Débats à Québec solidaire

Un autre Québec mais indépendant celui-là

Il y a urgence

Tribune libre

L'autre Québec sera-t-il celui de l'indépendance chez Québec solidaire ? À mesure que l'on vieillit et que notre conception du monde se raffine et permet d'appréhender un monde plus complexe, on dirait que les souvenirs ne représentent plus que comme des expériences d'apprentissage qui sont de plus en plus appelées au secours d'une histoire personnelle qu'on veut unifier. Comme si tout à coup une longue période se résumait à quelques années de fin de vie.

Mes premières expériences en solidarité internationale en vue de la construction d'un monde meilleur étaient dévouées à recueillir des sous pour financer des projets très précis dans le Tiers-Monde. Ça s'appelait les «Rallyes Tiers-monde».

Nous accompagnions cette solidarité d'une dénonciation des régimes militaires d'extrême- droite et de demandes auprès de «nos» gouvernements d'interventions au nom des droits humains. Nous popularisions des campagnes de boycottage de produits fabriqués dans les pays soumis à ces régimes. Nous nous offusquions des liens commerciaux que les transnationales entretenaient avec la complicité des gouvernements du Nord.

Quand il s'est agi de soutenir politiquement des insurrections qui nous paraissaient de véritables alternatives aux répressions sauvages et criminelles des régimes du passé, nous nous sommes investis à fond. La situation évoluait à grande vitesse. D'un pays à l'autre, les révolutionnaires se coordonnaient et la lutte armée prenait des allures de conflits meurtriers entre belligérants irréconciliables, mais nécessaires à la sortie de la pauvreté, de la misère et surtout au remplacement de régimes totalement inféodés aux USA dans leurs stratégies contre-insurrectionnelles.

Ce n'est pas à cet époque, mais bien avant, que je me suis convaincu que la contribution la plus utile aux victoires des insurrections dans le Tiers-Monde était de paralyser la capacité de nos propres institutions d'État d'endiguer ces révoltes par toute sorte de moyens.

La solidarité internationale s'est tout de même transformée, en parallèle, pour offrir aux anciens peuples colonisés des coopérants dévoués et munis d'une expertise plus spécialisée, par exemple, pour creuser des puits en mobilisant les villageois afin de rapprocher les femmes du village des sources d'eau potable.

La coopération internationale s'est institutionnalisée. Non qu'elle ne répondait plus aux besoins ou aux raisons qui l'a fait naître, mais le monde développé y voyait une façon de se faire excuser les aventures coloniales pour avoir accès à des sources d'échanges rentables afin de développer leur propre économie. C'était un échange mutuel. On en parlait ainsi dans les élections : la coopération, si on y met les conditions qu'il faut, ferait tourner notre propre économie. Comme s'il s'agissait d'appliquer Keynes au monde entier. Piètre tentative qui s'est soldée par un abandon final du Tiers-Monde à son sort avec le néolibéralisme comme fondement d'une économie vouée aux lois sauvages de la compétition internationale.

Ce que la mondialisation a suscité comme nouvelle conscience politique, au Nord comme au Sud, en passant souvent par l'école publique d'une génération à l'autre comme un espèce d'apprentissage des plus âgés vers les plus jeunes, c'est que les différents peuples se trouvaient souvent avec des problèmes liés aux transnationales elles-mêmes. Non que ces super-compagnies n'étaient plus à l'origine d'une exploitation mondiale de la main-d'oeuvre et des ressources, mais elles jouaient d'une propagande mieux adaptée à leurs objectifs partout sur la planète.

Un exemple de problème en lien avec leur présence universelle, c'est que d'un endroit à l'autre de développement, des liens très proches avec les communautés militantes se formèrent rapidement. On s'est aperçu que la résistance des peuples à l'extractivisme était commune «au Nord comme au Sud», par exemple.

En Abitibi, des Québécois s'opposaient aux minières polluantes. Elles étaient munies de tout un appareil législatif et commercial qui permettait aux transnationales de se justifier au nom de la création d'emplois et du développement régional. En collusion avec les États comme le Canada.

On peut clairement voir poindre le pipeline d'Énergie Est promu par Trans-Canada sur le territoire du Québec. Les moyens politiques que nous nous sommes donnés à gauche nous seraient d'un grand secours présentement. Sommes-nous bien sûr qu'une alliance de QS avec le PQ ne ferait pas évoluer le dossier dans l'intérêt supérieur du Québec ? Cette unité d'action à l'Assemblée Nationale ou dans les rues n'est-elle pas une sorte d'urgence nationale qui ne peut attendre ?

