Welcome to Quebec !

Chronique de Djemila Benhabib


« Êtes-vous d’origine mexicaine? », demandai-je au jeune cuisinier qui apprêtait devant nous des pizzas au feu de bois dans un restaurant italien de la rue Saint-Louis à Québec. « Pas tout à fait. Je viens de Colombie. Vous connaissez? », me répondit-il de son accent chantant. « J’y ai effectué deux séjours, renchérit mon compagnon, en plus d’avoir visité plusieurs pays d’Amérique latine.»
Il a suffi de peu pour que nous arpentions ensemble de célèbres rues de Bogota et que nous nous laissions aller à débroussailler quelques événements marquants du fascinant pays de Gabriel García Márquez rongé pendant fort longtemps par l’insécurité.
Puis, nous sommes revenus tranquillement sur des considérations un peu plus terre à terre.
Je compte m’inscrire à l’université pour préparer un diplôme en informatique, me confie le jeune homme installé au pays depuis cinq ans avec sept membres de sa famille et qui retourne, à chaque année, dans sa Colombie natale. « Nous sommes très nombreux, plus d’une trentaine avec les cousins et cousines, insiste le jeune-homme. On est très famille, vous savez! »
Difficile le français
C’est grâce au programme de réinstallation qui consiste à faire venir un réfugié au Canada pour qu’il puisse y vivre comme résident permanent que le Québec a reçu, depuis 2001, un grand nombre de ressortissants colombiens. Entre 2000 et 2009, on comptait 18 435 immigrants venus de ce pays, toutes catégories d’immigration confondues. En quatre ans, le nombre d’élèves originaires de Colombie a connu une hausse fulgurante de 127%. Ils sont aujourd’hui 2 298 à fréquenter les écoles primaires et secondaires.
« Maintenant que je maîtrise le français, je peux aller à l’université, m’explique le cuisinier dans une langue parfaite. Mais vous savez, je pensais ne jamais y arriver. C’est vraiment difficile le français.»
Oui, le français est une langue complexe. L’apprendre à l’âge adulte n’est certainement pas une mince affaire. Pourtant, s’approprier cet élément fondateur du peuple québécois marque une volonté de partager son destin collectif de plus en plus précaire en Amérique du nord.
Cependant il importe de rappeler ici que son apprentissage ainsi que sa maîtrise ne peuvent se concrétiser que s’il existe des politiques gouvernementales qui facilitent ce processus et un environnement de travail qui l’encourage.
Que pensez-vous que le gouvernement fait?
Il dépense des millions de dollars pour angliciser les nouveaux arrivants. Cela aurait été sans grande conséquence peut-être si leur francisation allait bon train. Mais c’est là où réside principalement la grosse faille.
Dans un contexte marqué par le recul du français à Montréal, pas seulement dans la vie de tous les jours, mais surtout dans les lieux où s’exerce le pouvoir; c’est-à-dire là où se concentrent les leviers économiques et financiers, on est forcé de se demander à quel jeu joue le gouvernement?
Si vous pensiez avoir tout vu avec l’épisode des dirigeants de sociétés d’État unilingues anglais en matière de laxisme linguistique, détrompez-vous ! Ce gouvernement est en mode « bradage ». Il ne carbure qu’au verbe brader. Brader la langue, brader l’identité, brader la culture, brader les ressources naturelles, brader l’environnement, brader l’éducation et brader l’intégration des immigrants.
Alors qu’en Europe la tendance observée depuis une dizaine d’années vise à encourager l’apprentissage de la langue du pays d’accueil et l’adoption par les nouveaux arrivants de valeurs communes, le Québec, lui, s’applique à détricoter son héritage culturel. Quel désastre!
Il y a urgence à restaurer une société fondée sur le NOUS collectif. Il est souhaitable, voire nécessaire et incontournable de dégager le plus large consensus allant dans ce sens. Alors, participons nombreux au grand rassemblement pour la défense du bien commun qui se tiendra, à Montréal, le 22 avril prochain à 14h00 à la place des festivals dans le Quartier des spectacles.


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