Dans quelques heures, la question palestinienne va donner lieu à un nouveau rebondissement à l'ONU. Le chef de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, demandera demain au Conseil de sécurité de recommander à l'Assemblée générale d'admettre la Palestine comme membre de plein droit de l'ONU. Environ 130 pays sur les 193 États membres sont prêts à voter oui si la recommandation leur est faite immédiatement. Elle ne le sera pas, car les États-Unis s'y seraient opposés.
De plus, Abbas vient d'annoncer que le Conseil pourra étudier sa demande pendant quelque temps. L'affrontement prévu est évité, mais le problème demeure entier.
La demande d'adhésion de la Palestine à l'ONU trouve sa source dans cette longue saga que constitue le conflit israélo-palestinien. Des centaines de politiciens, juristes et commentateurs se sont prononcés et se prononcent toujours sur la signification exacte du plan de partage de la Palestine en deux États, accepté par l'Assemblée générale de l'ONU en 1947, et des Accords d'Oslo de 1993. Ces deux moments structurent ce que la communauté internationale appelle «la question de la Palestine» et colorent les opinions des uns et des autres.
Au cours des dernières années, Israéliens et Palestiniens, soutenus en cela par les grandes puissances, ont finalement accepté le principe de deux États indépendants vivant côte à côte en paix. Le principe est beau, mais sa mise en oeuvre semble impossible. Les négociations achoppent sur le tracé exact des frontières, sur la future capitale de l'État palestinien, sur le droit au retour des réfugiés palestiniens et sur bien d'autres points. Depuis un an, les deux parties ne se parlent presque plus, du moins officiellement.
Compte tenu de la situation actuelle, le président Abbas veut crever l'abcès en forçant le monde à prendre clairement position en faveur de l'État palestinien. Pour lui, cet État existe déjà puisqu'il répondrait aux quatre critères définissant celui-ci: une population permanente, un territoire défini, un gouvernement et, enfin, la capacité d'entrer en relation avec d'autres États. Il a d'ailleurs été formellement reconnu par plus d'une centaine de pays. Abbas estime de plus que l'entité palestinienne est un bon voisin d'Israël et qu'elle respecte les conditions visant à assurer la sécurité de l'État hébreu.
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, ne voit pas les choses de la même manière. Pour lui, comme pour ses partisans, l'État palestinien ne remplit pas les quatre critères. De plus, cet État ne peut naître que d'une négociation entre les parties et non d'un acte unilatéral (Israël refuse d'ailleurs de reconnaître depuis 2008 l'indépendance unilatérale du Kosovo). Enfin, le gouvernement israélien n'est pas rassuré sur le caractère pacifique de l'entité palestinienne après la signature d'un accord entre Abbas et le Hamas, dont les forces contrôlent toujours la bande de Gaza et où la souveraineté du président palestinien ne s'applique pas.
Quels que soient les arguments juridiques et sécuritaires, au fond, on voit bien que la question demeure politique. Les deux parties négocient-elles sérieusement ou tentent-elles de gagner du temps pour éviter de faire les douloureux compromis nécessaires à l'établissement de la paix? À lire les éditoriaux de la presse américaine et à écouter les commentaires de diplomates et politiciens amis d'Israël, aux États-Unis comme en Europe, les deux parties portent le chapeau même si on sent bien une certaine dénonciation de l'immobilisme israélien. Il fallait voir mardi à CNN l'ancien président Bill Clinton chercher ses mots pour ne pas trop blâmer le gouvernement israélien.
Un compromis semble se dessiner afin de relancer les négociations israélo-palestiniennes et d'éviter que le président Abbas retourne bredouille dans son pays. Le président français, Nicolas Sarkozy, propose d'admettre l'État palestinien à l'ONU comme observateur, au même titre que le Vatican, et invite à une négociation d'un an pour en arriver à un accord définitif sur le futur État. Abbas et Nétanyahou seront-ils preneurs? Demain le dira.
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Jocelyn Coulon
L'auteur est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, affilié au CERIUM.
Vers un État palestinien
Un compromis semble se dessiner afin de relancer les négociations israélo-palestiniennes et d'éviter que le président Abbas retourne bredouille dans son pays.
Vraiment, qui peut encore croire à des "négociations" possible avec les Israéliens? Naïveté ou aveuglement ou complicité?
Jocelyn Coulon59 articles
L’auteur est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix et professeur invité au GERSI et au CERIUM de l’Université de Montréal.
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