Un problème de sécurité existe, admet Couillard

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La solution Couillard ? Faire assumer par l'État les coûts que les entreprises bénéficiaires du privilège refusent d'assumer

S’il demeure un défenseur de l’exportation du pétrole des sables bitumineux par le fleuve Saint-Laurent, le premier ministre Philippe Couillard se montre toutefois préoccupé par l’absence de plan d’urgence en cas de déversement.

« On arrive à un enjeu, effectivement, qui est intéressant et important », a reconnu Philippe Couillard à l’Assemblée nationale en réponse à une question de Stéphane Bédard.

Le chef de l’opposition officielle s’inquiétait du fait qu’il n’existe « aucun schéma de couverture de risques dans les municipalités et sur le fleuve » en cas de déversement de pétrole.

« Voilà des questions pertinentes », a souligné le premier ministre, en citant « la capacité de réponse des municipalités côtières, la capacité également de répondre à une avarie sur un navire ». Mais il a rappelé qu’il y a du pétrole qui transite d’est en ouest toutes les semaines sur le Saint-Laurent. « Le même problème de sécurité existe » qu’avec le pétrole qui prend le chemin inverse pour être exporté, a-t-il soutenu.

Interrogé par les journalistes, Philippe Couillard a indiqué que la Stratégie maritime du gouvernement répondra à cette problématique. Le ministre délégué aux Transports, Jean D’Amour, planche sur cette stratégie à l’heure actuelle. Dans le document du Parti libéral du Québec qui décrit cette stratégie, il est mentionné qu’un gouvernement libéral mettra en place un « Fonds environnement maritime » qui se consacrera, notamment, « à la prévention, au soutien et au nettoyage en cas de déversement » et accordera du financement aux municipalités riveraines. Au cabinet du premier ministre, on a indiqué qu’aucun échéancier n’est fixé pour la création de ce fonds ou pour l’élaboration des plans d’urgence.

Dans son échange avec le chef péquiste, Philippe Couillard a signalé que c’est sous le gouvernement Marois, en décembre 2013, que le ministère du Développement du durable et de l’Environnement a accordé une autorisation à la société Kildair pour entreposer du pétrole brut de l’Ouest canadien dans ses installations de Sorel-Tracy et de l’expédier.

« En aucun temps, le gouvernement du Parti québécois n’a autorisé l’exportation de pétrole », s’est défendu Stéphane Bédard. Vérification faite auprès de son cabinet, le gouvernement péquiste a effectivement autorisé l’exportation de pétrole à partir de Sorel-Tracy. « Il s’agissait d’un petit dossier […] pour lequel il n’y avait pas tous les enjeux que l’on retrouve aujourd’hui avec les superpétroliers sur le fleuve », a-t-on avancé.

À Sorel-Tracy d’où est parti, chargé de pétrole albertain, le superpétrolier Minerva Gloria la semaine dernière, on s’inquiète de plus en plus des risques liés au passage des trains chargés de pétrole de l’Ouest, mais aussi du chargement de pétroliers aux installations de Kildair.

Cette société a signé un contrat pour l’exportation de pétrole appartenant à Suncor, un des principaux exploitants des sables bitumineux. Des convois ferroviaires arrivent donc régulièrement à Sorel-Tracy, longeant des quartiers résidentiels. Le pétrole est stocké dans un parc de réservoirs d’une capacité de 3,2 millions de barils. Quant au quai, racheté à Hydro-Québec, Kildair précise qu’il peut accueillir des navires-citernes d’une capacité de 70 000 tonnes métriques « et jusqu’à 350 000 barils de produits pétroliers ».

Mobilisation citoyenne

Même si un tel projet comporte des risques environnementaux et sécuritaires, les citoyens de la municipalité n’ont jamais été consultés, a souligné mercredi Corina Bastiani, ancienne élue de Sorel-Tracy. « Il n’y a eu aucune étude environnementale. Les citoyens n’ont pas été informés. En fait, plusieurs ont appris l’arrivée des trains de pétrole par l’entremise des médias », a-t-elle expliqué.

S’estimant mis devant le fait accompli, une centaine de citoyens préparent une marche pour la fin octobre. Ils espèrent ainsi interpeller Hydro-Québec, qui a vendu les installations portuaires, les terrains et les réservoirs qui permettent aujourd’hui à Kildair d’exporter du pétrole de l’Ouest canadien. Cette vente est intervenue après la fermeture de la centrale au mazout de Tracy. Les citoyens inquiets espèrent aussi sensibiliser la municipalité.

« Sorel-Tracy a longtemps été une ville très polluée, mais les projets industriels mis de l’avant par l’administration municipale contribuaient à changer cette image, estime Mme Bastiani. Il ne faudrait pas retourner vers l’ancienne réalité. »

D’ailleurs, la municipalité a racheté des terrains d’Hydro-Québec au coût de 1,2 million de dollars en 2013. Ces terrains jouxtent ceux de l’entreprise Kildair. L’objectif de la municipalité était d’y accueillir des usines non polluantes dans le but de stimuler son projet de technopole en écologie industrielle. Mais il n’a pas été possible mercredi de savoir où en sont les démarches. Le maire de Sorel-Tracy, Serge Péloquin, n’a pas rappelé Le Devoir.

Corina Bastiani redoute également les effets d’un déversement de pétrole brut dans le Saint-Laurent. Les imposants pétroliers qui doivent partir de Sorel-Tracy, à un rythme d’un à trois par mois, emprunteront une partie particulièrement risquée de la voie maritime du Saint-Laurent. Le secteur du lac Siant-Pierre, notamment, est peu profond et la portion navigable y est très étroite.

Qui plus est, les pétroliers seront de plus en plus nombreux à naviguer sur le Saint-Laurent, entre Montréal et Québec. Avec l’inversion du pipeline 9B d’Enbridge, Ultramar entend acheminer par bateau du brut jusqu’à sa raffinerie de Lévis. Deux navires devraient faire la navette sur une base hebdomadaire.

La capacité d’intervention en cas de déversement est toutefois inadéquate pour répondre à tout incident majeur, selon le professeur Émilien Pelletier, de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski. Par exemple, il est pour ainsi dire impossible de récupérer du pétrole brut en présence de glace. Et il est difficile de prévoir comment se comportera du brut lourd tiré des sables bitumineux.

En outre, aucune municipalité riveraine du Saint-Laurent ne possède de plan d’urgence en cas de marée noire, notamment en ce qui a trait à la gestion de son approvisionnement en eau potable. Le gouvernement fédéral permet aux pétrolières de se doter d’une capacité d’intervention limitée à 10 000 tonnes de pétrole. Or, les pétroliers qui circuleront sur le fleuve au cours des prochaines années transporteront de 7 à 20 fois plus de brut.


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