Une campagne débilitante

Québec 2007 - Analyse


Rien ne s'est passé comme prévu. Jean Charest devait s'avérer le fougueux «campaigner» que l'on connaissait lorsqu'il était dans l'opposition, il a fait une campagne terne et médiocre. André Boisclair devait multiplier les gaffes, perdre son sang-froid, bref planter les derniers clous de son cercueil, il a fait une campagne finalement très correcte.
Mario Dumont devait être l'éternel laissé-pour-compte, le gardien délaissé du «parking» où les indécis et les désenchantés garent leur vote avant de revenir, le jour du scrutin, dans le giron de l'un des deux grands partis. Il fut la star de la campagne
Face à un PQ dont le programme est, au chapitre de la souveraineté, plus radical que jamais, Jean Charest devait jouer la carte anti-référendaire, avec un succès garanti puisque les deux tiers des Québécois ne veulent pas de référendum et que la majorité ne voudrait pas entendre parler d'une sécession sans promesse d'association ou de partenariat avec le reste du Canada.
Ç'aurait dû être, pour le premier ministre, une partie facile car les arguments ne manquaient pas. Or, M. Charest a d'entrée de jeu trébuché sur ce thème qu'il aurait pourtant dû maîtriser à la perfection, lui le héraut du fédéralisme. Sortie primitive sur les «pensions», confusion sur la «partition». Au bout de quelques jours, on aurait dit qu'il avait épuisé toutes ses munitions.
André Boisclair et ses camarades sont sortis parfaitement indemnes de ces quelques échauffourées. Jamais n'ont-ils été forcés d'expliquer à la population dans quelle aventure ils voulaient l'emmener.
Qui plus est, le PQ a bénéficié du cynisme latent des Québécois, qui sont de moins en moins nombreux à croire ce parti quand il parle du «pays». Un référendum? Bof, il n'y en aura pas puisqu'on n'en veut pas et s'il y en avait un, on voterait contre, that's it, that's all. Tel est l'état d'esprit de nombre de gens, dans ce Québec où l'on a vu passer tant de «grands parleurs, p'tits faiseurs». La «menace» séparatiste est devenue un tigre de papier, un petit félin qui miaule fort mais qui a perdu ses griffes.
Ce cynisme ambiant, que l'on retrouve même chez des partisans péquistes, est de très mauvais augure pour l'avenir du PQ, qui n'a plus guère de crédibilité sur ce qui est encore, théoriquement, sa raison d'être. Mais cela, c'est un autre problème. Pour l'instant, le PQ peut respirer, sa campagne a été bien meilleure que ce à quoi l'on s'attendait.
Quant au reste, rarement aura-t-on vu un débat électoral d'une telle pauvreté.
Sur la question cruciale de la santé (le sujet qui préoccupe le plus les citoyens), le PLQ et le PQ n'ont fait que répéter les pires clichés. Seule l'ADQ avait quelque chose de neuf à proposer mais Mario Dumont n'a jamais trouvé le moyen d'expliciter ces propositions.
Dans le vide laissé par les programmes trop prévisibles des vieux partis, la démagogie adéquiste a pu fleurir à son aise. La campagne s'est ouverte au son du clairon de Hérouxville, et elle se termine par une autre discussion oiseuse sur la question de savoir si une femme en niqab devrait voter. (Combien y a-t-il de femmes entièrement recouvertes d'un voile au Québec? Combien d'entre elles refuseraient de soulever leur voile devant une greffière? Deux? Trois?).
Il y a du chauvinisme dans l'air que souffle l'ADQ. Cette campagne s'est faite en trop grande partie sur le dos des minorités, comme si le plus gros problème du Québec était la présence de quelques milliers de hassidim à Outremont et de quelques milliers de musulmanes qui sortent en foulard.
Dans la même foulée, on a assisté cette semaine à un concert de chauvinisme de très mauvais goût, quand M. Harper, pour avoir dit qu'il préférait négocier le renouvellement du fédéralisme avec des fédéralistes plutôt qu'avec des souverainistes (c'est pourtant bien évident!), fut agressivement sommé de retourner à ses oignons par nos trois chefs, y compris par M. Charest qui a sauté sur l'occasion de se faire du capital politique sur le dos de son meilleur allié. Comme si un premier ministre canadien n'avait pas le droit d'émettre une opinion à propos d'une campagne qui se déroule au Canada! Parce qu'il n'est pas Québécois (dixit Gilles Duceppe)? Jolie mentalité de vase clos. Il est temps que finisse cette campagne débilitante qui sent le renfermé.


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