Les journaux débordent d'exégèses du nouveau "plan Marois". Vous savez bien? Celui où un prochain gouvernement péquiste se transformerait en Incroyable Hulk de la question nationale! Il combattrait les ingérences fédérales; occuperait tous les pouvoirs du Québec, même ceux de compétence partagée; s'en prendrait des nouveaux; et adopterait une constitution, une loi sur l'identité et une nouvelle loi 101. Gérald Larose y va même d'une Cour suprême québécoise et d'un nouveau président. Tant qu'à y être...
Ah oui. J'oubliais. Le plan serait livré à l'intérieur de la fédération canadienne. Peut-être bien avec des référendums sectoriels. Mais peut-être bien que non. Le tout pour faire "avancer" le Québec "en attendant" que tout ça débouche sur un référendum sur l'indépendance. Mais seulement si la victoire est garantie d'avance (comme si une telle chose existait en démocratie...). Vous me suivez? Bravo. Trois étoiles et deux anges sur votre cahier de bon citoyen!
Et les exégètes de sonder les reins du plan Marois. Est-il autonomiste ou étapiste? Est-ce de l'affirmation nationale? Un clone du rapport Allaire servi à la sauce moumoune? Une guérilla permanente faite pour provoquer des crises, de la chicane et la nausée constitutionnelle? Un hold-up politique? Un retour aux conditions gagnantes de Lucien, aux 1000 jours de Landry ou au coffre à outils de Boisclair? On y perd son latin.
Maintenant, retournons sur le plancher des vaches. Car au-delà des exégèses, il existe une donnée crue, plate et brutale. Soit qu'une majorité de Québécois, toutes options confondues, ne croit plus, ou peu, que la souveraineté se fera. À hauteur de 74 %. Du moins, selon un sondage Angus Reid-La Presse paru le 9 juin. Mais comme ça vient de La Presse, certains seront sceptiques. À tort.
Voyez donc aussi celui-ci. Le 6 juin, Jacques Parizeau, en conférence, parlait d'un sondage de 1003 répondants, effectué en mars pour le Bloc. Sous toutes réserves, il montrerait que 34 % seulement des Québécois, dont 38 % de francophones, croient encore que la souveraineté se réalisera. Par contre, 56 %, dont 62 % de francophones, penseraient que la souveraineté est réalisable. Et M. Parizeau d'observer: "les gens sont persuadés que c'est possible, mais ils pensent que ça ne se fera pas". Ces chiffres traduisent un jugement sévère posé par la population. Un jugement qui interpelle l'"élite" souverainiste avant tout. "Pourquoi est-ce qu'ils ne croient plus en nous?" demande-t-il. "On a besoin d'un examen de conscience", "qu'est-ce qu'on doit changer dans notre façon de faire?". Le constat est lucide et la question, pertinente. Vous pouvez visionner sa conférence si son analyse vous intéresse (*).
Ces données confirment que même s'il mène dans les intentions de vote, il y a comme un bris de confiance entre une majorité de Québécois et le PQ quant à sa volonté ou sa capacité d'atteindre son objectif. Les causes? Multiples. La principale? Sûrement la mise en veilleuse constante de son option depuis 1996. Et la constatation que dans l'opposition ou au pouvoir, même avec tous les outils de l'État, peu de son énergie est allée à la préparation de tout ce qui se rapporte à l'avant, au pendant et à l'après d'un éventuel référendum. Quel qu'en soit le moment.
LA DOUBLE IMPASSE
Mais un constat plus général s'impose tout autant: c'est la question nationale dans son entier qui est dans un cul-de-sac. Pour les fédéralistes, l'impasse date de l'échec de Meech en 1990. Depuis, l'opposition d'une forte majorité de Canadiens anglais à tout statut particulier pour le Québec condamne d'avance à l'échec toute ouverture de la Constitution. Résultat: zéro possibilité de réformer en profondeur le fédéralisme. Même la reconnaissance de la "nation" québécoise demeure une coquille vide sans enchâssement constitutionnel.
Dans La Presse du 9 juin, on lisait qu'avec 40 % d'appuis, le sondage Angus Reid indique que la "ferveur souverainiste est peu élevée". Concluons alors aussi qu'avec 41 %, la "ferveur" fédéraliste ne vaut pas plus cher la livre. Donc, l'impasse est double. Rien n'est réglé. Dans un sens ou dans l'autre. Les Québécois sont encore divisés en deux blocs de plus ou moins 40 %. Plus 20 % d'indécis et de discrets.
De fait, depuis 1996, le nationalisme québécois n'inquiète plus beaucoup au Canada. Parce que le PLQ ne demande plus rien de compliqué. Parce que les dirigeants du PQ ont peur de tenir un autre référendum "perdant" sur l'indépendance. Vu d'Ottawa, le Québec est comme un chien qui tourne en rond et se mord la queue. Et qui n'aboie plus très fort.
Ce qui ramène à la question du bris de confiance. Est-ce que le plan Marois peut la rétablir? Il est vrai que sa principale vertu est de promettre de "bouger". Beaucoup. Mais le problème est aussi qu'il tire dans toutes les directions et s'éloigne encore du but principal. Qui trop embrasse, mal étreint...
On a dit que si M. Parizeau avait pu faire son référendum, c'est qu'il avait profité de l'échec de Meech. Vrai. Mais il avait aussi passé quatre ans dans l'opposition, et une année au pouvoir, à le préparer sans trop s'éparpiller. Il reste justement quatre ans au PQ. Une éternité en politique. Mais s'il échoue d'ici là à rétablir sa crédibilité quant à son option, combien en restera-t-il dans cinq ou dix ans pour croire encore que la souveraineté se fera un jour? Et ce, même si le PQ est au pouvoir...
(*) http://www.vigile.net/J-Parizeau-Discours-de-cloture-au
Un jugement sévère
une majorité de Québécois, toutes options confondues, ne croit plus, ou peu, que la souveraineté se fera. À hauteur de 74 %
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