Si vous êtes fatigué, allez vous coucher!

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«Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu!» - Brecht

Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre
Jacques Beauchemin est fatigué, nous apprend Le Devoir du 8 juin. Bien plus, ce serait « le Québec d’aujourd’hui qui est fatigué de se poser la question de son devenir ». C’est du moins la thèse qu’il soutient dans son livre « La Souveraineté en héritage », dont Le Devoir publie un extrait dans la même édition.
Dans cet extrait, Jacques Beauchemin oppose les valeurs progressistes de la gauche à l’indépendance nationale. Le peuple québécois, incapable de réaliser le « désir d’achèvement national inscrit pourtant en lettres de feu sur l’horizon de notre histoire », aurait mis au point, selon lui, une « stratégie d’évitement » pour s’offrir « l’image rassurante du sujet ouvert, de gauche, féministe, pacifiste et écologiste ».
Selon Beauchemin, « nos certitudes progressistes et notre tendance générale à nous situer du bon côté des choses ne sont peut-être que la figure inversée de notre ambivalence identitaire ».
Le PQ a tourné le dos à la gauche
À notre avis, le problème réside plutôt dans le refus des dirigeants souverainistes de porter les aspirations et les revendications progressistes du peuple en montrant que l’indépendance nationale est la condition sine qua non de leur réalisation.
Le Parti Québécois, sous la direction d’André Boisclair et de Pauline Marois, a tourné le dos à la gauche et s’est ancré dans une stratégie inspirée de la droite néolibérale (« Créer de la richesse ») dans le but de conquérir l’électorat adéquiste-caquiste.
Il en est résulté une désaffection de la base progressiste du parti, qui s’est reflétée par une perte de clientèle au profit de Québec solidaire mais, surtout, par l’augmentation du nombre d’abstentionnistes.
Il est connu que le Parti Québécois gagne quand le taux de participation est élevé et perd quand il est faible.
Une éclaircie à gauche, avec l’appui donné au mouvement étudiant, a permis l’élection d’un gouvernement péquiste minoritaire. Mais la direction du parti a imposé l’analyse contraire aux faits ! Selon elle, cet appui avait empêché l’obtention d’une majorité!
Après quelques mesures progressistes (fermeture de Gentilly, fin de l’exploitation de l’amiante, abolition de l’augmentation des droits de scolarité, etc.), le gouvernement Marois est revenu aux politiques néolibérales, avec le budget Marceau, et à un succédané du projet indépendantiste, la « gouvernance souverainiste ».
Encore une fois, il y avait la volonté de séduire la clientèle de la CAQ, dont on oublie trop rapidement qu’elle a voté NPD, lors des dernières élections fédérales! Les résultats de la dernière campagne électorale ont, une nouvelle fois, démontré le cul-de-sac de cette stratégie.
Le Québec dans l’Histoire
Plutôt que de désespérer de son peuple, comme Jacques Beauchemin, il faut situer son combat pour l’émancipation nationale dans son contexte historique et mondial.
Jacques Beauchemin devrait savoir qu’il ne faut pas mesurer le développement historique à l’étalon de sa propre vie. Karl Marx écrivait que « dans les grands développements historiques, vingt années ne sont pas plus qu'un jour, bien que, par la suite, puissent venir des journées qui concentrent en elles vingt années ».
Le Québec ne se situe pas en-dehors de l’Histoire et il a connu, lui aussi, de ces « journées qui concentrent en elle vingt années ». Ce fut le cas lors de la lutte des Patriotes de 1837-1838, qui s’inscrivait dans le mouvement des indépendances en Europe et en Amérique latine.
Plus près de nous, lors de la Révolution tranquille – notre participation au grand mouvement de décolonisation et de politiques keynésiennes de l’après-guerre – il y a également eu de ces « journées qui concentrent en elles vingt années ». Mentionnons le 22 juin 1960, le 15 novembre 1976, le 20 mai 1980 et le 30 octobre 1995.
L’exemple de l’Écosse
Aujourd’hui, nous assistons à une résurgence des mouvements nationaux dans les pays industrialisés avec l’Écosse et la Catalogne.
Des dirigeants péquistes ont célébré l’extraordinaire campagne menée par les nationalistes écossais. Ils en ont tiré, avec raison, la leçon qu’il fallait préparer un solide argumentaire en faveur de l’indépendance. (Ce que Mme Marois avait refusé de faire, en faisant battre une résolution dans ce sens de Mme Lisette Lapointe).
Mais ces mêmes dirigeants semblent faire peu de cas du fait que le succès des nationalistes écossais tient à une campagne menée résolument à gauche.
Un nouveau rendez-vous historique
Dans les prochains mois, deux luttes importantes seront à l’ordre du jour. Deux luttes où le Québec s’inscrit à nouveau dans un mouvement plus large, un mouvement mondial.
La première est la lutte contre les inégalités sociales, avec le Front commun du secteur public comme figure de proue.
La deuxième est la lutte pour la survie de la planète, où le Québec peut apporter une contribution inestimable en refusant de devenir le lieu de passage par oléoduc, trains et bateaux du pétrole sale de l’Alberta.
Là encore, comme dans les luttes précédentes, la victoire n’est pas assurée. Elle dépend de plusieurs facteurs, dont le rapport de forces à l’échelle nord-américaine et mondiale.
Mais elle dépend aussi et surtout de notre mobilisation et de l’habileté politique de nos leaders, qui devront montrer que la seule véritable issue aux mobilisations populaires est l’indépendance nationale.
Aux fatigués, nous dédions ces paroles de Bertolt Brecht : « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu! »
Tout en rappelant, comme le disait avec humour Brecht, que l’alternative est de « dissoudre le peuple »!


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