(Québec) Le parcours de Philippe Couillard est ponctué de débats sur ses choix éthiques et moraux. Des éléphants dans la pièce. Notre chroniqueur François Bourque en a retenu cinq, dont voici le rappel des faits et des enjeux.
Son départ de la vie politique
Philippe Couillard démissionne du gouvernement Charest le 25 juin 2008. Il dit alors ne pas avoir d'emploi en vue.
La veille, il a fait adopter un second Règlement touchant les cliniques médicales privées.
Le 18 août, il se joint au fonds Persistance Capital Partners (PCP), un important fournisseur privé de services de santé.
Une enquête du Commissaire au lobbyisme a montré que M. Couillard avait discuté avec PCP plusieurs mois avant son départ et qu'une entente avait été conclue le 17 mai 2008.
Pourquoi M. Couillard l'avait-il cachée et a-t-il été influencé par son futur employeur?
L'enquête n'a trouvé aucune preuve que PCP a tenté d'influencer M. Couillard sur les cliniques privées.
Le Conseil exécutif estimera pour sa part que M. Couillard n'était pas en conflit d'intérêts et pouvait accepter l'emploi chez PCP.
Cela n'empêchera pas un vigoureux débat à l'Assemblée nationale et sur la place publique.
Dans La machine Couillard, publié en 2013 par Alec Castonguay de L'actualité, l'ex-ministre fait son mea culpa.
«C'était une erreur. J'ai souvent pensé que ma façon de m'en aller avait manqué d'élégance... une part de moi veut réparer cette sortie.»
Ses liens avec Arthur Porter
1. Couillard, Porter et associés
Le 22 juin 2010, Philippe Couillard fonde avec Arthur Porter l'entreprise Couillard, Porter et associés.
Le Devoir vient de révéler que l'entente n'était pas légale, car le Dr Porter avait une obligation d'exclusivité envers le Centre hospitalier McGill (CUSM).
Il appert que l'ex-ministre de la Santé avait pris la parole de M. Porter selon lequel tout était dans l'ordre.
L'entreprise visait des mandats de conseil à l'étranger. Dans les faits, elle n'a réalisé aucune activité et a été dissoute le 4 octobre 2012.
Au dernier débat, M. Couillard dira que l'entreprise n'a «jamais existé», ce qui est au sens strict inexact.
En décembre 2011, Arthur Porter est forcé de démissionner du CUSM. En fuite au Panamá, il est arrêté en mai 2013 pour des accusations de corruption.
Personne à l'époque n'avait décelé les agissements de l'ex-directeur du CUSM.
MM. Couillard et Porter se connaissaient pourtant bien et se fréquentaient dans des activités sociales.
M. Couillard tentera de minimiser la relation en parlant d'une «bonne connaissance». Cela décevra M. Porter, qui voyait plutôt M. Couillard comme un «ami inconditionnel».
2. Canadian Royalties
Au printemps 2009, MM. Couillard et Porter accèdent au C. A. de Canadian Royalties, une compagnie minière qui souhaite relancer un projet de mine de nickel au Nunavik.
Le président Glenn J. Mullan explique à l'époque au magazine Les Affaires qu'il compte sur les réseaux de M. Couillard au Moyen-Orient et de M. Porter au Sierra Leone pour trouver le financement qui lui manque (350 millions $).
En juin 2010, Canadian Royalties est l'objet d'un recours collectif d'actionnaires mécontents qui accusent ses dirigeants de fausse représentation. L'homme qui avait recruté MM. Couillard et Porter, Glenn J. Mullan, compte parmi les personnes poursuivies.
3. Golden Valley
En 2009, Arthur Porter est nommé au C. A. d'une autre minière, Golden Valley, et deviendra cette même année conseiller du président du Sierra Leone, son pays d'origine. Golden Valley obtiendra alors un permis d'exploitation pour de l'or et des diamants. Le Sierra Leone compte alors (et encore) parmi les pays les plus pauvres et les plus corrompus du monde.
Philippe Couillard n'a rien à voir avec Golden Valley. On note cependant que M. Porter était actif au Sierra Leone à l'époque où il a fondé Couillard Porter. Il serait étonnant que M. Couillard n'ait rien su des activités de son partenaire.
