Y a-t-il une prééminence culturelle du catholicisme en France ?

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Le moule historique est clair


Le 7 février dernier, Éric Zemmour était interviewé sur France Inter et a eu l’occasion de rappeler la « prééminence culturelle du catholicisme ». Il précisait qu’il s’agissait, selon lui, d’une prééminence culturelle et non cultuelle. Cela fait des années qu’il martèle que le catholicisme est un élément fondateur de la culture française. La semaine dernière encore, sur LCI, il déclarait qu’en « devenant Français, on s’imprègne de la culture catholique qui a fait la France ».


C’est-à-dire ?


Rappelons que l’acte fondateur de la France est le baptême de Clovis, alliance du trône et de l’autel, rencontre entre les Francs et l’ qui avait survécu à la chute de l’Empire romain. Pendant les 1.300 ans de royauté qui vont suivre, le christianisme sera un élément constitutif de la dans son ensemble : la chevalerie, la santé (les hôtels-Dieu), l’enseignement (la Sorbonne fondée par un ecclésiastique), la littérature (de la quête du Graal chez Chrétien de Troyes aux héros vertueux de Corneille) ou encore l’architecture (de la plus petite chapelle à la cathédrale Notre-Dame de Paris). Mais, surtout, le pouvoir politique sera intimement lié au catholicisme : le roi est sacré à la cathédrale de Reims et si tous les rois ne seront pas nécessairement de fervents chrétiens comme Saint Louis, ils tireront de ce sacre par l’évêque leur légitimité à tel point que Henri IV sera sommé par le Parlement de Paris de se convertir au catholicisme pour monter sur le trône. Pendant cette période, Église et royauté, spirituel et temporel, seront distincts tout en étant étroitement liés en application de l’Évangile : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »


La Révolution française mettra fin à la royauté et au lien entre l’Église et le pouvoir politique, mais pas à la place du catholicisme dans la société. La fête de l’Être suprême sera sans impact auprès de la population, le calendrier républicain ne durera pas plus d’une dizaine d’années et se verra vite remplacé par le calendrier grégorien, et surtout, en arrivant au pouvoir, Bonaparte (personnage historique référent pour Éric Zemmour) comprendra bien vite que la religion est essentielle pour la société et s’empressera de redonner une place à l’Église catholique. La stratégie était sans nul doute d’exercer un contrôle sur le clergé. Certes, mais cette attitude témoigne que l’Église en France était encore une réalité qu’on ne pouvait ignorer. Et si le catholicisme n’aura plus le statut de religion d’État mais de « religion de la grande majorité des Français », il continuera à déclencher des passions.


La IIIe République combattra la place de l’Église dans la société avec les armes de la laïcité. Toutefois, cette laïcité agressive n’a pas empêché l’Église de conserver une prééminence non pas légale mais culturelle dans l’Histoire de France. Ainsi, le 9 mai 1945, le cardinal Suhard, archevêque de Paris, accueillit à Notre-Dame le général de Gaulle et les membres du gouvernement, accompagnés des ambassadeurs américain, britannique et soviétique, pour entendre un Te Deum d'action de grâce à l'occasion de la victoire.


Tout ceci s’explique par une Histoire vieille de plusieurs siècles qui ne peut être effacée, comme en témoignent notre littérature, nos cartes postales (même François Mitterrand, dans sa photo de campagne présidentielle de 1981, mettra en arrière-plan un village dont le clocher sera bien visible !) ou encore l’émotion des Français lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris. Effectivement, sans le catholicisme, la France n’existe pas.