Une misérable petite province en faillite

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Le bilan du régime libéral depuis 2003





Le Parti libéral vient peut-être de connaître les pires derniers mois de son histoire récente. Qu’il s’agisse de l’éthique, de la compétence, ou du patriotisme le plus élémentaire, il fait faillite dans tous les domaines. Avec RONA, il a laissé filer un de nos fleurons économiques. Avec le projet de loi 59, il a voulu attenter à nos libertés élémentaires et créer une police idéologico-politique - c'est seulement parce que l'opposition a été absolument renversante qu'il a du reculer. Il s’est aussi montré d’une négligence délirante avec le ministère des Transports. N'oublions pas non plus le mauvais sort réservé à l'enseignement de l'histoire. Et on apprenait ces jours-ci que nous avons les pires délais d’attente à l’urgence dans le monde occidental. Évidemment, la vie est globalement agréable : il est bon de vivre en Occident, aux marches de l’empire. Mais le Québec traverse une crise profonde. Sous le gouvernement Couillard, le Québec devient une misérable petite province en faillite à l’identité déchue. Il y a quelque chose d’humiliant dans tout cela pour l’ensemble des Québécois. Je soupçonne même certains libéraux d'avoir la nostalgie de Jean Charest, ce qui n'est pas peu dire.


On pourrait poursuivre la liste pendant un bon moment car sur tous les plans, le gouvernement Couillard semble se déliter, comme s’il n’avait plus d’emprise sur rien, comme s'il ne savait pas trop quoi faire avec le Québec, sinon le canadianiser à toute vitesse. Nous sommes probablement devant le plus mauvais gouvernement québécois depuis la lointaine époque du gouvernement Taschereau, antérieur à celui de Maurice Duplessis – c’est-à-dire d’avant la supposée Grande noirceur! Ce n’est pas sans raison que les Québécois semblent aujourd’hui dégoutés de la chose publique. Avec les échecs référendaires, ils se sont habitués à la défaite et désinvestissent la vie publique. Maintenant, ils vivent au jour le jour et se contentent de la médiocrité ambiante. Les institutions publiques se délitent et les élites renoncent à leurs responsabilités pour se contenter de jouir de leurs privilèges. Nous sommes de moins en moins un peuple, et nous nous contentons d’être une société nord-américaine parmi d’autres - et nous travaillons fort à effacer ce qui nous reste d'originalité.


Mais corrigeons-nous tout de suite. Il y a un plan où le PLQ ne s’effondre pas: ce sont les sondages! Alors là, tout va bien pour lui. Demain matin, s’il y avait des élections, les libéraux seraient réélus sans trop de problèmes et les profiteurs du régime pourraient continuer de s’engraisser en continuant de gérer la province comme une grosse colonie intérieure canadienne. Demain matin, ils seraient à peu près certains de former à nouveau un gouvernement majoritaire. On comprend l’air satisfait de Philippe Couillard, qui peut continuer de fanfaronner et de traiter ses adversaires avec arrogance et condescendance. Il exprime la satisfaction de ceux à qui le pouvoir revient de naissance, et qui n’imaginent pas un instant le perdre un jour. Surtout qu’il croit qu’il lui suffit de dire référendum pour écraser ses ennemis. S'il descendait du ciel quelques semaines, Pierre Falardeau pourrait certainement tourner une suite au Temps des bouffons.


On connait la raison de cette exceptionnelle stabilité électorale. Le PLQ aurait beau faire n’importe quoi, sa base anglophone et allophone lui pardonnerait systématiquement. Et puisque cette base ne cesse d’augmenter, grâce à l’immigration massive, le PLQ peut dormir tranquille et se promettre des jours heureux. Il se croit installé au pouvoir pour l’éternité. On le sait, une seule chose semble obséder politiquement les allophones et les anglophones: écraser les souverainistes et rester dans le Canada à tout prix. Les obsédés du référendum ne sont pas tous au PQ. Le PQ aurait beau faire toutes les simagrées inclusives pour amener ces électeurs chez lui, il échouera toujours. Plutôt que de faire des pieds et de mains pour gagner une circonscription anglophone ou allophone, le PQ devrait viser sa clientèle naturelle qui le quitte de plus en plus. On appelle cela avoir le sens des réalités les plus élémentaires.


Mais la division des nationalistes est aussi un signe de dérèglement collectif. Quand il y a deux partis nationalistes au Québec, c’est qu’il y en a un de trop. Imaginez quand il y en a trois comme en ce moment – car pour d’étranges raisons, des souverainistes et des nationalistes votent aussi pour Québec solidaire. C’est un peu comme si les Québécois francophones savaient quel gouvernement ils rejettent mais ne savaient tout simplement plus autour de quelle vision se rallier. Les francophones cultivent des divisions suicidaires et font semblant d’être une société normale avec des divisions politiques normales alors que comme peuple, ils se condamnent à une forme d’opposition permanente. Au-delà des leurs divisions idéologiques, ils ne sont plus capables d’apercevoir leurs intérêts nationaux fondamentaux : par exemple, survivre comme peuple. Ils ne sont même plus capables de ressentir la domination politique qui pèse sur eux à travers un fédéralisme extrême qui mutile intimement leur identité: ils vivent dans un fantasme, coupés de la réalité, et y trouvent leur compte.


Un peu d’histoire nous éclairera peut-être. Au milieu des années 1930, les libéraux régnaient et l’opposition était divisée entre les Conservateurs et l’Action libérale nationale. Les partis d’opposition durent s’unir, en créant l’Union nationale, pour vaincre les libéraux. On peut aussi penser au début des années 1970. Le PLQ était au pouvoir et les nationalistes étaient divisés entre la vielle Union nationale et le nouveau Parti Québécois. Les électeurs se rallièrent finalement au PQ. En un mot, les électeurs nationalistes durent se reporter sur un parti principal pour gagner. L’histoire se répète aujourd’hui. C’est l’éternel retour de la division nationaliste, comme si nous étions condamnés à y retomber tant que le Québec ne sera pas un pays. Mais cette fois, le Québec pourrait y laisser sa peau. Il existe une telle chose, dans l'histoire du déclin d'un peuple, qu'un point de non-retour. Dans mes mauvais jours, je me dis que nous l'avons peut-être même franchi depuis longtemps. Puis je m'interdis de penser cela, en misant sur un sursaut imprévu de notre peuple. Apparemment, comme disait l'autre, impossible n'est pas français.




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