Sauvetage de GCM: Québecor exigeait que deux employés sur trois soient licenciés

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Un plan de rachat qui aurait sauvé Le Soleil


Les deux tiers des employés des six quotidiens de Groupe Capitales Médias (GCM) auraient dû être licenciés si la proposition de Québecor avait été retenue pour le sauvetage du groupe en difficulté financière.


Avant de prendre GCM sous son aile, Québecor tenait aussi à ce que les conventions collectives soient renouvelées partout et que les rationalisations d’emplois soient décidées et annoncées – les deux tiers des quelque 350 employés permanents étaient en jeu et Québec devait assumer les indemnités de départ. Sans injecter de fonds supplémentaires, on demandait aussi à ce que la dette de 10 millions envers le gouvernement soit radiée et que les baux des édifices occupés par ces journaux soient résiliés, à la charge du gouvernement.




 



Selon les informations colligées par La Presse au cours des derniers jours auprès de plusieurs personnes proches de ces tractations, le gouvernement Legault, par la voix de son ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, avait dans un premier temps refusé de verser 5 millions supplémentaires au groupe dirigé par Martin Cauchon, qui réclamait un « bridge » financier pour se rendre à la fin de l’année.


Québec exigeait que GCM se place à l’abri de ses créanciers pour qu’on trouve une solution à plus long terme aux problèmes du groupe – GCM avait déjà, l’année précédente, bénéficié d’une aide financière de 10 millions accordée par le gouvernement Couillard.


 

Martin Cauchon voulait éviter qu’une faillite entache son parcours professionnel. C’est GCM qui a sollicité Québecor pour examiner un scénario de reprise – Martin Cauchon et Pierre Karl Péladeau auraient été rencontrés séparément d’abord, au ministère de M. Fitzgibbon.


Lourdes conditions


Les conditions posées par Québecor pour prendre le contrôle des six journaux en panne financière étaient lourdes. Outre la rationalisation, Québecor demandait que ces licenciements soient annoncés et se fassent avant de prendre effectivement le contrôle de GCM. Les indemnités de départ pour environ 200 salariés mis au chômage, une dizaine de millions, devaient être assumées par les fonds publics.




 



M. Péladeau tenait aussi à ce que de nouvelles conventions collectives soient conclues avec les 14 syndicats accrédités au sein des quotidiens avant le 29 août. Pas question de plancher d’emploi ; en regroupant une série de services avec ceux de Québecor, il prévoyait que les journaux pourraient être publiés avec environ le tiers des effectifs actuels. 


Dans le cadre des échanges, M. Péladeau a fait valoir, selon nos informations, qu’avec la fusion de la propriété, bien des emplois deviendraient, à l’évidence, inutiles. Pas besoin de payer deux vendeurs de publicité dans un marché où Québecor est déjà implanté avec un journal, comme à Québec ou dans des villes où TVA sollicite déjà des annonceurs. Même chose pour les photographes dans certains marchés.


Ces nouvelles conventions auraient en même temps modifié les régimes de retraite des employés maintenus en poste. En commission parlementaire, Claude Gagnon, nouveau patron de GCM, a soutenu que le déficit actuariel des fonds de retraite du groupe était de 65 millions. Une affirmation qui doit être nuancée, confie-t-on ; avant la plongée de la Bourse de la fin de 2018, ce déficit était bien moindre. La plongée boursière de décembre 2018 avait creusé le déficit de 17 millions ; depuis, les marchés ont repris le terrain perdu  – les 65 millions reflètent la situation au pire moment, au 31 décembre 2018.


Radiation de la dette réclamée


Déjà, Transcontinental, qui imprimait les quotidiens, mettait énormément de pression pour qu’on lui rembourse une créance de plus de 800 000 $. Québecor s’était dit disposé à imprimer tous les journaux, au pied levé, si ce créancier cessait de les publier. Patricia Lemoine, porte-parole de Transcontinental, a soutenu que l’imprimeur n’avait jamais fait de « menaces » à GCM. Mais tous les fournisseurs doivent « gérer leur risque », note-t-elle.




 



Québec a consenti à la fin d’août une aide d’urgence de 5 millions pour accorder un répit à GCM jusqu’en novembre, un délai pour dénicher un ou des repreneurs pour les quotidiens sous respirateur artificiel.


Québecor ne mettait pas d’argent dans le sauvetage et exigeait aussi que Québec radie la dette de 10 millions apparue quand Investissement Québec était venu à la rescousse de GCM, sous le gouvernement Couillard.


Le gouvernement Legault devait aussi assurer le financement des activités des quotidiens le temps que Québecor fasse une vérification exhaustive des livres du groupe.


Les 10 millions devaient permettre au groupe de traverser l’année 2019, mais les revenus publicitaires avaient plongé bien plus rapidement que prévu au cours des derniers mois, explique-t-on.




 



Cette radiation de la dette « garantie » aurait été réclamée aussi par d’autres acheteurs éventuels, explique-t-on. L’enjeu touche également les fournisseurs non garantis, à qui Groupe Capitales Médias doit plus de 20 millions. Ceux qui ont évalué la reprise de GCM, en tout ou en partie, ont également constaté que le groupe avait déjà dépensé des sommes tirées des abonnements de l’année, dont une partie reste à honorer.


En outre, le gouvernement aurait eu à faire encore des chèques pour obtenir la résiliation des baux pour les édifices occupés par les journaux du groupe acculé à la faillite. Pour certains journaux, indique-t-on, Groupe Capitales Médias a accepté des loyers bien supérieurs à ce que demandait normalement le marché local.


Martin Cauchon n’a pas rappelé La Presse. Coups de fil et courriel à Québecor ont connu le même sort.




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