Un «mal» nécessaire

Ignatieff - le PLC et le Québec


Avec le retrait de Bob Rae de la course au leadership libéral, les libéraux savent maintenant qui sera leur chef à la rentrée parlementaire du 26 janvier prochain. Le caucus qui doit se réunir aujourd'hui n'aura pas à se déchirer pour finalement couronner Michael Ignatieff.
Bob Rae voulait une consultation des membres, il n'a obtenu qu'une consultation de diverses instances du parti d'ici au 17 décembre. Sa position respectait ses principes et servait en partie ses intérêts, mais pas nécessairement ceux du Parti libéral du Canada. Ce dernier avait besoin d'un chef, et vite, pour faire face à Stephen Harper, que ce soit au Parlement ou durant une possible élection.
La balle est maintenant dans le camp d'Ignatieff, du caucus et du parti, car ce dernier n'est pas au bout de ses peines. Le choix d'un chef ne résout pas tout. Le parti est toujours démuni, désorganisé et exsangue. En demandant une prorogation des travaux parlementaires, Stephen Harper lui a donné une chance de voir au plus pressé.
La question du leadership étant réglée, le caucus doit maintenant se pencher sur le sort de cette coalition avec le NPD, soutenue par le Bloc québécois. Doit-il y mettre un terme ou trouver une façon de la maintenir en vie sans nuire au parti à long terme?
Bien des libéraux, John Manley en tête, ont dit que cette coalition, qui suppose le partage du pouvoir avec les néodémocrates, était une erreur. Il faut toutefois se rappeler qu'au moment de la présentation de l'énoncé économique, elle représentait la seule réponse possible à une défaite éventuelle du gouvernement dans les jours qui suivaient. Vers qui, sinon, la gouverneure générale se serait-elle tournée?
Ce n'est pas tant l'idée d'un front commun des partis d'opposition qui dérange bien des libéraux, mais bien de partager le pouvoir avec les néodémocrates et de dépendre formellement de l'accord du Bloc québécois pour gouverner. La teneur de l'entente est matière à débats, mais si les libéraux ont cédé autant de terrain au NPD, ce fut uniquement à cause de la faiblesse, non seulement de Stéphane Dion, mais aussi du PLC. Et ce sont les circonstances qui ont imposé Dion comme chef de cette coalition. Le vote de confiance pouvait avoir lieu ce lundi, ce qui donnait peu de temps pour choisir quelqu'un d'autre.
La piètre performance de Dion mercredi dernier et le répit obtenu le jour suivant ont fait comprendre aux libéraux l'urgence de corriger le tir. Au retour de la Chambre, les conservateurs vont présenter un nouveau discours du Trône et un budget. Les votes de confiance vont se multiplier, et les libéraux ont besoin d'un chef intérimaire qui a tous les attributs pour diriger un gouvernement ou pour mener les troupes en campagne électorale, selon ce que décidera la gouverneure générale, en cas de défaite du gouvernement Harper.
Harper a reculé la semaine dernière parce que la menace de la coalition était sérieuse. Michael Ignatieff l'a lui-même reconnu. C'est son unité qui a donné à l'opposition le rapport de force qu'elle cherchait. Si elle abandonne maintenant cet outil stratégique, elle se présentera sans solution de rechange en janvier, donnant les coudées franches aux conservateurs. Or, comme on l'a vu hier dans l'entrevue que Stephen Harper accordait à la CBC, il ne regrette aucun des gestes qu'il a faits et qui ont provoqué la crise politique actuelle. Il s'est dit ouvert aux suggestions de l'opposition, mais, à l'entendre, on comprend que ce n'est pas lui qui va inviter les partis d'opposition à sa table, mais bien eux qui devront sonner à sa porte.
La coalition ou un front commun peut encore servir, pas comme une fin en soi, mais bien comme un moyen pour garder les conservateurs sur le qui-vive. Ces derniers sentent déjà la pression des milieux d'affaires pour arriver avec un budget plus digestible, mais s'ils ratent la cible et n'offrent pas un véritable plan pour faire face à la crise économique, l'opposition sera capable de le défaire.
Même si bien des libéraux ont perdu toute confiance en Stephen Harper, le message de Michael Ignatieff, et de Stéphane Dion la semaine dernière, est que les libéraux jugeront le prochain budget à son mérite. Ce ne sera pas le cas du NPD et du Bloc québécois, tous deux échaudés par les tactiques conservatrices. La décision de laisser passer ou non le budget reviendra donc aux libéraux.
S'ils suivent le conseil de Manley, torpillent la coalition tout de suite pour se concentrer sur la lente reconstruction du parti, ils se retrouveront dans la même situation que le printemps dernier. Ils seront forcés de laisser les conservateurs gouverner peu importe les circonstances, minant davantage leur crédibilité déjà chancelante.
Il s'agit d'un exercice d'équilibre difficile, car à trop se coller au NPD, les libéraux risquent de s'éloigner du centre de l'échiquier politique. Il ne s'agit toutefois pas d'un état permanent. Plus le temps passe, plus une défaite du gouvernement risque de provoquer la tenue d'élections. Cela n'est cependant pas garanti si elle survient dès la fin janvier, d'où la nécessité d'avoir une solution de rechange.
Si par contre le budget est satisfaisant et adopté, ce que n'excluent pas les libéraux, ils auront alors le temps de prendre leurs distances. La réalité est qu'une fois les votes de confiance sur le budget et le discours du Trône passés, la coalition aura perdu sa pertinence et son utilité pour eux.
La coalition est une bouée temporaire. La solution idéale serait que le PLC ait du temps pour se rebâtir, mais il ne doit pas vendre son âme pour en obtenir. Il doit plutôt profiter au maximum de celui qui lui est accordé maintenant. Il a franchi un premier pas en se donnant un chef qui a l'appui du caucus, ce que Dion n'a jamais eu, sauf par défaut. Et en se retirant tout de suite, Rae évite beaucoup de divisions au parti, du genre de celles qui ont déchiré les libéraux sous Chrétien et Martin. Le vrai travail ne fait que commencer.


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