Bilan de 2009

Une année qui ne suscite guère d'enthousiasme

Bilan de l'année 2009

Le pape Benoît XVI a reçu en novembre dernier l’archevêque de Canterbury, Rowan Williams, afin de tenter d’apaiser les tensions entre les hiérarchies catholique et anglicane.
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L'année qui se termine aura connu quelques surprises sur le front de l'éthique et des religions. Des événements comme la crise catholique en Irlande ont parfois ébranlé jusqu'aux institutions, mais pas toujours en laissant entrevoir des lendemains prometteurs. Le sommet de Copenhague sur le péril climatique a été vu comme un échec. D'autres enjeux auront moins tenu la vedette. Une revue de 2009 permet de faire le point sur quelques sujets dignes d'un meilleur sort.
Polygamie en sursis
Le procès tant attendu de la polygamie en Colombie-Britannique n'aura pas eu lieu. Après des années d'enquêtes et d'avis juridiques, le gouvernement, ayant enfin trouvé un expert favorable à un procès, avait mis en accusation deux chefs mormons de Bountiful. À la surprise générale, le tribunal ne s'est pas prononcé sur la polygamie. Sans contester l'impartialité du procureur spécial chargé de la poursuite, Mme Sunni Stromberg-Stein a statué que le gouvernement n'avait pas été équitable en choisissant l'option qui faisait son affaire. Les uns craignaient une «persécution» motivée par un calcul politique, d'autres, une «victoire» de la polygamie autorisant «tous les abus». Victoria a finalement demandé aux tribunaux un avis sur ce «crime». Il faudra donc attendre pour savoir quelle règle va prévaloir.
Réconciliation romaine
Après la tempête soulevée par la réconciliation du Vatican avec Mgr Richard Williamson — un évêque connu pour son négationnisme envers l'Holocauste et son opposition au protestantisme et au concile Vatican II — Rome a repris la discussion avec la Fraternité Saint-Pie-X en vue de trouver un accord permettant la réintégration de cette communauté dans l'Église. C'est aussi par «bonté», dit le Vatican, que Benoît XVI va également accueillir des évêques anglicans heurtés par l'arrivée de femmes et d'homosexuels au sein de leur hiérarchie. L'oecuménisme du Vatican, dit-on, va-t-il privilégier les courants opposés aux changements?
Vision policière
L'Association des chefs de police du Canada s'est récriée quand son conseiller en éthique s'est interrogé, au mois d'août, sur des commandites qui permettaient aux chefs et à leurs épouses de se récréer lors de leur congrès annuel voué à l'excellence professionnelle. L'un des commanditaires, le vendeur de l'arme électrique Taser, avait néanmoins bénéficié de l'appui des policiers quand des commissions d'enquête ont commencé de vérifier l'usage, parfois mortel, de cet innocent substitut à l'arme de service. Depuis, des enquêtes indépendantes ont démontré non seulement que le Taser peut être fatal, mais que des agents s'en servent parfois sans discernement. Et si la GRC, apprend-on, excelle à mentir à ce sujet, elle échoue, par contre, en matière de formation et d'éthique. Sans doute faudra-t-il que d'autres pauvres types soient tués au Taser pour émouvoir un cabinet plus préoccupé, semble-t-il, de tranquilliser l'électorat que de protéger les citoyens.
Corruption chez les élus
Après s'être fait rembourser certaines dépenses personnelles par les contribuables, des députés britanniques ont eu l'humilité, tel Gordon Brown, le premier ministre, de rembourser le Trésor, voire de démissionner. D'autres, au contraire, ont eu l'arrogance de résister à l'aveu de leur turpitude. Mais nul n'a prétendu à Westminster que la corruption est le nerf de la démocratie. Cet honneur est revenu à l'ex-colonie du Bas-Canada. Il ne répugne pas à certains des membres d'une Assemblée dite nationale de devoir leur élection à l'argent que des entreprises de devis ou de «garnotte» ont subtilisé aux contribuables. Les Anglais ont eu droit, sans délai, à une enquête indépendante. Les Québécois, demandent les sceptiques, devront-ils attendre que documents et témoins aient disparu pour qu'un premier ministre leur fasse la faveur d'une telle transparence?
La course à l'argent
La Suisse n'est plus sur la liste des États douteux qui accueillent les riches en mal d'échapper au fisc. Ses banquiers et le gouvernement qui les appuie prétendent néanmoins avoir préservé le fameux secret bancaire. Entre-temps, nombre d'Américains ont préféré faire une déclaration volontaire de leur fortune que d'affronter les procès qui les attendaient en cas de résistance. Même le Canada, dit-on, récupérerait des millions de cette source-là. Washington paraît cependant moins résolu dans sa tentative d'empêcher Wall Street de revenir à ses habitudes d'avant la crise financière du pays. C'est par milliards que ces kleptomanes disputent aux actionnaires — et aux gestionnaires inquiets de leur prodigalité — les profits mirobolants qu'ils retirent à nouveau de leurs opérations et des services qu'ils offrent.
Le mauvais sexe
Les milieux homosexuels continuent de faire des progrès juridiques aux États-Unis. Ainsi, cinq États admettent désormais le mariage de gens de même sexe, soit l'Iowa, le Connecticut, le Massachusetts, le New Hampshire et le Vermont. Mais cette minorité rencontre aussi une résistance de mieux en mieux organisée. Le courant religieux conservateur a triomphé dans le reste du pays. Dans chacun des 31 États qui ont posé la question lors d'un référendum, les électeurs ont rejeté le mariage gai. Mais, ailleurs sur la planète, on n'a guère eu besoin de consultation démocratique pour interdire carrément cette orientation. Les populations s'inquiétant, semble-t-il, du «dévergondage occidental», des gouvernements ont entrepris, en Afrique notamment, d'imposer des peines au mauvais sexe.
D'autres enjeux, en matière de santé mentale par exemple, de toxicomanie, de pluralisme, continuent d'interpeller les sociétés, y compris au Québec. Toutefois, malgré le progressisme qu'on se plaît à afficher, les idées comme les moeurs sont encore, ici comme ailleurs, souvent à la traîne du passé.
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redaction@ledevoir.com
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Jean-Claude Leclerc enseigne le journalisme à l'Université de Montréal.


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