Trois jours après...

Tribune libre

Après cette défaite amère du Bloc Québécois par un NPD qui n’a pas de racines au Québec, il faut regarder l’ensemble de la situation politique avant de tirer certaines conclusions. Cette analyse en vaut une autre et je reconnais qu’elle est partielle et partiale. Malgré tout, je me livre à cet exercice.
Il faut faire certains constats :
a) Au Québec comme ailleurs, il y a une dépolitisation générale qui touche particulièrement les moins de 30 ans. Environ 40 % de la population ne vote plus. La politique ne fait pas partie de leurs vies. Le cynisme, la dérision, l’ignorance, la passivité et le simple désintérêt expliquent cette abstention. La politique est vécue comme un élément étranger qui ne les touche pas directement. Souvent aux prises avec des difficultés socio-économiques qui les étouffent, ils ont le sentiment que la chose politique va se faire sans eux et que leurs opinions ne comptent pas. Alors que les politiques sociales, fiscales, économiques façonnent leurs vies, cette population absente n’arrive plus à comprendre les liens évidents qui devraient les amener à se préoccuper de la chose publique.
b) Les élections sont devenues un événement très court (35 jours) qui permet l’éclosion de phénomènes socio-politiques dont le contenu est très peu questionné et qui ne sera pas confronté à la réalité. Sur ce plan, les médias, quatrième pouvoir dans société hyper-médiatisée, ne veulent n’y admettre ce pouvoir, ni, par conséquent se poser des questions éthiques sur leur influence qu’ils ont dans certaines couches de la population. Il m’apparaît que les personnes les plus exposées au battage médiatique surtout par la télévision et Internet peuvent être facilement manipulées et poser un geste politique sans réellement en mesurer les conséquences. Comment expliquer que le NPD triple ses appuis au Québec alors que le Bloc perd un tiers de son électorat en moins d’un mois ? Il est là, le véritable danger d’une concentration et convergence des médias : mettre en route un mantra : votons pour le sympathique Jack. Des milliers de personnes âgées placés en centres d’accueil au Québec rejoignent ici les jeunes de 18 à 30 ans qui ont choisi de voter majoritairement NPD.
c) Les résultats de l’élection du 2 mai nous démontrent aussi la méconnaissance que les Québécois ont de l’écart de perspectives politiques entre eux et le ROC. Les premiers se considèrent comme une nation reconnue et par conséquent, agissent avec un sentiment de sécurité quant à leur survie dans ce Canada qui, lui, a bien changé. Encore attachés à l’idée que la Confédération 1867 est née d’un pacte entre les deux nations fondatrices, ils ignorent que le ROC, aujourd’hui nous considère tout au plus comme un groupe ethnique qui fait partie de la grande mosaïque des groupes ethniques que forment le Canada. Par exemple, le problème de l’affaiblissement de la langue française à Montréal a été occulté par tous les partis fédéraux. Cet oubli devient remarquable quand des comtés à 98 % francophones élisent des candidats « népédistes » inconnus, unilingues anglophones. Il a là un danger de suicide collectif assisté par les partis et les médias.
d) Le maintien du Bloc à Ottawa relevait d’événements-choc. Meetch avait provoqué l’étincelle et le scandale des commandites avait maintenu la flamme. Mais en regardons d’autres nations, cet exemple d’une population qui renouvelle six fois son appui majoritaire à un parti qui ne prendra jamais le pouvoir est tout à fait exceptionnel. À part les Irlandais catholiques de l’Ulster qui renouvèlent le mandat de députés nationalistes qui n’iront pas siéger à Londres, je ne vois aucun autre phénomène comparable ailleurs en Europe et dans les Amériques. Même les noirs qui votent à 90 % pour le Parti Démocrate depuis au moins 50 ans, savent que l’arrivée au pouvoir de ce parti permettra l’avancée de certains politiques qui viendront soulager leur misère (discrimination positive, support à l’entrepreneurship noir, etc.). Si nous voulons maintenir le Bloc à Ottawa, il faut prendre acte du caractère exceptionnel de sa création et de son maintien pendant 20 ans, surtout dans nos sociétés occidentales individualistes dans lesquelles le pouvoir et l’argent sont des veaux sacrés.
e) Finalement, l’élément positif de cette élection, c’est le rejet clair des Québécois du Parti Conservateur du Canada et de ses politiques sociales, économique et internationales. Ce populisme de gauche me laisse pourtant un doute sur sa véritable consistance. De passer de l’ADQ en 2007 au NPD en 2011, ça démontre surtout que beaucoup de Québécois sont quelque peu déboussolés. À part l’Ontario qui a donné la majorité au gouvernement Harper en lui permettant d’aller chercher une vingtaine de comtés, il faut bien constater que les autres provinces n’ont absolument pas connu un telle tornade. Nous sommes vraiment une société distincte.
Cette analyse n’est qu’une tentative de comprendre ce qui s’est passé le 2 mai. Elle s’ajoute à bien d’autres. Il m’apparaît urgent que le mouvement souverainiste approche cet événement politique dans toute sa complexité pour pouvoir en tirer les conclusions qui permettront de mieux choisir le chemin à parcourir pour arriver à notre indépendance.


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