Une porte ouverte à la Catalogne?

Par ses actions musclées, Madrid pourrait rendre possible une application du principe du droit des peuples à l’autodétermination

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La crise catalane se complexifie

La situation en Catalogne, depuis le référendum du 1er octobre dernier, est volatile. Le contexte a pris un tournant mardi, alors que le roi Felipe a joué la carte de l’unité nationale en martelant de façon divise son rejet des positions indépendantistes. Cette prise de position nous offre un contraste frappant avec l’approche, inclusive, privilégiée par le roi de Belgique il y a quelques années. Afin d’éclairer cet environnement marqué de tensions fortes, plusieurs analyses ont fait référence au principe du droit des peuples à l’autodétermination. S’il était possible de dire qu’un tel recours était inapplicable au départ, se pourrait-il que l’attitude de Madrid ouvre la possibilité d’une application de ce principe ?



L’origine du principe



Il faut d’abord préciser que ce principe établissant le droit des peuples à l’autodétermination trouve son origine dans deux documents des Nations unies. Le premier est la Charte qui, dès 1945, mentionne que l’un des buts de l’ONU est de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes… » (art. 1 al. 2). Il faudra attendre la XXVe Assemblée générale pour que cet énoncé soit explicité dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies.



Ce second document date de l’époque de l’émancipation des colonies notamment africaines, et l’interprétation qu’il donne du principe est alors particulièrement utile. L’autodétermination évoquée s’applique essentiellement à une situation coloniale. Il est en effet précisé à cet égard qu’il faut « mettre fin au colonialisme en tenant dûment compte de la volonté librement exprimée des peuples intéressés » ; la création d’un État souverain — donc libéré du lien colonial — constitue pour ce peuple un moyen « d’exercer son droit à disposer de lui-même ».



Le document apporte une distinction aussi claire qu’importante : « Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d’un gouvernement représentant l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur. » Il s’agit d’une limitation fort importante. Si les colonies pouvaient mettre en oeuvre leur volonté d’autodétermination, c’est parce que « le territoire d’une colonie ou d’un autre territoire non autonome possède, en vertu de la Charte, un statut séparé et distinct de celui du territoire de l’État qui l’administre. »Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le Burundi occupant un territoire distinct de celui de la Belgique, il a pu s’émanciper.



Par ailleurs, toute séparation d’un territoire faisant partie d’un État souverain préexistant qui laisse subsister celui-ci est un acte de sécession. Cette dynamique est habituellement reçue avec beaucoup de réserve par la communauté des États puisqu’elle heurte de plein fouet un autre principe fondamental, tout aussi important que l’autodétermination : celui de l’intégrité territoriale des États. Né dans les entrailles des traités de Westphalie dès 1648, cet autre principe est aussi traduit dans la Charte de l’ONU (at 2, par. 4) et ramené, comme nous venons de le voir, dans la Déclaration de 1970. Le droit international a clairement établi qu’il n’est pas possible de déduire du droit à l’autodétermination un droit à la sécession pour un peuple faisant déjà partie d’un État souverain.



Sommes-nous en présence d’un régime politique, juridique ou culturel discriminatoire ?




Le cas catalan



À première vue, le concept d’autodétermination ne devrait donc pas s’appliquer à la Catalogne. L’entité fait partie du territoire espagnol et n’est pas une entité distincte, et l’Espagne est un État souverain à qui s’applique le concept d’intégrité territoriale. En principe, les conditions exigées par le droit international ne semblent pas être présentes.



Il faut par ailleurs se pencher sur une autre affirmation contenue dans la Déclaration onusienne : « soumettre des peuples à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangère constitue une violation de ce principe ainsi qu’un déni des droits fondamentaux de l’homme, et est contraire à la Charte ». Cet élément pourrait-il ouvrir au droit à l’autodétermination ?



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