Un péquiste pour traquer le PLC

Harper choisit Daniel Paillé pour enquêter sur l'ancien gouvernement

Commandites - enquête sur les "sondages" du PLC

Ottawa - Les conservateurs à Ottawa ont retenu les services d'un souverainiste aguerri pour pourchasser les libéraux fédéraux. Le gouvernement de Stephen Harper a recruté l'ancien ministre péquiste Daniel Paillé pour revoir tous les sondages internes commandés par l'ancien gouvernement et déterminer s'ils étaient justifiés ou au contraire destinés à des fins partisanes. Le choix de M. Paillé, qui a siégé au cabinet de Jacques Parizeau de 1994 à 1996, a soulevé beaucoup de questions de la part des journalistes, en particulier du côté anglophone. M. Paillé a dû se défendre d'être en situation de conflit d'intérêts, plusieurs des sondages commandés par le gouvernement fédéral en 1994-95 étant liés au référendum québécois, à l'organisation duquel M. Paillé participait. Les libéraux voient dans cette initiative une «chasse aux sorcières».
Nommé conseiller indépendant, Daniel Paillé aura pour mandat de revoir tous les contrats d'enquête sur l'opinion publique commandés par Ottawa entre 1990 et 2003 et de déterminer, entre autres, si une enquête judiciaire est nécessaire. Il disposera de six mois pour faire rapport au gouvernement.
Il s'agissait d'une promesse électorale conservatrice.
L'équipe Harper a toujours soupçonné l'ancien régime libéral d'avoir utilisé des fonds publics pour faire faire des sondages utilisés à des fins partisanes mais présentés de manière trompeuse comme une façon de mesurer la popularité de certaines politiques gouvernementales.
«La recherche sur l'opinion publique est un outil important pour le gouvernement du Canada», a déclaré Michael Fortier, sénateur et ministre fédéral des Travaux publics. Mais en même temps, a-t-il ajouté, ces sondages «ne doivent pas être utilisés pour des raisons personnelles ou partisanes».
Mais s'il s'agit d'aller au fond des choses, pourquoi ne pas demander à M. Paillé de se pencher sur les plus récents contrats, y compris ceux commandés par l'administration conservatrice depuis son arrivée au pouvoir, en janvier 2006?
Le ministre Fortier a répondu que les problèmes n'existaient plus depuis 2003, selon ce qu'il a compris de la dernière mise à jour de la vérificatrice générale, Sheila Fraser. «On ne sent pas le besoin de se rendre jusqu'à 2006.»
En fait, il n'en est rien. En 2003, Mme Fraser avait conclu que 20 % des projets fédéraux de recherche sur l'opinion publique n'avaient pas été justifiés. Son suivi de février 2007 détermine que «le taux de conformité à la politique est [...] à peu près le même qu'en 2003». «Les progrès sont insatisfaisants pour ce qui est des documents justifiant la nécessité de la recherche», est-il écrit.
M. Fortier n'a pas été en mesure d'expliquer ce que M. Paillé à lui seul réussira à découvrir de plus que ce que l'équipe de Mme Fraser avait permis de débusquer en deux enquêtes, d'autant plus qu'il n'aura pas le pouvoir de forcer des témoins à collaborer. Il s'est bien défendu d'entreprendre quelque vengeance que ce soit contre le gouvernement libéral précédent, rappelant qu'en remontant à 1990, Daniel Paillé touchera aussi une administration conservatrice (1990-93).
Pour le libéral Denis Coderre, il s'agit justement d'un «vote de non-confiance» envers Sheila Fraser. M. Coderre dénonce le choix «indécent» de l'ancien ministre péquiste. «Daniel Paillé, c'est un séparatiste qui n'aime pas les libéraux qui va faire une job de bras.» Selon lui, le mandat de M. Paillé consiste à en faire «manger une maudite» au PLC. «C'est une opération de salissage.»
Le coût de cette nouvelle enquête n'a pas été précisé «mais restera bien en deçà d'un million de dollars», a assuré le ministre Fortier.
L'annonce d'hier ne s'est pas faite en douceur. Plusieurs journalistes ont demandé à Daniel Paillé s'il se considérait encore comme un souverainiste, ce à quoi il a refusé de répondre. «C'est une affectation que je vois [comme étant] de nature professionnelle, a répondu M. Paillé. Donc, mes opinions politiques maintenant, après 12 ans, demeurent du domaine privé.»
M. Paillé se sent-il en situation de conflit d'intérêts? Pas du tout, assure-t-il. «Que ce soit 1994 ou 1996, je vais les passer [les contrats] un par derrière l'autre sans aucun vibrato personnel concernant une période particulière. Je ne pense pas avoir quelque conflit de quelque nature.»
Dans les coulisses conservatrices québécoises, on voit en lui un péquiste désabusé depuis l'arrivée d'André Boisclair à la tête du PQ qui n'aurait pas appuyé les siens le 26 mars dernier. «Disons que ce n'est pas sorti comme on pensait», a dit un de ceux-là en commentant la conférence de presse d'hier matin.
Daniel Paillé est un personnage qui avait beaucoup fait parler de lui pendant son court passage en politique québécoise. Il avait notamment fait connaître au maire de Montréal, Pierre Bourque, son opposition à l'ouverture d'une garderie devant sa résidence, et ce, par lettre rédigée sur papier à en-tête du ministère de l'Industrie, du Commerce et des Technologies, qu'il dirigeait. Plus tard, il avait dû s'en excuser à l'Assemblée nationale. Il avait aussi signé une pétition portant sur une éventuelle privatisation de la SAQ... qui lui était destinée à titre de ministre.
Il est aussi le père du contesté plan Paillé d'aide au démarrage d'entreprises qui, en raison de la faillite de plus d'une entreprise sur quatre qui en a bénéficié, a fait perdre 116,5 millions de dollars au trésor québécois.


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