L'extractivisme est donc actuellement une occasion de solidarité internationale en or (sans jeu de mot) qui vise la mise en place d'un autre monde : celui où les transnationales, minières ou autres, seront de plus en plus à la merci de peuples s'attribuant un rôle de militants pour la survie de la planète contre ces déploiements de l'impérialisme. Il n'est pas étranger à ce nouveau monde en émergence que des militants de la planète se soient côtoyés dans la résistance massive au libre-échange. Pensons à la ZLÉA, ici au Québec. Ou en s'opposant mutuellement de partout dans le monde à la guerre en Irak. Ou encore faisant valoir la nécessité de faire reculer «la pauvreté et la violence subies par le femmes».

Mais les progrès de l'unité des indépendantistes sont malhabilement retardés par des relents d'une période où tous s'invectivaient les uns les autres comme «contre-révolutionnaires» et traîtres à la cause. Bien des jeunes n' y croient pas, mais des militants enragés contre le PQ font encore la pluie et le beau temps à Québec solidaire tout en menaçant de ne participer à rien qui ressemble à leur propre conception d'alliances qui exclut le «renégat» Parti Québécois.

C'est à cet autre monde possible auquel nous pouvons travailler avec une intelligence politique qui tienne compte des stratégies les plus fines.

Comme cette solidarité internationale que j'ai vu se déployer tout au long de ma vie, comme spectateur ou comme acteur, et qui a eu des conséquences insoupçonnées : l'aspiration persistante à travers la planète à un autre monde ! Elle ne s'est jamais tarie et tant que l'injustice dominera elle engendrera des formes nouvelles de lutte. Un slogan qu'on voit maintenant dans les manifestations de toute sorte dit : «Pas de paix sans justice». Il n'implique plus nécessairement la lutte armée, mais il laisse entendre que les altermondialistes sont prêts à harceler par tous les moyens toutes les structures d'un monde fondé sur l'injustice et le pouvoir des grandes puissances.

C'est ce que m'inspire l'altermondialisme et me donne des raisons de plus de militer à Québec solidaire malgré le peu d'empressement qui s'y manifeste pour un autre Québec. Indépendant celui-là. On laisse entendre qu'il n'y a pas de presse. Mais laissez-moi au moins souligner cette anecdote qui fait de l'altermondialisme un sujet brulant d'actualité pour le parcours d'un Québec indépendant.

Monsieur Parizeau parlait de créer l'appareil diplomatique d'un Québec indépendant grâce aux coopérants québécois et avouait que le pays du Québec devrait se retirer de l'OTAN. N'y a-t-il pas là une vision du monde que plusieurs Québécois partageraient avec des indépendantistes unis ? N'y a-t-il pas de quoi faire réfléchir sur les enjeux de 2018 ? Battre Couillard, bien sûr, mais dans une élection qui n'aurait plus rien des autres élections auparavant ?

Elle sera référendaire et si nous de Québec solidaire n'y sommes pas, unis avec les autres indépendantistes, l'histoire se souviendra de nous comme d'une organisation politique qui a regardé passer le train. Tout simplement ! On prend l'idée d'indépendance comme solution ou moyen avec si peu de sérieux que l'on est prêt à en repousser l'avènement indéfiniment si l'occasion que représente 2018 nous échappe. C'est vraiment dommage pour le Québec.


Laissez un commentaire



5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mars 2016


    "L’immigration de masse, rédemption de la mauvaise conscience entretenue, est une construction idéologique impérialiste pour faire croire chez les uns et chez les autres que l’immigration est nécessaire alors qu’elle constitue le mal en soi. "
    Gilles Verrier.
    Vous parlez juste. Cette émigration massive est une menace à la relative paix mondiale et, comme vous écrivez, "le déracinement que constitue l’émigration, en passe de devenir un fléau mondial incontrôlable"..."constitue qu’une illusion de solution destinée à satisfaire l’hypocrisie des bonnes âmes entretenues à l’humanisme fleur bleu."

    Le gouvernement canadien compte doubler pour 2017 le nombre d'immigrants syriens au Canada, alors que les ONG sont à bout de souffle et incapables de répondre à la demande. Cherchez l'erreur.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2016

    @ monsieur Verrier
    Éclairez-moi svp. Dans ce texte lumineux sur l'évolution de la coopération internationale vers une lutte contre l'extrativisme, je ne vois nulle part quelque encouragement que ce soit à l'entrée exagérée de réfugiés. Quel est donc le but de votre commentaires ?

