enfants, lors de l'évacuation, comme certains médias l’ont rapporté. Alors, voici ce que j’ai vu de mes propres yeux : les civils ont été évacués à pied de la partie Est de la ville et ensuite transportés vers des refuges dans des bus. Excusez-moi, mais il n’y a absolument pas eu de fusillades de masse pendant l’évacuation.»

Sur CNN le 21 décembre, elle est également revenue sur les tweets de Bana, la petite fille syrienne qui racontait son quotidien d’enfant à Alep-Est et dont les publications ont été largement reprises par une partie de la presse occidentale. «Je peux aussi vous assurer, quand je lisais les notes de préparation de tournage, à propos de ces jeunes filles qui tweetent, c'est juste impossible. J'ai été sur place... franchement... il n'y a pas d'internet, spécialement dans cette partie d'Alep, il n'y a pas d'électricité depuis plus de 85 jours, et très peu de gens ont la 3G !», a-t-elle déclaré. Avant d’ajouter à propos de Bana : «Je suis vraiment désolée d'avoir à vous dire cela, mais j'étais moi-même à Alep, et je ne pense pas qu'elle était à Alep, et je comprends toutes ces choses. Je veux voir une vraie vidéo. Montrez-moi une vraie vidéo du moment où elle est exfiltrée d'Alep-Est, et je le croirai.»

Selon une étude publiée le 14 décembre par Anne Muxel, directrice de recherches au Cevipof (CNRS/Sciences Po), près de neuf jeunes âgés de 18 à 35 ans sur dix n’ont pas confiance dans les médias. D'après une enquête de TNS Sofres publiée en février dernier, 64% des Français jugeaient que les journalistes n’étaient pas indépendants des partis politiques et du pouvoir.

© Capture d'écran du site : www.la-croix.com

Les Français jugent durement leurs journalistes

Aux Etats-Unis, une étude réalisée par l’institut Gallup en septembre dernier montrait que seuls 32% des Américains avaient confiance dans leurs médias. Un record.


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