Pour une rare fois lundi, l’opposition officielle a osé remettre en question le travail du gouvernement Legault en temps de crise sanitaire. Elle exige à présent une reprise des travaux parlementaires dès la semaine prochaine.
Jusque-là, le Parti libéral du Québec (PLQ) s’était toujours gardé de critiquer le gouvernement caquiste pour sa gestion de la crise de la COVID-19.
Mais devant «l’horreur» vécue par les résidents du CHSLD privé Herron, à Dorval, le chef de l’opposition officielle, Pierre Arcand, a choisi d’intervenir lundi en publiant une lettre ouverte.
La lettre, dont La Presse canadienne a obtenu copie et qui paraît après un week-end de Pâques où les libéraux ont tenu deux réunions, s’intitule «Des inquiétudes depuis plusieurs semaines».
«Nous croyons qu’il doit y avoir une plus grande transparence quant à l’état des lieux pour chacun des CHSLD tant publics que privés, peut-on y lire. Ces informations auront pour effet de donner l’heure juste au public.»
Une enquête policière a récemment été déclenchée concernant la situation au CHSLD Herron, où pas moins de 31 décès ont été enregistrés sur un total de 150 résidents depuis le 13 mars.
Le CHSLD Ste-Dorothée à Laval, les résidences Floralies à Lasalle, le centre d’hébergement Notre-Dame-de-la-Merci à Montréal et le CHSLD Laflèche à Shawinigan sont également durement éprouvés par la crise.
Bien que pressé de questions à ce sujet, M. Legault n’a toujours pas dévoilé le portrait précis de la situation dans chacun des 2600 établissements pour personnes âgées de la province.
En entrevue avec La Presse canadienne lundi, M. Arcand a exigé du premier ministre qu’il rende des comptes à l’Assemblée nationale.
Il dit se questionner notamment sur la décision de libérer 8000 lits dans les hôpitaux, alors que c’est dans les résidences pour personnes âgées que le pire s’est produit.
Les trois oppositions unies
Dans une lettre dévoilée en soirée, lundi, les trois leaders de l’opposition à l’Assemblée nationale réclament la reprise des travaux parlementaires dès la semaine prochaine.
S’il n’est pas possible de siéger à Québec, ils exigent qu’un parlement virtuel permette aux élus de faire leur travail et d’interroger le gouvernement dès la semaine prochaine.
La missive de trois pages est adressée au leader du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, et au président de l’Assemblée nationale François Paradis.
Dans cette lettre, les oppositions rappellent qu’elles ont donné leur accord, le 17 mars, à une suspension des travaux jusqu’au 21 avril.
«Un mois plus tard, alors qu’émergent des débats de société importants, il nous apparaît essentiel de relancer le débat démocratique», peut-on lire en guise d’introduction.
On souligne que les prochaines semaines vont nécessiter la prise de «décisions cruciales» qui vont déterminer l’avenir du Québec. On cite notamment les soins et les conditions d’hébergement des aînés; les renforts pour appuyer le personnel de la santé; comment redémarrer l’économie; comment affronter la récession; et comment redresser le déficit créé.
«La crise de la COVID-19 est déjà plus qu’une crise sanitaire, elle se double d’une crise économique et de défis sociaux qui appellent des solutions politiques», poursuivent les leaders.
Ils insistent sur l’importance de la diversité des points de vue pour faire avancer la réflexion.
«En ces temps incertains, aucun parti ni aucun dirigeant ne peut prétendre détenir la vérité unique», écrivent-ils.
Les oppositions disent proposer un modèle virtuel allégé pour assurer que le gouvernement soit soumis à une reddition de comptes avant la reprise des activités au parlement.
Ils suggèrent quatre séances d’échanges virtuels publics de quelques heures avec les principaux ministres concernés par la crise.
En entrevue à La Presse canadienne, le chef de l’opposition libérale, Pierre Arcand insiste sur l’importance de mener une réflexion collective sur la manière dont le Québec souhaite traiter ses aînés.
Legault ne veut pas débattre avec les oppositions
Le premier ministre a balayé la demande de M. Arcand lundi en conférence de presse. Il a indiqué qu’il n’avait aucune intention de débattre avec les partis d’opposition pendant la crise de la COVID-19.
Il a affirmé tenir deux réunions téléphoniques par semaine avec les chefs d’opposition, à tous les lundis et jeudis, durant lesquelles il dit prendre le temps de répondre à leurs questions.
« En ces temps incertains, aucun parti ni aucun dirigeant ne peut prétendre détenir la vérité unique »
— Les trois leaders de l’opposition à l’Assemblée nationale
M. Legault demande par ailleurs aux partis d’opposition de laisser travailler ses ministres. «Je ne pense pas que ce serait une bonne idée (...) de prendre des heures pour répondre aux questions», a-t-il dit.
«Je discute avec les chefs d’opposition de certaines méthodes alternatives pour qu’ils puissent poser des questions à certains ministres, mais comme je leur répète depuis quelques jours, pour l’instant, je ne pense pas que c’est une bonne idée. Il faut tout concentrer les énergies de nos ministres à régler la crise plutôt que de répondre aux questions», a-t-il ajouté.
M. Legault rappelle que de toute façon, il se rend disponible presqu’à tous les jours pour répondre aux questions des journalistes. Il a suggéré aux partis d’opposition de passer par les journalistes pour poser leurs questions.
«Je suis certain que les chefs d’opposition pourraient vous en passer quelques-unes», a-t-il lancé aux correspondants parlementaires présents dans la salle.