À quelques jours du scrutin du 26 mars, le DGE avait suscité un tollé en annonçant qu’il entendait permettre aux femmes vêtues de la burqa ou du niqab de voter sans soulever leur voile. Avant de revenir sur sa décision, Marcel Blanchet avait reçu près de 800 courriels de protestation, dont certains comportant des menaces de violence. Il avait dû recourir à des gardes du corps.
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Martin Pelchat - Le directeur général des élections du Québec (DGE) fait de nouveau volte-face. Il utilisera finalement ses pouvoirs spéciaux pour interdire le vote à visage voilé lors de l’élection partielle dans Charlevoix, le 24 septembre.
Pressé par les trois principaux partis d’imposer le vote à visage découvert à cette occasion, comme il s’était résigné à le faire lors de l’élection générale, et constatant que sa position énoncée jeudi faisait beaucoup de mécontents, Marcel Blanchet a confirmé hier qu’il avait changé d’idée. « Cette fois-ci, on réagit avant que le feu prenne, lance le porte-parole du DGE, Denis Dion. Probablement que c’est plus préventif que curatif dans ce cas-ci, mais ça correspond sans doute à un consensus. »
À quelques jours du scrutin du 26 mars, le DGE avait suscité un tollé en annonçant qu’il entendait permettre aux femmes vêtues de la burqa ou du niqab de voter sans soulever leur voile. La loi québécoise, avait-il plaidé, leur conférait ce droit. Mais la grogne — et la désapprobation des chefs des trois partis — l’ont forcé à reculer et à recourir à ses pouvoirs exceptionnels pour imposer le vote à visage découvert. Avant ce dénouement, il avait reçu près de 800 courriels de protestation, dont certains comportant des menaces de violence. M. Blanchet avait dû recourir à des gardes du corps.
Rien de cette ampleur cette semaine, mais les choses commençaient à se gâter. « On a commencé à recevoir des protestations, d’expliquer M. Dion. La majorité n’étaient pas dirigées vers le bon interlocuteur : les gens écrivaient chez nous pour se plaindre du DGE du Canada (NDLR : qui a annoncé jeudi qu’il accepterait le voile lors des partielles fédérales au Québec). Mais il y avait quand même une grogne, un mouvement qui commençait à se former, et qui pouvait laisser présager qu’on se retrouverait avec de l’agitation et des trouble-fête, comme on aurait pu en avoir au mois de mars. »
L’intervention unanime des partis a aussi été déterminante. Le Soleil rapportait hier que l’ADQ désapprouvait la décision du DGE de ne pas intervenir pour la partielle. Hier, le ministre Benoît Pelletier et le critique péquiste Daniel Turp ont demandé à M. Blanchet de corriger le tir, même si le voile est peu porté dans Charlevoix… « Ce n’est pas une mesure anti-islamiste, insiste M. Pelletier. Ce n’est pas une question de religion. La même règle s’appliquerait à toute personne qui, pour un motif quelconque, aurait le visage couvert, par un voile ou autre. C’est plutôt une question d’identification. On doit être en mesure de voir le visage de l’électeur pour en faire une bonne identification. C’est le principe que nous appliquons encore au Québec. » (Un peu plus tôt, le premier ministre Jean Charest avait qualifié de « mauvaise » la décision d’Élections Canada de tolérer le voile.)
Daniel Turp, lui, n’était pas tendre envers le DGE du Québec. « Il y a un vaste consensus au Québec comme on le constate et il y a juste le DGE qui ne semble pas avoir compris ça et qui a encore changé d’idée. Je pense que le message est clair de la part de tout le monde : le vote, au Québec, c’est à visage découvert dans toutes les circonstances, toutes les élections. »
Le PLQ, l’ADQ et le PQ s’entendent sur la nécessité de revoir la loi cet automne, pour s’assurer, comme le souhaite d’ailleurs Marcel Blanchet, qu’il ne soit plus possible désormais de voter le visage voilé. « Il va falloir que ça soit clair, lance Daniel Turp. On ne peut pas laisser un DGE tergiverser, puis dire quelque chose et changer d’idée. Ça fait deux fois qu’il fait ça. La loi doit être amendée. »
« S’il s’avérait qu’il faille adopter des modifications législatives, nous le ferons, dit le ministre Pelletier. Ce que je constate, c’est que jusqu’à présent, il y a un consensus politique. »
Le PQ lance le débat en ligne
Autre signe que les trois principaux partis sont déterminés à occuper le terrain fertile des accommodements raisonnables, le Parti québécois mettra bientôt en ligne son propre forum d’échanges sur la question, à l’intention de ses militants et de la population. Cet espace virtuel consacré à un thème choisi, une première au PQ, apparaîtra d’ici quelques semaines dans le site Internet du parti, confirme l’attaché de presse du PQ, Manuel Dionne. « C’est un sujet d’actualité et Mme Marois a fait de l’enjeu identitaire une priorité », explique-t-il. Si l’expérience est concluante, d’autres thèmes pourraient cependant être abordés. Des textes déjà parus sur les accommodements raisonnables, des lettres ouvertes, seront donc mis en ligne et les visiteurs seront appelés à les commenter. Le site puisera parmi des auteurs péquistes comme l’ex-ministre Joseph Facal — un proche de Pauline Marois — mais aussi parmi d’autres horizons. Et les risques de dérapages, autour d’un sujet aussi brûlant qui fait déjà l’objet d’une commission (Taylor-Bouchard) ? « On n’est jamais à l’abri de ça, mais on fait confiance aux gens », répond Manuel Dionne.
Une question de simple logique, selon Dumont
BEAUPRÉ — Finalement, le directeur général des élections (DGE) a entendu le message de Mario Dumont. Pour ce dernier, la loi électorale est pourtant claire en ce qui concerne le port du voile au moment de voter : on doit découvrir son visage, question de simple logique, explique le chef de l’ADQ. « Il me semble que lorsqu’on met dans la loi qu’il faut avoir obligatoirement une carte d’identité avec photo, le corollaire logique, c’est qu’on puisse la comparer avec le visage devant nous », a-t-il dit, quelques heures avant que le DGE ne revienne sur sa décision d’autoriser le port du voile à l’élection partielle du 24 septembre dans Charlevoix. Que le DGE requière une modification législative pour clarifier l’interdiction, Mario Dumont n’y voit pas d’inconvénients même si dans son esprit, l’actuelle loi lui convient. « Je ne pense pas que le 26 mars, l’élection générale a été un fiasco ou un déni de la démocratie », a-t-il rappelé. « Je ne pense pas non plus que ce soit un élément central de cette élection (Charlevoix) », a par ailleurs spécifié M. Dumont.
Sylvain Desmeules (collaboration spéciale)
Vote des femmes voilées: volte-face du DGE
Le PLQ, l’ADQ et le PQ s’entendent sur la nécessité de revoir la loi cet automne
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