Victoire de l’oligarchie

L’hubris est la marque de fabrique du monde de la finance

Pierre Hillard
Samedi 13 octobre
Le lancement, le 8 octobre à Luxembourg, du Mécanisme européen de stabilité (le MES) remplaçant le FESF est véritablement une victoire pour les tenants du nouvel ordre mondial.
L’instrument de torture de l’oligarchie est fin prêt pour essorer les peuples et assujettir les Etats. Porté sur les autels par les 17 ministres des finances de la zone euro et du président de la Banque centrale européenne et ancien de Goldmann Sachs, Mario Draghi, cet outil est appelé à recapitaliser les banques de la zone euro.
Officiellement et, naturellement, pour le bien des Européens, il s’agit d’un fonds de secours chargé de lutter contre la dette qui étouffe les Etats. En fait, en étudiant quelques articles clefs établissant le MES, on se rend compte que l’oligarchie a remporté une victoire décisive.
Qu’on en juge plutôt.
L’article 1 stipule que

« Par ce traité, les parties contractantes instituent entre elles une institution financière internationale appelée Mécanisme européen de stabilité ».

On remarque tout de suite que le peuple dit souverain n’a pas été invité à l’aimable sauterie qui engage une mise de départ à hauteur de 700 milliards d’euros (article 8).
Toujours dans le même article, les dirigeants du MES peuvent littéralement claquer dans les doigts car les membres de la zone euro doivent contribuer « irrévocablement et inconditionnellement » à leurs engagements financiers.
Comme l’hubris est la marque de fabrique du monde de la finance, le Conseil des gouverneurs à la tête du MES peut modifier le montant de ce capital en liaison avec les États membres du MES (article 10). Nous nous doutons qu’il ira à la hausse.
L’article 32 est particulièrement savoureux si on peut dire. Intitulé « Statut légal, privilèges et immunités », cet article présente une batterie de mesures rendant les dirigeants du MES intouchables. Disposant de la pleine personnalité juridique pour acquérir des biens mobiliers et immobiliers, assurés que « ses statuts, privilèges et immunités sont reconnus et mis en vigueur », ces potentats se protègent dans leur bunker en affirmant que :
Le MES, ses biens, fonds et avoirs, où qu’ils se trouvent et quel qu’en soit le détenteur, jouissent de l’immunité et de toute forme de procédure judiciaire, sauf dans la mesure où le MES renonce expressément à son immunité dans le cas de toute procédure ou par les conditions de tout contrat, y compris la documentation sur les instruments financiers.
Les propriétés, les fonds et les actifs du MES, où qu’ils se trouvent et quel qu’en soit le détenteur, sont exempts de perquisition, réquisition, confiscation, expropriation ou de toute autre forme de saisie ou de prise par l’exécutif ou par des actions judiciaires, administratives ou législatives. Les archives du MES et tout document appartenant au MES ou détenu par lui sont inviolables. Les locaux du MES sont inviolables (…).

Il est même ajouté que pour exécuter ses activités, « les propriétés, fonds et actifs du MES doivent être libres de toutes restrictions, régulations, contrôles et moratoires en tout genre ». Al Capone à côté, c’est de la petite bière.
Et si vous n’avez pas encore compris qui sont les maîtres, l’article 35 se charge de vous rappeler que les hommes ne sont pas égaux entre eux :
« Dans l’intérêt du MES, le Président du Conseil des gouverneurs, les gouverneurs, les gouverneurs suppléants, les directeurs, les directeurs suppléants, comme le Directeur Général et membres du personnel doivent être à l’abri de poursuite à l’égard des actes accomplis par eux dans leur qualité officielle et jouissent de l’inviolabilité à l’égard de leurs papiers officiels et documents. »

A la lecture de ces quelques articles, on ne peut que constater qui est le maître.
Nous sommes convaincus que les ardents défenseurs de la souveraineté nationale vont occuper tous les plateaux de télé et saisir tous les micros pour dénoncer l’instauration de cette dictature financière nous rangeant à l’état d’esclaves taillables et corvéables à merci.
C’est curieux, je n’entends rien.

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Pierre Hillard est professeur de relations internationales à l’école supérieure de commerce extérieur de Paris. Historien de formation, diplômé de science politique et d’études stratégiques, spécialiste de l’Allemagne, des affaires européennes et de la question des minorités, il centre son étude sur le partenariat transatlantique et la gouvernance mondiale.





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