Une nouvelle crise se dessine, prévient Mervyn King

La politique monétaire extrême des dernières années ne sert qu’à gagner du temps, dit l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre

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Cette crise couve depuis maintenant huit ans et les banques centrales font tout pour la reporter dans le temps. Elle n'en sera que pire lorsqu'elle éclatera

L’homme a été aux premières loges de la crise financière. Gouverneur de la Banque d’Angleterre de 2003 à 2013, Mervyn King parle peu et évite de faire de l’ombre à son successeur, le Canadien Mark Carney. Pourtant, c’est un cri d’alarme sur l’état de l’économie mondiale que lance l’ex-banquier central dans un livre publié Au Royaume-Uni (The End of Alchemy, édition Little, Brown, 2016).

L’ouvrage, paru début mars, est une tentative de remettre à plat les problèmes économiques mondiaux. Il en ressort un constat très pessimiste. « Nous ne savons pas d’où elle viendra, mais une nouvelle crise financière est probable », explique M. King dans un entretien au Monde.

L’économiste de formation souligne en particulier l’impuissance croissante des banques centrales. En mars 2009, M. King a pourtant été parmi les premiers à lancer un programme de «quantitative easing» (QE), une technique qui consiste pour une banque centrale à créer de la monnaie en rachetant des titres de dette publique. Entre fin mars 2015 et mi-mars 2016, la Banque centrale européenne (BCE) a ainsi injecté 633 milliards d’euros dans l’économie européenne.

Sept ans plus tard, cette politique s’est répandue dans le monde entier, de la BCE à celle du Japon. « Nous avons apporté le plus important stimulus monétaire que le monde a jamais connu. Et pourtant, la reprise économique mondiale est très faible, s’inquiète le diplômé de Cambridge. Cela veut peut-être dire que la réponse au problème n’est pas de rajouter encore plus de relance monétaire. »

Les banques centrales sont-elles à court de munitions? « Elles sont plutôt comme un cycliste, qui doit pédaler de plus en plus vite juste pour maintenir la même vitesse, face à une côte toujours plus raide. » Venant de l’un des architectes du QE, l’aveu est de taille… M. King voit également d’un oeil très sceptique les taux d’intérêt négatifs utilisés par la BCE ou la Banque du Japon. « Si quelqu’un arrivait de la planète Mars et voyait que le taux d’intérêt des obligations japonaises à dix ans est négatif, il dirait que c’est complètement fou », résume-t-il.

Selon lui, la politique monétaire extrême de ces dernières années ne sert qu’à gagner du temps. « C’est comme un analgésique qu’on administre à un patient qui hurle de douleur. Cela marche. Mais un bon docteur ne va pas ensuite partir en se disant : c’est bon, le patient ne crie plus. Il va s’intéresser aux causes sous-jacentes », veut croire M. King.

Profonds déséquilibres

À l’écouter, ces causes sont à chercher dans les profonds déséquilibres entre les pays qui engrangent des surplus gigantesques de leur balance des paiements (Allemagne, Chine…) et ceux qui enregistrent d’énormes déficits (États-Unis, Royaume-Uni, pays périphériques de la zone euro…). Le problème est connu depuis longtemps, et faisait l’objet de nombreuses discussions bien avant la crise financière. Mais rien n’a été fait, et les déséquilibres se sont accentués, selon M. King.

Pour l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, l’une des façons les plus simples de rééquilibrer l’économie mondiale serait de laisser les devises flotter librement. Un pays en surplus verrait alors sa monnaie se renchérir, ce qui réduirait sa compétitivité à l’exportation et inciterait ses habitants à consommer plus, limitant ainsi le surplus.

Cette logique explique que M. King réserve ses mots les plus durs à la zone euro. « L’Allemagne a un surplus de 8 % de son PIB. C’est de la folie », tance l’ex-professeur à la London School of Economics. Prudent politiquement, il n’appelle pas ouvertement à la fin de la monnaie unique. Mais il laisse clairement entendre qu’il pense que c’est nécessaire.

M. King prend l’exemple de la Finlande, un pays autrefois « vertueux », mais qui a souffert d’un double choc économique : la crise russe, qui réduit ses exportations, et la chute de Nokia, un poids lourd de l’industrie du pays. « Normalement, son taux de change aurait dû baisser. Mais ce n’est pas possible avec l’euro. La Finlande a donc perdu cet absorbeur de choc, note le baron de Lothbury. Dans ces conditions, il n’y a malheureusement pas de solution facile. »

Selon M. King, les tensions créées par la zone euro ne peuvent que faciliter la montée de partis populistes surfant sur la crise économique. « Quand j’étais gouverneur, j’ai prévenu le gouvernement britannique que, s’il continuait à soutenir ouvertement la monnaie unique, il ne ferait que renforcer les partis extrêmes. C’était en 2010. » La suite lui a donné raison.

L’une des solutions aux problèmes de la zone euro serait de mettre en place une sorte de gouvernement économique centralisé, qui prendrait les grandes décisions budgétaires, estime-t-il. « Mais cette option n’a pas le soutien du peuple. Comment imaginer qu’un électeur espagnol soit prêt à appuyer un groupe de bureaucrates non élus à Bruxelles pour décider des dépenses budgétaires? »
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