Plus de 14 ans après les attentats du 11 septembre 2001, les mots alors controversés de George W. Bush semblent être devenus mot d’ordre pour les dirigeants des pays membres de l’OTAN, de gauche comme de droite : « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes. » D’un côté, la civilisation ; de l’autre, la barbarie.
L’attentat brutal et insensé perpétré à Paris le 13 novembre a malheureusement permis de constater à quel point cette logique manichéenne est désormais enracinée dans les esprits. Sans même qu’on ait à en remonter le ressort, le mécanisme se met en marche tout seul, activant la réaction réglée d’avance de nos dirigeants : déclarations empesées (du genre « nous ne céderons pas devant l’islamofascisme », « il faut défendre nos valeurs ») ; mesures de surveillance et de sécurité renforcées pour lutter contre « l’ennemi intérieur » ; bombardements en pays musulmans.
Tout se passe comme si la théorie du « choc des civilisations », imaginée par le politologue Samuel Huntington, en 1993, était une prophétie auto-réalisatrice, modelant le monde à son image. Et l’idée simpliste que l’Occident et l’islam forment des blocs civilisationnels immuables condamnés à s’affronter en raison d’incompatibilités culturelles inconciliables est arrivée à s’imposer comme le grand récit hégémonique censé expliquer l’ordre — ou plutôt le désordre — mondial actuel.
Que cette théorie fumeuse — taillée sur mesure pour justifier la politique impérialiste des néoconservateurs étasuniens au sortir de la guerre froide — soit devenue réalité à coups d’ingérences, d’invasions et de bombardements occidentaux (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie) ne semble plus avoir d’importance. Dans un contexte où, en Occident, l’État se replie sur ses prérogatives régaliennes depuis des décennies et où l’industrie de l’armement et de la sécurité (des secteurs de pointe, dit-on) occupe une place croissante dans nos économies, comment pourrait-il en être autrement ? Du reste, la spirale de violence potentiellement infinie qui en résulte a réussi à implanter, en Occident, une aversion, voire une haine de l’islam susceptible de disculper toutes les violences futures. Un exemple éloquent : nombreux sont ceux qui, parce que leur religion les rend suspects de terrorisme, seraient prêts à laisser mourir en mer ou en zones de guerre des milliers de réfugiés fuyant des conflits que nous avons soit provoqués, soit fait empirer.
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