PORT PÉTROLIER À CACOUNA

TransCanada passe à l’action

Des travaux préparatoires débutent avant même le lancement de l’évaluation du projet Énergie Est

E583f503eb93f75bc9bdb55538e236ea

{{Et comme par hasard, tout de suite après l'élection d'un gouvernement Libéral}}

Avant même le début de l’évaluation du projet de pipeline Énergie Est, TransCanada lance ce vendredi les travaux en vue de déterminer où sera construit son port pétrolier à Cacouna, a appris Le Devoir. Cette première étape vers un projet d’exportation de pétrole des sables bitumineux n’est pas soumise à une étude environnementale, même si elle pose un risque pour la population de bélugas du Saint-Laurent.

Un document de Pêches et Océans Canada obtenu par Le Devoir révèle que TransCanada a mandaté l’entreprise CIMA + afin de réaliser des « levés sismiques » en milieu marin « dans le secteur du port de Cacouna ». « L’objectif est de déterminer la nature du fond marin afin de définir les structures nécessaires à l’établissement d’un terminal » pétrolier dans ce secteur.

Ces travaux doivent permettre à la pétrolière albertaine de préciser sa demande d’approbation de projet à l’Office national de l’énergie (ONE). Cet organisme fédéral est chargé d’évaluer tout le projet de pipeline Énergie Est, qui permettra de transporter dès 2018 plus d’un million de barils de pétrole chaque jour vers le Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec. C’est dans ce cadre que TransCanada entend construire un port à Cacouna afin de charger des navires de pétrole en vue de l’exporter. Avec ce projet, le Québec deviendra un joueur clé dans la mise en marché des sables bitumineux.

Les premières étapes en vue de la construction du port débutent un peu plus d’un mois après que TransCanada eut transmis la description de son projet à l’ONE. Le nouveau gouvernement du Québec n’a pas encore pris position dans ce dossier. Il n’a pas non plus annoncé s’il tiendra une évaluation environnementale du projet ni la forme que pourrait prendre celle-ci. Le premier ministre Philippe Couillard a toutefois dit qu’il était favorable au projet.

Décision inacceptable

« Cette décision de lancer des travaux avant même le début d’une éventuelle évaluation environnementale est inacceptable, a affirmé jeudi le directeur général de Nature Québec, Christian Simard. C’est comme si on présumait à l’avance de l’acceptation du projet. Il faut absolument que le gouvernement du Québec intervienne dans le dossier et stoppe les travaux. »

M. Simard a ainsi rappelé que la zone maritime de Cacouna, située dans l’estuaire du Saint-Laurent, constitue un écosystème particulièrement fragile. Un projet de zone de protection maritime (ZPM) est d’ailleurs présentement à l’étude, afin de bonifier l’aire protégée de la région. Du côté de la rive nord du Saint-Laurent, on compte déjà le Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent.

Président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins, Robert Michaud estime lui aussi que TransCanada brûle les étapes. « Le projet a été déposé à l’ONE le 4 mars et un mois plus tard, on planifie déjà des travaux alors que nous n’avons pas encore évalué le projet. C’est un projet majeur mené dans un habitat essentiel pour le béluga du Saint-Laurent. Le gouvernement canadien a d’ailleurs l’obligation de protéger cet habitat, en vertu de la Loi sur les espèces menacées. Je me serais donc attendu à ce qu’on prenne des précautions maximales. »

La création d’une éventuelle ZPM est en effet motivée en partie par le fait que ces eaux constituent un habitat « critique » pour la population de bélugas. C’est précisément dans le secteur de Cacouna que les femelles viennent mettre bas et que les jeunes bélugas passent les premières semaines de leur vie, en compagnie de leur mère. Elles arrivent généralement dès la fin du mois de mars. La période des naissances débute en juin et les femelles demeurent dans la zone jusqu’en octobre.

Or, selon ce qu’a précisé TransCanada, les travaux en milieu marin doivent débuter ce vendredi et s’échelonner sur 14 jours. Ils doivent donc en théorie être terminés le 2 mai. Le hic, a insisté M. Michaud, c’est que les bélugas sont déjà de retour dans ce secteur. Les travaux de levés sismiques prévus au cours des prochains jours posent donc « un risque sérieux » pour ces animaux.

Risques pour les bélugas

Un « avis scientifique » produit pour Pêches et Océans et obtenu par Le Devoir recommande de ne pas mener de travaux au-delà du 30 avril. Le document précise qu’une extension « pourrait nuire au rétablissement du béluga en le privant d’accès à une partie de son aire d’alimentation printanière durant une période qui semble cruciale pour la constitution des réserves énergétiques et la complétion du cycle annuel du béluga ».

L’avis conclut par ailleurs que la construction du port pétrolier « comprendra des travaux qui nécessiteront des activités très bruyantes (fonçage, usage d’explosifs) sur des périodes prolongées qui s’étendront sur plusieurs années, et qui risquent d’interférer avec les activités normales des bélugas et des autres mammifères marins utilisant le secteur ». C’est sans compter l’augmentation du trafic maritime lié aux passages fréquents des pétroliers.

Pour Robert Michaud, ce port pourrait même signer l’arrêt de mort de ces baleines blanches. « Est-ce qu’on peut construire un port pétrolier dans un habitat essentiel pour le béluga du Saint-Laurent ? Je suis convaincu que non. C’est un projet qui, s’il se réalise, se fera avec des impacts très importants pour les bélugas. En fait, ce choix d’emplacement risque d’être désastreux pour la population. » Déjà, a-t-il rappelé, le lent déclin de l’espèce est une réalité. Moins de 900 bélugas nagent actuellement dans le Saint-Laurent. Le recul est tel que leur statut devrait passer de « menacés » à « en voie de disparition ».

Le porte-parole de TransCanada, Philippe Cannon, a confirmé jeudi la tenue des travaux. Il a précisé que ceux-ci ont été confiés à l’Institut national de la recherche scientifique. M. Cannon a également souligné que des observateurs « expérimentés » du Réseau d’observation de mammifères marins « seront sur place pour surveiller les travaux et s’assurer que ceux-ci n’ont pas d’impact sur la présence possible de mammifères marins. Une surveillance aérienne sera aussi réalisée quotidiennement ».

En plus du nouveau port, la pétrolière envisage de construire 12 réservoirs pour stocker le pétrole qui arriverait par pipeline à Cacouna. Ce projet nécessitera la construction de plusieurs centaines de kilomètres de pipeline en sol québécois. Ce tuyau d’un mètre de diamètre passera sur le lit du Saint-Laurent, un peu en amont de Québec.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->