Un homme libre

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Le premier député ouvertement indépendantiste du Québec est décédé

On les croyait pourtant éternels. Pierre Bourgault, André D’Allemagne, Jacques Parizeau et maintenant, François Aquin. La mort de ces hommes profondément libres, piliers inébranlables d’une pensée indépendantiste limpide, éclaire d’autant plus durement son lent déclin dont seul l’avenir saura nous dire s’il est réversible ou non.


La semaine dernière, François Aquin, esprit brillant et avocat réputé, s’est éteint à l’âge de 88 ans. Ce fils de menuisier et cousin de l’auteur Hubert Aquin était un homme droit, courageux et déterminé. Jamais, il n’aura vacillé.


En pleine montée d’un nationalisme québécois nouveau, revendicateur et moderne, il est élu député en 1966. Figure de proue du Parti libéral depuis les années 50, il claque la porte en 1967 et devient le premier député indépendantiste à siéger à l’Assemblée nationale.


Après des années de réflexion, le point de bascule pour François Aquin avait suivi le discours percutant du président de la République française, Charles de Gaulle, donné à Québec le 23 juillet 1967.


Trouver le chemin


Du « Vive le Québec libre ! » prononcé le lendemain à Montréal, Me Aquin dira ceci : « Ce jour-là, le président a révélé le Québec à beaucoup de Québécois et il a révélé les Québécois au monde. »


Homme de franchise, François Aquin ne craignait pas les mots « indépendance », « liberté » et « dignité ». Ils étaient au cœur de sa pensée. Internationaliste, sa défense indéfectible de la langue française en était le complément tout naturel.


« Il en est des peuples comme des individus, disait-il. C’est en creusant leur propre liberté que peu à peu le chemin s’ouvre vers les autres. » L’ouverture sur le monde et un Québec indépendant. Pour François Aquin et Jacques Parizeau, les deux avenues se nourrissaient l’une l’autre.


Humaniste et social-démocrate, entre le RIN et le Mouvement souveraineté-association (MSA) de René Lévesque, auquel il se joint, Me Aquin croyait à l’union du mouvement souverainiste. En 1968, désenchanté par les orientations mollassonnes du MSA, Me Aquin quitte toutefois la politique pour retourner à la pratique du droit. Une immense perte pour le Québec.


L’étincelle du regard


Je n’oublierai jamais le premier appel que j’ai reçu de François Aquin alors que j’amorçais ma carrière d’analyste politique. « J’aimerais vous inviter pour discuter de politique et de la vie, m’avait-il dit le sourire dans la voix, parce que je vous lis et que vous me faites un peu penser à moi quand j’étais plus jeune ». Comment dire non à un tel honneur ?


Au fil de nos conversations, j’ai découvert l’ampleur de son intelligence, de sa simplicité et de son amour pour le Québec. L’étincelle toujours allumée de son regard impressionnait. Irrésistible, son sens de l’humour était aiguisé comme une fine lame.


Je souhaite aux plus jeunes de le découvrir à leur manière et aux moins jeunes de le redécouvrir enfin. Sur le site web de l’Assemblée nationale, vous pourrez lire ses interventions mémorables dans la section Journal des débats et visionner son entrevue dorénavant historique à « Mémoires de députés ».


Cet homme libre, j’en suis sûre, vous l’aimerez.