  • Gilles Verrier Répondre

    10 mars 2016

    Trotskisme «light», mais néanmoins trotskisme.
    Les équilibres nationaux ne se trouvent pas dans la politique des coopérants mais dans les rapports égalitaires entre pays. Les pays d'où nous viennent les immigrants ont tous les ressources et le potentiel pour assurer un bel avenir à leur population. Qui le nie est condescendant, voire un esprit colonialiste.
    Nous n'avions pas d'immigrants en provenace de la Syrie avant que les Étas-Unis, la Turquie, l'Arabie saoudite, la France et quelques poussières, ensemble et séparément, y foutent la merde. Trudeau a décidé d'en faire venir 25 000. Pourquoi pas 50 000, ou 100,000 puisque nous sommes dans l'arbitraire des nombres ? Or, quel que soit le cas, ça ne règle rien. L'immigration de masse, rédemption de la mauvaise conscience entretenue, est une construction idéologique impérialiste pour faire croire chez les uns et chez les autres que l'immigration est nécessaire alors qu'elle constitue le mal en soi.
    L'exode des populations n'est pas, absolument pas, la solution aux inégalités sociales et économiques mondiales. Loin de là. Il faut laisser les gens là où ils sont et les encourager à y faire leur vie. Les encourager à freiner des quatre fers à la tentation de la désertion nationale, comme leur père, mère et aïeux y ont résisté avant eux. Le déracinement que constitue l'émigration, en passe de devenir un fléau mondial incontrôlable, auquel on ne peut s'opposer sans être qualifié carrément de raciste par ceux qui sont à la manoeuvre, ne devrait pourtant qu'être exceptionnel et temporaire; car il ne constitue qu'une illusion de solution destinée à satisfaire l'hypocrisie des bonnes âmes entretenues à l'humanisme fleur bleu. Si la planète peut nous nourrir ici, elle peut être nourricière ailleurs. Une vérité toute simple et de toutes les époques. Cinquante ans plus tôt, les Syriens que nous accueillons, ceux en âge de combattre pour leur pays, seraient d'odieux déserteurs. Aujourd'hui, ce sont de pauvres victimes. Mais victimes de qui ?
    Les communistes qui accréditent l'immigration sont de piètres communistes, en tout cas dans le sens léniniste. Ils ont renoncé à la lutte des classes dans chaque pays comme source de l'internationalisme, pour l'inverser. Comme bien d'autres de «gauche», je suis méchant, ils ont renoncé à la lutte des classes pour la lutte du partage des travaux ménagers et ce qu'on appelle aujourd'hui le «droit de l'hommisme», l'agression impérialiste en habits du dimanche. Pour vous rendre justice, j'ai estimé vos analyses de la situation aux chantiers navals Davie. Effort appréciable d'analyse concrète de la situation concrète.

  • François Ricard Répondre

    10 mars 2016

    Avant de pouvoir être solidaire avec quelqu'un d'autre, il faut d'abord être, s'être assumé pleinement.
    Les gens d'un pays donné peuvent aider les gens d'un autre pays. Le Québec ne peut jouer ce rôle. Le Québec n'est qu'une province.
    Les pays peuvent réglementer la mondialisation sauvage qui a cours. Une province , non.
    Le Québec, sur le plan international, avant de pouvoir agir, doit d'abord y être. Et c'est ce que QS oublie trop facilement.

  • Robert J. Lachance Répondre

    10 mars 2016

    Une élection référendaire en 2018, le C dans le tableau de Pierre Bouchard ici, là,
    http://vigile.quebec/Referendum-initiateur-ou#comment115039
    au sens d’Option nationale, à la Catalane,
    http://www.optionnationale.org/actualites/option-nationale-adopte-la-stratgie-catalane
    ça me semble une orientation immédiate plus prometteuse, pour accélérer la graduation du Québec de province à pays, que celle d’un PQ en quête seul d’une majorité chez un électorat aux intérêts antagonistes.
    Ça n’empêche pas d’ici là, comme amuse-gueule, une aventure conjointe dans un référendum d’initiative populaire sur l’adoption d’un nouveau mode de scrutin.
    Mais à cette élection référendaire, il faudrait viser obtenir 60 % d’électeurs au total plutôt que 50 % + 1 et alors, il faut aller chercher la moitié de la CAQ d’un congrès national à l’autre d’ici 2018.