Éditorial - Aussi paradoxal que cela puise paraître, la stagnation du marché de l'emploi en juin nous est apparue comme une bonne nouvelle. Selon Statistique Canada, qui publiait vendredi les résultats de son Enquête sur la population active, l'emploi a faiblement fléchi en juin, un recul de 4600 postes, laissant le taux de chômage à 6,1 %, son niveau le plus bas des 32 dernières années. Cette accalmie nous réjouit car, après le bond exceptionnel qu'avait connu la création d'emplois en mai, un autre mois de forte hausse aurait induit une dangereuse surchauffe de l'économie canadienne. Déjà que les plus récentes données sur l'inflation avaient surpris par leur robustesse, une nouvelle poussée du côté du marché du travail aurait certainement forcé la Banque du Canada à hausser ses taux directeurs aujourd'hui. On se rappellera qu'à l'issue de leur dernière rencontre, les autorités monétaires avaient laissé entrevoir une pause pour juillet. Vue du Québec, cette pause est nécessaire.
Ce n'est un secret pour personne, l'économie québécoise souffre de la vigueur retrouvée du huard. Le secteur manufacturier, fortement axé sur l'exportation, a perdu un avantage comparatif sérieux sur le marché américain. À la brusque hausse de notre devise s'ajoute la concurrence des pays asiatiques. Depuis 2002, les pertes d'emplois sont légion, les fermetures d'usines nombreuses et la croissance économique s'en ressent. Ainsi, au premier trimestre 2006, le PIB du Québec n'a connu qu'une maigre croissance de 0,9 % sur une base annuelle. Ce résultat tranche avec la progression de 3,8 % enregistrée par l'ensemble de l'économie canadienne au cours de la même période. La performance anémique du PIB québécois est tributaire d'une très forte détérioration de notre solde commercial. Le déficit du commerce extérieur frôle maintenant les dix milliards de dollars. Deux phénomènes expliquent ce solde négatif . D'une part, on observe une pénétration grandissante des importations chinoises, produits d'autant plus abordables à mesure que notre dollar se raffermit. D'autre part, nos exportations diminuent légèrement, affectées en cela par la robustesse du huard. Selon l'analyse des économistes de Desjardins, ce déficit a eu pour effet de retrancher 4 % à la progression du PIB sur une base annuelle au début de 2006. Cela veut dire que, n'eut été de ce déficit, la croissance québécoise, basée uniquement sur la demande intérieure finale, aurait été de près de 4,9 %. C'est toute une différence!
Il faut réaliser par ailleurs que le Québec ne pourra pas espérer compter dans les mois à venir sur son commerce extérieur pour donner un nouvel élan à son économie. En effet, de nombreux signes laissent entrevoir un ralentissement de l'économie américaine, certains affirment même que ce ralentissement est déjà amorcé. Cette baisse de régime devrait se poursuivre tout au long de l'an prochain. Dans un tel contexte, une nouvelle hausse des taux directeurs de la Banque du Canada et l'effet stimulant qu'elle aurait eu sur notre dollar exacerberait les difficultés de l'économie québécoise. La faiblesse de la création d'emploi en juin permettra donc aux autorités monétaires d'observer une pause. Nos manufacturiers pourront ainsi reprendre leur souffle et espérer que la conjoncture leur donnera un peu plus de temps pour s'ajuster.
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