Volée de bois vert aux Transports

JJC - chronique d'une chute annoncée

Le ministère de Julie Boulet est sens dessus dessous depuis deux semaines: le contentieux est conscrit pour préparer les explications de la ministre aux observations du vérificateur sur le «respect des obligations contractuelles» de Transports Québec. Photo: Robert Skinner, Archives La Presse

Denis Lessard - (Québec) Le vérificateur général du Québec, dans le rapport qu'il doit remettre aujourd'hui à l'Assemblée nationale, n'est pas tendre avec le ministère des Transports quant à ses méthodes d'adjudication des contrats et aux obligations qui y sont liées.
Le ministère de Julie Boulet est sens dessus dessous depuis deux semaines: le contentieux est conscrit pour préparer les explications de la ministre aux observations du vérificateur sur le «respect des obligations contractuelles» de Transports Québec.
«Tout est perfectible, je n'ai jamais dit que tout était parfait au Ministère», s'est défendue hier Mme Boulet, relancée par La Presse. «Des choses ont été faites, d'autres sont en préparation. S'il faut faire plus, on le fera. Je veux mettre des choses en place rapidement, je ne veux pas que cela s'étire», a-t-elle promis.
Elle espère avoir tout mis en place en moins de six mois. «Si on peut y arriver avant la prochaine programmation (des travaux à faire à l'été 2010, NDLR), cela sera fait.»
Les groupes qui ont eu affaire à la haute direction du ministère des Transports au cours des derniers jours on vu une équipe assiégée, bien inquiète des observations du cerbère des finances publiques. Transports Québec s'est retrouvé souvent sur la sellette cet automne pour des contrats de voirie accordés sans appels d'offre.
La Presse a révélé la semaine dernière que le vérificateur, Renaud Lachance, serait aussi fort critique à l'égard de la décision de Québec d'opter rapidement pour le partenariat avec le secteur privé dans la réalisation du CHUM et du CSUM à Montréal.
Cette pratique généralisée aux Transports de procéder par Contrats «de gré à gré», sans appel de soumissions public, a d'ailleurs surgi de nouveau hier à l'Assemblée nationale. Le député d'Argenteuil, David Whissell, forcé de quitter le Conseil des ministres au début de l'automne, a voulu faire taire les critiques de la chef péquiste, Pauline Marois.
La société ABC Rive-Nord, dont il possède 20% des actions, a acheté pour 1,5 million de dollars une entreprise d'asphaltage qui appartenait à un sympathisant des Hells Angels, Claude Lapointe. M. Whissell avait déjà indiqué qu'il n'avait pas participé aux négociations visant cette acquisition, sa part d'ABC Rive-Nord étant gérée par une fiducie sans droit de regard.
Dans un nouvel avis, le jurisconsulte de l'Assemblée nationale, Claude Bisson, souligne que l'acquisition de Labelle Asphalte par ABC Rive-Nord «ne change rien» si le député Whissell confie sa participation à une fiducie sans droit de regard.
Il insiste toutefois sur le fait que «les contrats accordés à ABC Rive-Nord par le gouvernement doivent l'être par soumissions publiques suite à des appels d'offres, ce qui assure la transparence et l'intégrité du processus». Ces contrats de gré à gré «doivent être évités de façon à éliminer toute apparence et allégation d'influence indue» observe le magistrat à la retraite.
M. Whissell avait dû quitter son poste après que Jean Charest l'eut invité à choisir entre le Conseil des ministres et sa compagnie. La firme avait obtenu de gré à gré, sans appel d'offres, deux contrats de Transports Québec qui totalisaient 800 000$. À la suite de l'entrée de David Whissell au Conseil des ministres, la valeur des contrats obtenus par ABC Rive-Nord avait doublé.
Pauline Marois affirme que, M. Whissell n'est pas le seul élu libéral à se retrouver dans l'embarras. Jean D'Amour, élu au printemps dans Rivière-du-Loup, vient tout juste d'informer la police qu'il avait reçu d'un entrepreneur une enveloppe contenant 500$ destinée à son successeur à la mairie de Rivière-du-Loup, Michel Morin. M. D'Amour avait tenté de remettre ces fonds au maire Morin, qui les avait refusés. L'argent a été renvoyé à l'expéditeur, mais ce n'est que deux ans après les faits, une fois qu'ils ont été révélés par Le Soleil, que le député D'Amour, ancien président du PLQ, a subitement jugé opportun d'en parler à la police. Il a annoncé la semaine dernière qu'il se retirait du caucus du PLQ le temps de l'enquête. Il est déjà l'objet d'une investigation du Commissaire au lobbyisme, a rappelé hier Mme Marois.
«Combien faudra-t-il de ministres et de députés libéraux sous enquête pour que le premier ministre prenne les moyens pour faire la lumière sur toutes ces questions avec une enquête publique indépendante?» a lancé Mme Marois.
«Pour les affaires d'ABC Rive-Nord, le député d'Argenteuil n'a rien à dire, n'a rien à voir, il a lui-même choisi de s'adresser au jurisconsulte, qui confirme qu'il n'est pas en conflit d'intérêts», a soutenu le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis.
Quant à une enquête publique sur la corruption dans le monde municipal ou les problèmes de l'industrie de la construction, le gouvernement n'y ferme pas la porte, mais il préfère s'en remettre pour l'instant aux enquêtes policières, a répété le ministre Dupuis.


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