Un retour sur le « siphonneur » de la Caisse

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Un dossier majeur qui fait l'objet d'une omerta aussi inexpliquable qu'indécente

De 2002 à 2008, Henri-Paul Rousseau a été président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, une institution qui gère notamment les fonds de la Régie des rentes du Québec.
Quelques mois après son départ, la Caisse a déclaré une perte de 39,8 milliards de dollars, principalement en raison de l’écroulement du marché du papier commercial adossé à des actifs, le fameux PCAA.
Cette somme représentait près du quart de l’actif sous gestion de la Caisse. Autrement dit, du jour au lendemain, la Caisse perdait le quart de sa valeur.
Or, cette catastrophe n’a pas atteint Henri-Paul Rousseau. Bien au contraire.
Même s’il est parti de son plein gré, il a reçu une indemnité de départ de 378 750 $ et il a été rapidement embauché par Power Corporation, avec une rémunération annuelle d’environ 1,5 million de dollars.
Au terme d’un discours traitant de son rôle dans l’histoire de papier commercial prononcé en mars 2009 à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, il aura droit à une ovation debout de l’auditoire. Seul Pierre-Karl Péladeau de Québecor s’en indignera.
Comment expliquer que 40 milliards de dollars aient ainsi disparu? Pourquoi Henri-Paul Rousseau a-t-il été recruté par Power Corporation et applaudi par la Chambre de commerce?
Est-ce que cela fait partie des « mystères de la vie », pour reprendre l’expression (vraiment) utilisée par Henri-Paul Rousseau pour expliquer ses achats massifs de papier commercial?
Non, il n’y a pas là « mystère de la vie », affirme l’auteur de ce livre, un des très rares observateurs de la chose publique à s’être posé des questions sur ces événements.
L’auteur, Richard Le Hir, estime que Henri-Paul Rousseau a tout d’abord accumulé beaucoup de crédit politique en « recentrant » la mission de la Caisse sur ce qu’il présentait comme le rendement financier. Avant son arrivée, la Caisse avait un double mandat, très affirmé, à la fois axé sur le rendement financier et sur le développement économique du Québec, ce qui impliquait d’importants investissements dans des entreprises québécoises.
Selon l’auteur, c’est « l’obsession du rendement » qui aurait amené Henri-Paul Rousseau à acheter à pleines poches un produit financier spéculatif, le PCAA, ainsi qu’à utiliser les leviers de l’emprunt, comme le font les fonds spéculatifs (hedge funds) ou les joueurs de casino afin de maximiser leurs rendements potentiels.
De plus, poursuit l’auteur, soutenu par une campagne de presse bien menée, Henri-Paul Rousseau a voulu faire un soi-disant « ménage » à la Caisse, en éliminant des aspects importants de ce que ses prédécesseurs avaient bâti. Des gestionnaires d’expérience ont été congédiés. La Caisse a aboli des structures de gestion. Elle a mis fin aux mandats internationaux en confiant ces mêmes mandats à des firmes externes. Huit bureaux de la Caisse à l’étranger ont été fermés.
Le but de ce soi-disant « ménage » était double, affirme l’auteur. Premièrement, « empêcher qu’à l’avenir, le Québec soit en mesure de voir son entrée dans le cercle des États souverains facilitée par les relations extérieures de la Caisse de dépôt ». Deuxièmement, en rétrécissant le mandat de l’institution, ouvrir la voie à son éventuel démantèlement au profit de gestionnaires privés d’actifs lesquels, comme Power Corporation, attendraient leur heure afin de récupérer ses mandats de gestion. Car, se demande l’auteur, pourquoi l’État devrait-il gérer un fonds d’investissement pur? S’il n’y a pas de logique de développement économique inhérente à son action, le privé devient alors mieux placé pour faire de la gestion d’actif. Ou du moins, telle est l’argumentation que l’on risque d’entendre au cours des prochaines années.
Les deux derniers chapitres du livre veulent illustrer la toile d’influence que tisse Power Corporation à travers le conseil d’administration et la direction de l’institution sous son PDG actuel, Michael Sabia.
Afin de préparer son essai, Richard Le Hir s’est beaucoup inspiré d’un livre précédemment écrit par Mario Pelletier, La caisse dans tous ses états. Il le cite abondamment. Paru en 2009, ce livre de Mario Pelletier a presque été étouffé par une mise en demeure de la Caisse de dépôt visant à le retirer des librairies.
Il est à souhaiter que Henri-Paul Rousseau, le siphonneur de la Caisse de dépôt donne une seconde vie à La caisse dans tous ses états, un livre qui mérite d’être lu et débattu par tous ceux qui s’intéressent à l’avenir du Québec.
LE HIR, Richard, Henri-Paul Rousseau, le siphonneur de la Caisse de dépôt, Montréal, Michel Brûlé, 2014, 239 p.


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