Sa nomination au CSARS
En juin 2010, Philippe Couillard est nommé au comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité du Canada (CSARS). Arthur Porter en est alors le président.
M. Couillard a dit croire qu'il était «peu probable» que M. Porter ait eu quoi que ce soit à voir avec sa nomination.
Tous les experts de sécurité interrogés par les médias sont cependant convaincus du contraire.
M. Couillard est à cette époque membre du conseil consultatif international du ministre de la Santé d'Arabie Saoudite.
Son double mandat a soulevé des questions d'éthique, notamment dans le National Post, qui s'intéresse à l'affaire. L'Arabie Saoudite n'est-elle pas considérée comme un foyer d'organisation et de financement du terrorisme, sans parler des droits de l'homme?
En novembre 2011, Arthur Porter est forcé de démissionner du CSARS à cause d'une apparence de conflit d'intérêts venant de ses relations au Sierra Leone.
Deux jours plus tard, M. Couillard est interrogé par le National Post. «Je ne vois pas de lien entre les deux rôles... C'est difficile de voir un conflit d'intérêts direct, à moins de voir un conflit dans le fait que je reçoive un paiement d'un gouvernement étranger.»
M. Couillard précisera n'avoir jamais entendu de dossiers touchant l'Arabie Saoudite.
La Presse rapporte que des vérifications de sécurité sur M. Couillard ont conclu que son poste «ne constituait pas un conflit d'intérêts», puisqu'il était «lié à la santé et non aux enjeux de sécurité». Il siégera au CSARS jusqu'en octobre 2012.
Son rôle en Arabie Saoudite
Philippe Couillard a travaillé à deux reprises en Arabie Saoudite. La première à Dharam (1992-1996), où il a contribué à créer le Service de neurochirurgie de l'entreprise pétrolière Aramco. La seconde au début des années 2010, où il a agi comme conseiller du ministre de la Santé.
Personne n'a songé un instant que M. Couillard, un humaniste, puisse être d'accord avec les exactions du régime saoudien, qui offre un des pires bilans sur la planète pour les droits de l'homme.
Mais un candidat premier ministre peut-il être à l'aise de s'être enrichi au service de ce gouvernement?
C'est «important de questionner» ces choix, croit le professeur d'éthique politique André Lacroix, de l'Université de Sherbrooke.
Il y a une différence, dit-il, entre servir comme coopérant humanitaire dans un pays sous dictature et conseiller un ministre qui est partie prenante de cette dictature.
Interrogé par La Presse en janvier 2013, M. Couillard a expliqué avoir une «affection» pour le peuple arabe. Il disait avoir côtoyé en Arabie des «gens qui pensent comme moi, qui veulent que leur pays progresse, qui sont convaincus de la nécessité d'éloigner la religion de l'administration de l'État». Qui sait, peut-être des partisans d'une charte de la laïcité.
Son argent dans un paradis fiscal
Philippe Couillard a détenu de 1992 à 2000 un compte à l'île Jersey, un paradis fiscal connu pour l'étanchéité du secret bancaire.
L'affaire a été révélée cette semaine par l'émission Enquête de Radio-Canada. M. Couillard affirme avoir placé 600 000 $ provenant de revenus gagnés en Arabie Saoudite.
À son retour au Canada, il a fait une déclaration volontaire sur l'existence du compte. Il a payé des impôts sur les intérêts, mais pas sur le capital, en toute conformité avec la loi.
Un neurochirurgien qui coûté 800 000 $ à former au Québec aurait-il dû payer des impôts sur ses revenus gagnés en Arabie Saoudite?
M. Couillard aura-t-il la crédibilité et la volonté de lutter contre l'évasion fiscale? Quel exemple cela donne-t-il aux Québécois?
Les questions, teintées par la campagne électorale, sont nombreuses.
Un porte-parole de M. Couillard a expliqué que celui-ci était allé à l'île Jersey «parce qu'il voulait faire affaire avec une banque canadienne».
Personne ne l'a cru. La probabilité est que M. Couillard soit allé à l'île Jersey pour « sauver » de l'impôt.
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