Royaume-uni: victoire en vue pour Boris Johnson

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Face aux travaillistes divisés, les conservateurs défendant le « Brexit sans accord » ont le champ libre


C’est plié ! Alors que les 160 000 membres du Parti conservateur ont déjà commencé à voter, rien ne semble pouvoir arrêter la victoire qui fera, dès mardi, de Boris Johnson le nouveau premier ministre britannique. Tandis que les sondages lui accordent plus de 70 % des voix, un indice ne trompe pas. Son seul adversaire dans cette course, le ministre des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, semble lui avoir déjà accordé la victoire. Lors de sa dernière assemblée, il a reconnu qu’il accepterait de participer à un Conseil des ministres dirigé par Johnson. Un revirement, étant donné que, lors du premier débat télévisé, c’est lui qui avait lancé à Johnson sur un air de défiance qu’il se ferait un plaisir de lui offrir un poste de choix dans son prochain cabinet.


Pourtant, Boris Johnson est en voie de passer à la postérité comme étant le premier chef de gouvernement britannique à avoir subi une défaite au Parlement avant même d’avoir été intronisé premier ministre. En effet, à quelques jours de son élection, le Parlement vient de voter une résolution qui pourrait empêcher le futur premier ministre de suspendre le Parlement à l’approche de l’échéance du 31 octobre, date à laquelle le Royaume-Uni quittera automatiquement l’Union européenne si aucun accord n’est conclu d’ici là. « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir depuis ma position pour m’assurer que le Parlement bloque un Brexit sans accord », a assuré le ministre des Finances de Theresa May, Philip Hamond.


Cette résolution de la dernière chance a été soutenue par 46 députés conservateurs, certains évoquant même la possibilité que le Parlement demande à la reine de se rendre à Bruxelles pour demander un report de l’échéance. Un scénario considéré à Londres comme complètement farfelu et avant tout destiné à rappeler au futur premier ministre combien les députés sont opposés à toute forme de sortie de l’Union européenne sans accord.


Un joueur de poker ?


Pourtant, de l’avis général, rarement les possibilités d’un « No Deal » n’ont été aussi fortes que depuis le dernier débat public entre Boris Johnson et Jeremy Hunt tenu cette semaine dans les locaux du quotidien The Sun. Le favori n’a pas hésité à affirmer qu’il ne se laisserait pas imposer quelle que forme que ce soit de « backstop », ce filet de sécurité qui maintiendrait le Royaume-Uni ou l’Irlande du Nord dans le marché européen tant qu’une solution n’a pas été trouvée afin d’éviter les contrôles douaniers entre les deux Irlande, comme le prescrivent les accords de paix du Vendredi saint.



Tous les chemins mènent finalement à la confrontation avec l’électorat que [Boris Johnson] a promis d’éviter




Selon l’éditrice adjointe du quotidien londonien The Telegraph, Isabel Hardman, il y a aujourd’hui 70 % de chances que le Royaume uni se dirige vers un « No Deal ». Même s’il affirme que la négociation est encore possible avec Bruxelles, Boris Johnson a lui-même progressivement fermé toutes les portes permettant un compromis. Véritable choix politique ou simple bluff ? « Le problème avec le bluff, c’est qu’on ne peut pas laisser penser un seul instant que c’est du bluff », affirmait son collègue du Guardian, Raphael Behr, sur Channel 4. Pour Johnson, il faut absolument qu’à Paris et à Bruxelles on croie dur comme fer qu’il est prêt à aller jusqu’au bout. Pendant toute la campagne, Boris Johnson n’a d’ailleurs cessé de reprocher sa mollesse à Jeremy Hunt chaque fois qu’il laissait entendre qu’un léger report de l’échéance du 31 octobre était possible.


Alors que, sur le fond, rien ne distingue véritablement Hunt de Johnson. Ce dernier a fait toute sa campagne sur cette ligne dure en rappelant qu’il est probablement l’un des dirigeants politiques britanniques les plus familiers des causes désespérées. En effet, lorsque Boris Johnson a été élu à la mairie de Londres, rares étaient ceux qui lui prédisaient une victoire. Les conservateurs ne recueillaient alors que 17 % d’appui dans la population. Pourtant, Johnson a été un maire généralement apprécié. Même chose pour le Brexit. De nombreux analystes pensent que, sans sa détermination et ses qualités de « campainer », jamais le Brexit ne l’aurait emporté.


Plus populaire que Corbyn


Pour la première fois depuis le vote fatidique du 23 juin 2016, le Royaume-Uni sera dirigé par quelqu’un qui a voté comme la majorité des Britanniques. Boris Johnson mise sur le fait que, sous sa direction, les conservateurs radicalement opposés au « No Deal » et dont certains devraient perdre leur maroquin, seront moins enclins à manifester leur dissidence de peur du déclenchement d’une élection. Le revirement de la secrétaire d’État au Travail Amber Rudd semble lui donner raison. Jusque-là radicalement opposée au « No Deal », elle a récemment fait amende honorable en se ralliant à l’idée que le Royaume-Uni devra quitter l’Union européenne le 31 octobre prochain quel qu’en soit le prix.


Alors qu’il sera maître de l’agenda législatif, Johnson devrait aussi mettre au pied du mur les députés travaillistes du nord du pays favorables au Brexit. Les stratèges conservateurs misent sur la popularité de Boris Johnson et la peur d’une élection pour accroître les dissensions qui minent depuis longtemps le leadership de Jeremy Corbyn. Plus tôt cette semaine, 60 travaillistes accusaient publiquement dans le Guardian leur chef d’avoir « échoué au test du leadership » en tolérant dans son parti des opinions antisémites. Alors que les derniers sondages mettent conservateurs et travaillistes pratiquement à égalité, Boris Johnson est deux fois plus populaire que Jeremy Corbyn, dont la cote est au plus bas. Selon la firme de sondages YouGov, « les résultats sont décevants pour les partisans travaillistes, qui soulignent à quel point Jeremy Corbyn a perdu la confiance de ceux qui voulaient voir son parti prendre le pouvoir en 2017 ».


Nul doute que, lundi, entre Boris Johnson et Jeremy Hunt, les militants conservateurs auront choisi le meilleur joueur de poker. Pourtant, écrit Patrick Maguire dans The New Satesman, Boris Johnson risque de « se retrouver au même endroit où se trouvait Theresa May lorsqu’elle a déclenché les élections de 2017 : coincé dans les mâchoires d’un Parlement déterminé à contrecarrer sa politique en faveur du Brexit. Tous les chemins mènent finalement à la confrontation avec l’électorat que [Boris Johnson] a promis d’éviter. »




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