Ce qui me frappe le plus cette semaine, c'est que c'est une très dure semaine pour Jean Charest. D'abord, la semaine a commencé alors qu'on continuait à remettre en question la raison qu'il avait invoquée pour déclencher des élections, c'est-à-dire l'économie. Déjà la semaine dernière, il avait démontré que sa plate-forme économique n'était pas foncièrement différente de celle de son principal adversaire, le PQ, et on a ensuite passé quelques jours à débattre sur la question de savoir s'il avait laissé derrière lui un déficit ou non.
Ensuite, les libéraux ont perdu le débat sur le débat. Ils ont fait l'erreur de passer deux jours à donner l'impression qu'ils ne voulaient pas de débat. Pour quelqu'un qui réclame des élections, ce n'est pas une impression qu'on veut laisser derrière soi. Le débat doit par ailleurs être réservé aux représentants des partis qui jouent un rôle significatif dans la gouvernance ou qui sont sur le point de le faire. Temps (sic) que Québec solidaire ou le Parti vert ne réussiront pas à faire élire un député, je ne pense pas qu'ils acquerront le droit de participe au débat.
M. Charest a également eu un problème sur la question de la santé. En 2003, c'était une priorité telle qu'il en parlait tous les jours, mais il a complètement oublié d'en parler cette fois-ci alors que la situation globale ne s'est pas améliorée de façon significative. En se contentant d'accuser Pauline Marois d'en être responsable, M. Charest a fait quelque chose de très dangereux, ce qui n'a pas eu pour l'instant tout l'impact négatif que cela aurait pu avoir. Non seulement accuser les gouvernements Bouchard et Landry est un peu léger après six ans de pouvoir, mais il est très dangereux de pointer Mme Pauline Marois du doigt. D'abord, elle n'a été ministre de la Santé que pendant une partie de cette période, et elle ne l'était pas lorsqu'il y a eu les coupures budgétaires. Si Pauline Marois n'est pas devenue chef au moment du départ de Lucien Bouchard, c'est précisément parce qu'elle était plus concentrée sur la défense des budgets de la santé que sur la course à sa succession. Il est quand même un peu bizarre que M. Charest accuse aussi directement Mme Marois de quelque chose qui la dépassait largement. Ce faisant, il n'est pas loin de s'exposer à se faire accuser d'acharnement.
M. Dumont a quant à lui eu une semaine paradoxale. S'il est très bon à la télévision et donne l'impression de quelqu'un qui est au maximum de sa forme, on a néanmoins l'impression qu'il en fait trop. Mario Dumont fait la démonstration que sa présence est utile, agréable, voire divertissante... mais pas au gouvernement. Sur le site Web, Mario Dumont a eu rapidement la bonne réaction. Mais l'épisode renforce l'impression, auprès de l'électorat, que les membres de l'ADQ sont une bande de jeunes adultes pas complètement responsables. Les meilleurs moments de Mario Dumont se sont déroulés dans le contexte où des travailleurs de l'usine d'Abitibi-Bowater de Donnacona étaient très fâchés pour des raisons économiques contre Jean Charest. Ça frappait l'imagination.
Mme Marois réussit pour l'instant à tirer son épingle du jeu, mais elle n'a pas encore dominé. Compte tenu de la faiblesse de ses adversaires, Pauline Marois devrait arriver à dominer le débat et à imposer ses thèmes.
***
Jean-François Lisée est directeur exécutif du CERIUM et ancien conseiller des premiers ministres Jacques Parizeau et Lucien Bouchard.
Semaine difficile pour Jean Charest
Élection Québec - 8 décembre 2008
Jean-François Lisée297 articles
Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.
Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québ...
Cliquer ici pour plus d'information
Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.
Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé