Publiée à l'origine par le Huffington post, le jeudi 13 février 2020, la tribune ci-dessous a provoqué une vive polémique. Au point que le site a décidé de la retirer. Même si la question que ce texte soulève est délicate, il faut pourtant pouvoir débattre de tout, de façon argumentée et civilisée. Voilà pourquoi nous avons choisi de le remettre en ligne, avec l'accord de son auteurs et des signataires. Depuis la première parution de ce texte, leur nombre a d'ailleurs bondi de 60 à près de 140. Précision utile : il ne s'agit aucunement d'une prise de position de la part de Marianne, qui reste ouvert aux avis contraires à ce texte. Parce que - il faut le rappeler à nouveau - le débat est essentiel.
Le collectif de colleuses d’affiches contre les féminicides se divise autour de la « question trans ». Il s’agit bien plus que d’une querelle de chapelles : au-delà du groupe des colleuses, c’est l’avenir du féminisme et des politiques d’égalité qui est en jeu.
La polémique a débuté lorsque des activistes ont profité de la visibilité de la méthode des collages pour imposer leurs propres slogans.
Leur propos était de condamner – en l’occurrence au « bûcher » – les dénommées « TERFs », acronyme signifiant : Trans Exclusionary Radical Feminist. De nombreuses féministes en effet considèrent que les personnes trans ne devraient pas être incluses dans les espaces réservés aux femmes et ne devraient pas être au centre de l’agenda féministe.
Les « femmes trans » sont-elles des femmes ? Autrement dit, suffit-il de s’autoproclamer femme pour pouvoir exiger d’être considéré comme telle ?
Comment une société peut-elle défendre les droits des femmes et œuvrer à l’égalité si le mot « femme » change de définition ?
Selon les féministes radicales et matérialistes, les femmes sont tout d’abord des êtres humains femelles. Elles ont un double chromosome X et, sauf malformation ou anomalie, elles ont un appareil génital qui permet la gestation et l’accouchement d’un enfant.
Les caractéristiques physiques liés à la procréation correspondent au sexe biologique, notion distincte de celle de « genre », qui désigne une construction sociale, et plus exactement un système d’oppression qui organise l’humanité en deux groupes, l’un dominant et exploitant l’autre.
Cette exploitation des femmes est intrinsèquement liée à leur biologie. Dans nos sociétés, les petites filles sont éduquées différemment des petits garçons ; en raison de leur sexe de fille. Les femmes sont collectivement et individuellement dévalorisées et réduites à un statut d’objet sexuel et de pourvoyeuse de soins ; en raison de leur sexe de femme.
Or les transactivistes, ennemis des « TERFs », ont une toute autre définition de ces termes. Pour eux, le genre est certes une construction sociale, mais il n’est pas lié au sexe. Une personne peut avoir un corps ou un autre, elle sera homme ou femme (ou autre…) en fonction de son ressenti. Si une personne déclare se sentir femme, elle est une femme. Si elle déclare se sentir homme, c’est le même principe qui s’applique. Le genre est une identité qui ne repose sur aucune base matérielle.
Il est des contextes où, en effet, le ressenti ne peut pas être contesté. Si je ressens une douleur physique ou morale, je suis la seule à pouvoir l’affirmer, et personne ne devrait le nier.
Être une femme n’est pas un ressenti. Cela correspond à une réalité physiologique très spécifique et à un vécu social tout aussi spécifique. Tout cela est réel. Dans nos sociétés, être une femme, c’est souffrir et être épuisée tous les mois mais devoir travailler comme si de rien n’était. C’est être considérée comme une proie potentielle dans l’espace public et comme une travailleuse bénévole dans l’espace privée. Ce statut repose sur la réalité de notre corps. Si je suis, entre autres, discriminée à l’emploi et sous-payée, ce n’est pas parce que je « me sens une femme », ni parce que j’ai une « identité » de femme, mais bien parce que chacun saura, en me voyant, que j’ai un corps de femme. Aucun « ressenti » ne pourra être équivalent à cette réalité.
Les « femmes trans » quant à elles, sont des personnes nées garçons, qui ont le plus souvent conservé un corps d’homme (dans 75% à 80% des cas en France, elles n’ont subi aucune intervention chirurgicale), mais qui affirment avoir une « identité de genre » de femme, et ainsi être des femmes au même titre que les êtres humains femelles qui ont un utérus et qui depuis leur naissance subissent la misogynie de notre société.
Si les « femmes trans » sont considérées comme des femmes, quel que soit leur corps ou leur apparence physique, alors le mot « femme » s’applique à qui le souhaite, même à des personnes ayant un corps et une apparence d’homme.
Or, dans une société encore patriarcale, les mots « femme » et « homme » doivent garder leur signification. Nous avons besoin de pouvoir mesurer les inégalités entre les sexes pour les dénoncer et surtout les corriger. Il nous faut pouvoir mettre en œuvre des politiques publiques et des mesures correctives qui s’adressent spécifiquement aux femmes.
Quel sens auraient les listes paritaires en politique, les programmes ciblés pour créatrices d’entreprises et femmes scientifiques, les compétitions sportives féminines… si des hommes peuvent s’y imposer d’une simple déclaration d’identité ?
Considérer les « femmes trans » comme des femmes pose des problèmes encore plus concrets. Quel que soit le ressenti de ces personnes, quelle que soit leur sincérité, les femmes n’ont pas le loisir de prendre le risque d’accepter des hommes dans les espaces non-mixtes : vestiaires de sport, toilettes publiques ou dortoirs d’auberges de jeunesse, mais aussi prisons et centres d’hébergement d’urgence pour femmes victimes de violences masculines.
Aucune féministe ne met en cause la souffrance des personnes qui ne se sentent pas « nées dans le bon corps ». Cela dit, nous devons veiller à préserver nos espaces et à ce que nos stratégies restent centrées sur les filles et les femmes. C’est la survie de notre mouvement qui est en jeu, et donc la survie de nos droits et de notre intégrité.
Christine Delphy, chercheuse et universitaire spécialiste du genre
Florence Montreynaud, historienne, co-fondatrice des Chiennes de garde, d’Encore féministes et de Zéromacho
Annie Sugier, physicienne, ex-MLF, co-fondatrice de la Ligue du droit des femmes, ex-présidente de la Ligue du Droit international des femmes, Commandeur de l’Ordre national du mérite
Marguerite Stern, ex-Femen, activiste à l’origine des collages contre les féminicides
Dora Moutot, journaliste et activiste
Marie-Noëlle Bas, présidente des Chiennes de garde
Diane Guibault, présidente de Pour les droits des femmes, Québec
Fatiha Boudjalat, enseignante et autrice féministe universaliste
Ana-Luana Stoicea-Deram, co-présidente de la Coalition internationale pour l'abolition de la maternité de substitution (CIAMS)
Catherine Morin Le Sech, membre de la Coalition internationale pour l'abolition de la maternité de substitution (CIAMS)
Francine Sporenda, universitaire et journaliste
Judith Tanné-Gariépy, docteure en neurosciences
Florence Humbert, enseignante
Claire Fougerol, kinésithérapeute et activiste
Rhéa Jean, philosophe
Lise Bouvet, philosophe et traductrice de textes féministes
Ibtissame Betty Lachgar, psychologue clinicienne et militante féministe
Françoise Morvan, féministe universaliste
Joana Vrillaud, fondatrice et coordinatrice du Collectif Abolition Porno Prostitution
Richard Poulin, éditeur
Dominique Nouet, militant pro-féministe
Catherine Moreau, experte RSE
Anne-Emmanuelle Lejeune, enseignante et militante féministe universaliste
Marie Josèphe Devillers, co-présidente de CQFD Lesbiennes féministes
M.P., psychologue clinicienne
Elaine Grisé, sexologue
Yaël Mellul, coordinatrice juridique du pôle d’aide aux victimes de violences au centre Monceau
Martin Dufresne, traducteur et blogueur pro-féministe
Flo Marandet, enseignante et militante féministe
Vincent Menauge, dessinateur de presse
Kelly Renaud, psychologue clinicienne
Marilou Clerc, bibliothécaire
Frédérique Ghroum, formatrice FLE et militante féministe
Isabelle Moisse, militante féministe
Martine Llanes, féministe et lesbienne radicale
Sofia Recham, militante féministe laïque
Karine Bertrand, enseignante, référente égalité à l'Education nationale
Françoise Mariotti, docteure en psychologie
Corinne Leriche, enseignante et militante féministe
Léna Trouvé, étudiante en sciences politiques et membre du collectif les Veilleuses
Céline Omer, créatrice et militante féministe
Stéphanie Fourrier, artiste plasticienne
Christelle Raspolini, co-fondatrice du Mouvement Ni putes Ni Soumises
Corinne Roche-Goy, traductrice de presse
Sylviane Francesconi, militante féministe
Marie-Hélène Vaurs, militante féministe
Jérôme P, militant pro-féministe
Isabelle Moulins, co-présidente du Centre Evolutif Lilith
Cathy Lavigne, cheffe d’entreprise
Clara Desfilhes, cheffe d'entreprise et militante féministe
Léa Champagne, géographe sociale et experte des questions égalité femme-homme
Annie-Ève Collin, philosophe
Chanta Faubert, militante féministe universaliste
Valérie Pelletier -Legal Tender, militante féministe radicale
Aude Exertier, avocate
Mathilde Naud, ingénieure et militante féministe
Laura O., sociologue
Anne-Marie Bilodeau, juriste, militante féministe universaliste
Nadia El-Mabrouk, membre de Pour les droits des femmes du Québec
Malika Mansouri, militante syndicale
Rose Sullivan, militante féministe
Hélène Lepennetier, étudiante monitrice éducatrice
Hélène Morin, militante féministe
Agnès Setton, médecin et militante féministe
Blandine Deverlanges, enseignante, militante féministe
Virginie Malthiery, militante féministe
Anissia Docaigne-Makhroff, juriste et activiste féministe
Stéphanie Charlier, responsable d'un centre de formation
Malvina Kuri, militante féministe
Claire Séna, bibliothécaire
Malvina Kuri, militante féministe
Muriel Petit, enseignante
Morgane Rickar, militante
Afaf Bessa, militante féministe
Mathilde Petit, militante féministe
Nathalie Mallet, psychologue
Martine Arrighi, militante pour la laïcité
Grace Slick, membre du Collectif les Sorcières du LAC
Anna Goldin, membre du Collectif les Sorcières du LAC
Solange Beaudouin, gestion financière, féministe
Cécile Chaudesaigues, gérante de société
Emeline Offenstein, féministe
Noemie Huart, animatrice en éducation permanente féministe
Adèle Sartre, universitaire
Alyson Quilichini, étudiante, activiste féministe
Carole Foret, conductrice de bus
Yasmine El Jaï, consultante et formatrice indépendante
Yannick Humbert-Droz, informaticien
Deborah Rozenblum, teinteuse de laine
Hélène Lorraine, militante féministe
Sara Martinez, militante féministe
Carolyne Gagné, enseignante
Martine Vaugien, maîtresse de conférence en géographie
Orianne Perie, psychologue sociale, sociologue des organisations de travail
Claire Dodé, ingénieure
Sandrine Rodriguez, assistante juridique
Agnès Rakovec, militante féministe
Camille Girard, auxiliaire de vie, militante lesbienne féministe
Nolwenn Sauvage, enseignante
Nathalie Clavaud, consultante indépendante
Christelle Rousseau, responsable RH
Claudine Salvaire, enseignante
Fiji Phoenix, militante survivante abolitionniste
Marie-Clotilde, Pirot, maitre de conférences et enseignante chercheure
Laurence Cavenne, psychologue clinicienne
Joyce Grall, free lance
Anne Mariotti, étudiante et militante féministe
Léa Colin, régisseuse d’œuvres d’art
Gaétane Adam, créatrice de vitraux
Tiffany Roussel, militante féministe et animaliste
Charline Beauvais, infirmière
Diane Ledent, artiste féministe
Gabrielle Blanchard, étudiante en histoire de l’art
Héloïse Beillevaire, scénariste
Aurore Van Opstal, journaliste féministe (Belgique)
Camille Giron, militante féministe
Annie Navorra, comédienne
Lilia Staphy, juriste
Emmeline Céron, redactrice correctrice
Janice Dodin, psychologue
Lise Roure, responsable d’un fonds d’aide à la création pour les disciplines du documentaire
Charline Beauvais, infirmière
Emeline Pouce, chargée d'affaires, féministe
Marika Bouton, militante féministe radicale, aide ménagère
Pablo Parrado, chef cuisinier
Laurence Martin, assistante de vie scolaire
Adrian S.Thiago, membre du collectif RadicalGirlsss
Dorothée Jolly, photographe
Nathalie Delattre, enseignante spécialisée, féministe radicale
Nadine Bretagnolle, militante
Coralie Millerioux, hôtesse de caisse, féministe
Martin Dandelot, commentateur sportif
Audrey Arnaud, cadre environnemental
Karine Toussaint, intervenante communautaire
Lohanna Proupin, employée en restauration
Amanda Leafy, membre du collectif les sorcières du LAC
Alix Nicolas, étudiante en droit
Lauren Da Costa, universitaire
Françoise Emma Roux, conservatrice en chef honoraire des bibliothèques, lesbienne radicale