L'affaire Mourani

Une distraction qui nous renvoie à nous-mêmes

Chronique de Gilles Verrier

J’attendais que la poussière retombe sur l’affaire Mourani. Mais il semble que beaucoup des nôtres veulent faire le plus de millage possible en recourant au registre de l’indignation. Beaucoup de bruit autour d’une personne dont les actes se reflètent sur nous comme un cruel révélateur de notre laxisme national. Pensez-y, élue patriote de l’année en 2012, rien de moins.
Bien que nouvelle venue chez nous elle n’avait jamais prêtée serment d’allégeance au peuple québécois. Un «passage», un rituel qui n’existe pas. Pourtant, il pourrait être crée et former une exigence de base avant de recevoir le titre de patriote de l’année. Entre temps, pour ne pas se couvrir d’un malaise national qui frise le ridicule, il faudrait éviter que le choix du «patriote de l’année» tombe sur une personne qui n’est pas née au Québec et qui ne lui a jamais prêté allégeance. Cas de Maria Mourani.
Pour voir le beau coté des choses, Maria Mourani nous révèle le chemin qui reste à faire pour se doter d’institutions nationales qui ne nous renvoient pas de ces effets boomerang à l’improviste. C’est un peu honteux pour nous, et certes un peu tard pour le dire, mais elle n’aurait jamais dû être choisie patriote de l’année. Si quelqu’un méritait ce titre, je choisirais Bernard Frappier et nul autre.
Pour continuer sur le même fil, il serait difficile à un martien de concevoir que le patriote de l’année 2012 est une personne qui, à titre de gestes symboliques les plus forts de sa vie au Canada, n’aura que prêtée serment à la Reine du Canada et pas qu’une fois. Une première fois pour sa citoyenneté, ce qui n’est pas rien, et quelques autres fois à titre d’élue au Parlement fédéral du Canada. Tout cela sans jamais résister dans ces moments solennels et fondateurs à voir confirmer son appartenance au Canada.
Cette drôle d’affaire, une affaire qui n’en est pas une en fait, nous expose à toutes les accusations de ridicule et montre en effet le manque de sérieux qui encadre nos affaires nationales. À ce point qu’il devient même hasardeux de qualifier cette dame de traître. En prêtant de nouveau allégeance au Canada comme elle vient de le faire ces jours-ci, ne fait-elle pas qu’honorer ses engagements solennels antérieurs ? On peut certes invoquer la bonne foi, les paroles prononcées, le militantisme, mais tous ces mouvements d’opinion et d’indignation ne sont basés que sur les bons sentiments des uns et des autres. Ne faudrait-il pas penser à se donner une cause défendable basée sur des principes et des obligations incontestables ?
Par extension, vu l’exemple et le précédent créé par Maria Mourani, tous les députés du Bloc québécois ont tout le loisir de suivre son chemin. N'ont-ils pas tous, comme Maria Mourani, prêtés serment à la Reine du Canada, de l’Angleterre et à la chef de l’Église anglicane ? Ils peuvent donc renouer avec leur serment sans se discréditer en droit et en apparence de droit. Si on leur reproche quelque chose, ce ne sera donc que sur la base d'un argumentaire accroché à la bonne foi et à de bons sentiments que l’on pourra le faire, car leur engagement solennel est envers le Canada.
Dans la vie, tout compte. En politique c’est encore plus vrai. Il n’y a pas de faux serments à moins que ces serments soient reniés explicitement un jour. Il est vrai que dans la petite politique à laquelle nous avons été habitués, il est ordinaire de prêter serment à la Reine le matin et d'être chef indépendantiste le soir. On fait n’importe quoi. Pas étonnant que l'on récolte n’importe quoi. Cette petite politique sans principe, qu'on peut rattacher si on veut à la décadence de l'Occident dans le monde, ne mène évidemment nulle part.

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Gilles Verrier140 articles

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Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    22 décembre 2013

    Je viens de réaliser que j'étais le seul à avoir commenté votre excellent et très pertinent article et j'en suis étonné.
    L'affaire Mourani, vous avez raison, est une autre diversion dont raffole le Système et les gens ont embarqué à 100%.
    Vous, monsieur Verrier, je le vois par vos écrits et commentaires, vous êtes un sage.
    Cependant, la sagesse n'est pas très prisée dans une société décadente. On aime bien mieux s'attarder à des futilités.
    Cela n'aurait pas tellement d'importance si ce n'était que bien des citoyens souffrent de cette situation par le manque de moyens pour une vie décente et digne, réalité dont on ne s'occupe guère occupés que nous sommes par les diversions et futilités que le Système met à l'avant-plan de notre quotidien.
    Si les gens s'attardent à ces diversions et futilités, c'est qu'à notre époque, la raison et la clairvoyance semblent s'être désintégrées.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 décembre 2013

    De toute façon, cette dame Mourani est fidèle à ce qu'elle est, à ses racines, à son identité qui, au départ, n'est pas québécoise.
    Quelqu'un me disait qu'un Québécois a beau déménagé dans un autre pays, il restera toujours un Québécois. L'âme canadienne-française étant ce qu'elle est, elle reste toujours la même, elle ne change pas. Et c'est bien ainsi, c'est dans la nature des choses. On ne change pas sa nature et son identité profonde. Cela vaut pour toutes les ethnies de la planète.
    C'est le modernisme né au 20e siècle qui a décidé que les individus devaient devenir sans identité nationale et ethnique pour pouvoir ainsi tous se mélanger et devenir identiques pour être interchangeables. Cela relevait de l'utopie.
    C'est l'écrivain et homme politique français Jean-Yves Le Gallou qui a raison lorsqu'il dit dans une récente entrevue en réponse à la question suivante:
    "Rivarol : Votre dernier livre, La Tyrannie mediatique, est un véritable manuel de survie à la désinformation. Pour qui roulent réellement les media ?

    Jean-Yves Le Gallou : La superclasse mondiale, c’est-à-dire quelques milliers d’hyper-riches, relayés par quelques millions de super-riches, présents sur tous les continents. Ces oligarques veulent imposer un monde uniformisé et sans racines, abolissant toutes les distinctions pour ne plus connaître qu’un seul discriminant : l’argent."
    http://www.polemia.com/la-dissidence-passe-a-loffensive/
    À noter que pour les riches, l'argent permet aussi de décider de l'ethnicité que l'on veut pour ses enfants. Comme quoi, dans la nouvelle philosophie du 21e siècle, tout doit pouvoir s'acheter, y compris la génétique des personnes.