ÉDUCATION

Une nation riche est une nation qui apprend

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Y a-t-il une chose plus importante que de s’interroger sur ce qui fait la richesse des nations ? Pour qu’une société soit vraiment prospère, celle-ci doit favoriser l’épanouissement de chacun, partager la richesse, ne pas laisser les moins gâtés par la vie au bord de la route, protéger la nature, choyer la culture et les arts. Cette société doit aussi être capable de débattre démocratiquement.


Cette richesse, on le voit, est sociale autant qu’économique, culturelle autant que scientifique. Sa fondation repose sur un système d’éducation démocratique et de qualité.


Nous avons fait des progrès remarquables en quelques générations. Les résultats enviables que nous obtenons dans le Programme international de suivi des acquis des élèves de l’OCDE (PISA) le démontrent.


Déjà, durant les années 1990, nous avions pressenti que la société de l’avenir serait une société du savoir. À l’époque, si nous avons commis une erreur, c’est celle de sous-estimer l’ampleur et la rapidité des changements opérés. Les innovations technologiques et les communications numériques, l’instantanéité des échanges, l’intelligence artificielle, les manipulations génétiques ont pris une place incontournable dans nos vies.


À cela, il faut ajouter les défis posés par la dégradation de l’environnement et les changements climatiques. Pour faire bonne mesure, il y a quelques années encore, j’aurais été incapable d’imaginer que la démocratie puisse être mise en péril chez notre grand voisin américain, que nous traverserions une pandémie dont nous ne connaissons pas encore toutes les conséquences et que nous assisterions à une guerre terrible en sol européen.


Nous vivons un changement d’époque et la richesse des nations sera définie en fonction des choix que ces dernières feront en matière d’éducation. Pour le Québec, une nation qui ne dispose pas de sa souveraineté, les choix en cette matière seront encore plus critiques.


Le choix le plus fondamental, l’idéal que nous devons viser, est de permettre à chaque enfant de développer son plein potentiel. En somme, il faut combattre l’injustice à la naissance et favoriser l’éveil des talents. Car la richesse d’une nation ne peut être plus grande que la somme de ses talents.


Le combat contre l’injustice à la naissance sera l’indication la plus claire de notre volonté. Pour réussir, nous avons un formidable atout, mais aussi un terrible handicap. Notre principal atout est d’avoir commencé il y a maintenant 25 ans à mettre en place une politique familiale et des centres de la petite enfance.


Notre réseau pour la petite enfance fait notre fierté, mais nous avons une faiblesse terrible : les écoles privées subventionnées et les écoles publiques à vocation particulière, qui sélectionnent les élèves, exercent en effet une ségrégation en fonction du revenu et de l’appartenance sociale. Nous savons que cette ségrégation se fait au détriment des enfants qui fréquentent l’école publique ouverte à tous.


Les conséquences sociales de cette sélection sont indéniables. Peut-on trouver une issue qui nous permettrait de changer de trajectoire ?


Le mouvement École ensemble suggère de permettre aux écoles privées de former avec les écoles publiques un réseau commun financé par l’État, de conserver leur structure actuelle, mais de s’engager à accepter gratuitement les élèves de leur quartier. Tous les enfants de ce réseau commun auraient accès à des programmes particuliers. Les écoles privées non conventionnées pourraient sélectionner leurs élèves, mais ne recevraient plus aucun fonds public. Pour faciliter la transition, celle-ci s’étalerait sur six ans, au terme desquels une école privée ne pourrait accepter que des enfants de son quartier.


L’injustice de notre système d’éducation dure depuis trop longtemps et il faut avoir le courage d’y mettre fin maintenant.


Il faut combattre l’injustice, mais il faut aussi s’assurer de la qualité de ce qu’on enseigne. À cet égard, il faut mettre un terme au faux débat entre la transmission d’un contenu riche et de qualité et l’acquisition des compétences essentielles à l’apprentissage, comme si l’un pouvait aller sans l’autre.


Montaigne disait : mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut que la tête soit bien vide. Il faut ainsi dénoncer une conception utilitaire et réductrice de l’éducation qui conduirait à en exclure les arts et la culture.


Plus que jamais, il est essentiel d’apprendre le plus tôt possible dans la vie à évaluer la valeur des sources, la différence entre les ressentis, les croyances, les arguments et les faits. L’école qui veut former des citoyennes et des citoyens doit favoriser la discussion dans le respect, la liberté et l’esprit de tolérance.


C’est grâce à des enseignantes et enseignants bien formés, profondément engagés dans leur mission, qui se consacrent à la réussite des enfants et des jeunes que nous pourrons réussir.


Il faut évidemment que les enseignants aient acquis les compétences pédagogiques pour enseigner, mais il faut aussi qu’ils maîtrisent les contenus qu’ils transmettent et soient passionnés par les matières qu’ils enseignent.


Est-ce qu’il ne serait pas temps de valoriser les maîtrises qualifiantes en enseignement au secondaire ? Souvent, la rencontre d’un enseignant épris de la matière qu’il enseigne décide du choix de carrière d’un élève. La passion est souvent contagieuse.


Bien formés, soutenus par des équipes de professionnels, les enseignantes et les enseignants doivent pouvoir profiter d’une véritable formation continue et nous devons reconnaître que leur rôle est crucial pour notre avenir.


J’aimerais aussi que nous réfléchissions à l’importance des apprentissages au contact de grandes œuvres, lors de visites dans les lieux historiques ou culturels, de visites industrielles, de rencontres avec des artistes ou des chercheurs. Pour stimuler l’imagination d’un jeune, il faut souvent un contexte particulier qui attire son attention et le motive, quelques fois pour la vie. Est-ce que nous profitons assez de tous les espaces d’apprentissage qui sont à notre disposition ?


Un effort collectif


 

Pour que l’école soit au cœur de notre système scolaire, pour que chaque élève ait une chance de développer tous ses talents, il faut créer une complicité entre tous les intervenants et tous les acteurs. Les parents d’abord, mais aussi les institutions culturelles et les élus municipaux.


Nous vivons déjà dans une société où il est essentiel de continuer à apprendre constamment si nous voulons demeurer en contact avec ce qui nous entoure, si nous voulons poursuivre notre route démocratiquement.


Pour être une société apprenante et démocratique, il y a une compétence cardinale : savoir lire. Savoir lire, avoir accès librement aux livres, aux productions scientifiques et culturelles, c’est se donner le pouvoir d’apprendre durant toute sa vie, de jouer son rôle de citoyen, de défendre la démocratie et la liberté. C’est aussi le fondement de la richesse des nations.



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